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Billet de blog 22 avril 2017

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Vote de conviction et vote de responsabilité.

Tout est dans le "et". L'affaire n'est pas mince quoique certains puissent en dire. Et en plus il se fait tard. Les bureaux de vote sont mûrs.

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Au tout début, il était question du "vote utile".
Le célèbre et sempiternel "vote utile" que tous s'accordent à fustiger au nom des convictions, des valeurs ou même de la morale quand il semble défavorable à leur parti ; mais que les même réclament et justifient à cor et à cri aussitôt qu'il pourrait venir renforcer leurs rangs.
C'est l'une des grandes traditions de la rigueur morale subtile et de la constance argumentative convaincante qu'offrent systématiquement au public ébahi les composantes de notre gauche nationale...
Le dernier exploit en la matière doit être porter au crédit des camarades mélenchonistes qui par la grâce du "croisement des courbes" ont quitté du jour au lendemain le costume du procureur pour revêtir sans autre forme de procès celui de l'avocat.
Mais sans doute sont-ce d'avantage des mélenchonolâtres fous furieux, voire des méluchiens enragés plutôt que d'authentiques et sympathiques mélenchoniens... ou nistes... Il faut bien dire que le club n'est en la matière pas avare et sait nous offrir chaque jour un bouquets de talents les plus divers.
Donc au début, vote utile ?
Ou vote inutile... donc !
Et le débat faisait rage.
Chez Roger à l'heure du jaune, le Raymond montait dans les tours et le samedi notre brave Maurice avait bien du mal à le décrocher pour le traditionnel rendez-vous chez Félix.
Et une fois là bas, ça repartait de plus belle ! Et ça prenait des proportions alarmantes. Si bien qu'un jour Félix en eût vraiment marre :
- Bon les gars ça ne peut plus durer, on n'est pas sérieux de s'engueuler comme ça et si ça continu on va se retrouver à voter chacun dans son coin, et on sait même pas si on va voter pareil. C'est pas possible !
- Ouais t'as raison Félix, on va quand même pas voter différent !
- Et alors tu proposes quoi ?
- On va faire un séminaire pour réfléchir. Calmement.
- Et on le fait où ?
- Ici, chez moi, on est peinards.
- Ouais c'est vrai, ici on est peinards, et c'est quoi le titre ?
- "Vote de conviction ou vote de responsabilité ?"
- Putain !... fache de ! con... ça dégage ça !
- Ouais... je sens qu'on va bien réfléchir.
- Ça fait philosophe... t'es gonflé quand même Félix... et puis d'abord... y'a assez à manger chez toi ?
- Josette acceptera bien de nous ravitailler Maurice ?
- Ouhhh ! c'est pas sûr... en ce moment elle est un peu féministe, c'est pas sûr du tout.
- Oui oui, on la connaît, elle va encore dire "ouais... c'est quoi cette fonction d'esclave nourricière dans laquelle on veut me confiner, tout ça pour faire les malins avec votre politique de merde d'intelloboborurausexistes soit disant de gauche de mes deux, il n'en est pas question ! Démmerdez-vous bande de machos à la con !"
- Tsss tsss, on va juste lui demander de nous ravitailler en produits, c'est nous qu'on fera la cuisine, le service et la vaisselle et elle sera notre invitée à tous les repas et à sa convenance. Dans ces conditions, honnêtes, ça m'étonnerait qu'elle nous refuse ce petit service. Et puis, ça va bien... "intellobobomachin soit disant de gauche de mes deux...", je voudrais bien savoir "de mes deux" quoi ? d'abord ! non mais !
Et ainsi fut fait.
Il est donc temps maintenant, alors que les urnes commencent à chauffer, de prendre connaissance des conclusions du séminaire de nos amis.

***


Sur les conseil de Félix, Raymond et Maurice ont d'abord relu "les sources" pour bien savoir de quoi il est question qu'on va parler.
Quoi c'est une conviction et quoi c'est une responsabilité... selon les variations subtiles établies par le camarade Weber à propos de "l'éthique". (Pour les nouveaux, lien vers "le texte source")
Ainsi titillés du neurone vous pensez bien qu'ils ne se firent pas priés pour courir s'exciter sur cette fameuse "éthique".

Là ils tombèrent sur Saint-Lordon, le Frédéric, exégète prolixe et talentueux des non moins saintes écritures commises à l'age lointain des lumières par le camarade Spinoza.
Nonobstant le talent et il faut bien le dire une certaine pompe, ils prirent peur au spectacle annoncé de l'alignement passionnel des affects dans la verticalité nationale, et s'en revinrent à toutes jambes voir ce qu'il est possible d'envisager pour éviter un tel malheur.
Un vrai cauchemar quand on y songe bien.
Et à quelques heures du 1er tour, la réalité annoncée des rapports de forces n'est pas rassurante.
On nous annonce donc 4 prétendants (dont deux malfrats) dans un mouchoir plus 1 outsider largué. Et pas moins de 6 figurants plus ou moins nécessaires.
Et il faut bien en convenir l'inquiétude nous gagne au spectacle du quasi unanimisme cocardo-patriotique qui s'est emparé des écuries en compétition. Ces forêts de drapeaux tricolores et surtout, surtout, cette marseillaise entonnée à l'unisson par toutes ses foules hystérisées à l'heure des prosternations de fin de meetings, à l'heure de Trump, de tous les joyeux lurons et luronnes dans son style qui fleurissent sur la planète, mais aussi à l'heure du réchauffement climatique sans retenue et de la robotisation algorithmique sournoise et impitoyablement universelle, cette frénésie identitaire rikiki nous fait froid dans le dos.
Nous avons peur.
Et quand nous pensons aux législatives qui vont suivre, encore plus.
C'est dire si on a les chocottes.
Oui car, vu comment se présente le bébé, tout va se jouer en fait aux législatives.
Et de ce point de vue, le plus dangereux est incontestablement Fillon.
Ce bourgeois provincial cauteleux et cupide, aspirant châtelain menteur comme un arracheur de dents, idéologue extrémiste de toutes les ségrégations, sociale, raciale, culturelle, religieuse, sexiste, (J'en oublie ?...  Sûrement) et adhérent de longue date au gang de "la grande truanderie nationale de droite", est le seul à pouvoir mener à bien ses funestes projets.
C'est le pire de tous car outre qu'il pique dans la caisse sans sourciller (alors qu'il est pourtant bien pourvu), il dispose de l'armée de soudards parlementaires la mieux équipée et la plus aguerrie, prête à l'emploi, piaffante d'impatience et ivre de revanche. Poussé par la rancitude franchouillarde éternellement nourrie aux mamelles de Clovis, de Jeanne d'Arc et du maréchal Pétain, il challenge avec brio l'apprentie facho lepéniste.
Une horreur.
Si par malheur il passait le 1er tour, contre qui pourrait-il perdre au second ?
 
Passons au cas Le Pen.
Elle est parfaitement répugnante. C'est un fait.
Raciste, aussi malhonnête et voleuse que le rablé de la Sarthe, ses discours suintent la même violence et la même haine que les rictus dont nous gratifiait son père. C'est le diable.
Pourtant, tout bien pesé, elle serait probablement bien embarrassée d'une victoire qui serait pour elle prématurée.
La situation n'est pas encore assez pourrie, et il lui manque quelques longueurs pour que ses troupes puissent rivaliser par exemple avec celles de Fillon. En l'état, l'élection serait en fait pour elle une catastrophe, aussi bien pour structurer un exécutif opérationnel face à la haute administration de l'appareil d'état et à la hauteur de ses forfanteries gueulardes, que pour mobiliser une majorité parlementaire solide et fidèle dans la tempête sociale et économique que ne manquerait pas de déclencher son accession au trone. L'hypothèse Le Pen, c'est le grand bordel.
Et puis... contre qui pourrait-elle gagner au second tour ?
Même pas contre Mélenchon nous dit-on.
Avec Macron, si on a bien compris, il s'agit tout simplement de continuer comme avant. On replâtre par-ci par là-ci, on ubérise le reste et vogue la galère sur la mer démontée d'une majorité parlementaire de courants d'air.
L'attelage il est vrai est des plus innovant, qui de Daniel Cohn Bendit à Alain Madelin nous offre le casting le plus échevelé qui aurait pu s'imaginer avant le quinquennat surréaliste qui s'achève.
Depuis... nous savons que désormais tout est possible. Ce fut d'ailleurs à une époque antérieure le slogan fameux d'un non moins fameux. Comme quoi, on n'est jamais assez attentif aux détails. 
Mais il nous faut dire à propos de Macron, que dès ses premiers agitements de futur candidat, alors qu'il n'était encore que ministre sous Valls, Maurice avait confié à ses amis qu'il soupçonnait en lui le substitut que François Hollande était en train de s'offrir en cas d'empêchement de sa candidature à sa propre succession. A l'époque celle-ci était encore suspendue au fil devenu des plus ténus d'une inversion de courbe malencontreusement et bien imprudemment promise jadis comme conditionnelle de son advenue.
L'hypothèse paraissait scabreuse, mais l'empêchement lui, était d'ores et déjà évident, sauf déraison. Et quel qu'ait pu être le sort de LA courbe. Les motifs étaient inombrables, et l'évidence finit par s'imposer naturellement.
Donc, avec Macron on fait du surplace. Et dans un monde qui avance, quand on fait du surplace, en fait on recule.
Et, autant le dire, on recule pour mieux sauter.
En fait on vote donc directement pour Marine Le Pen en 2022.
Venons en donc au quatrième de la bande, à Mélenchon.
Sans risque de nous tromper on peut d'ores et déjà prédire qu'il y aura des livres, des docus vidéos et probablement même des docus-fictions pour garder la mémoire de l'aventure mélenchonesque de 2012 à 2017.
Quel talent !
Mais quel dommage !
Oui car au delà du charme et de la séduction immédiate, tout cela fleure bon ce qu'en fait on n'a plus envie de voir.
Des foules s'en remettant à la volonté d'un seul, des foules en adoration, investissant tous leurs espoirs, sincères, et parfois vitaux, dans une parole et des promesses pour demain matin.
(Et il n'est pas sans saveur au passage de remarquer combien la candidature de Mélenchon, fustigeant la Vème république et son césarisme rampant, nous promettant une VIème république de renaissance démocratique, est cependant la plus gaullienne des 11 candidatures en lice. En l'an de grâce 2017, le comble du paradoxe, c'est Mélenchon.) 
Ses soutiens et collaborateurs les plus proches peuvent bien comme à l'occasion du direct depuis Mediapart nous expliquer avec toute la sincérité du monde qu'en fait Jean-Luc n'est que le porte parole d'une vaste dynamique populaire engagée depuis deux ans et d'un travail d'élaboration programmatique collaboratif, ils ne font que témoigner de leurs propres adhésions personnelles à un mouvement certes populaire, mais dont l'ampleur n'a rien à voir avec son remarquable impact dans l'opinion et la dynamique électorale suscitée.
Et il convient de saluer la performance. Mais sans cultiver l'illusion.
Ils sont victimes de l'euphorie légitime qui les submerge.
Parce qu'avec talent ils ont su ponctuellement les capter ils ne voient plus les effets démultiplicateurs illusoires et abusifs de la médiatisation et de l'audience qu'habituellement ils fustigent à juste titre ; et ils projettent leurs propres engagements et motivations en fait "groupusculaires" sur un vaste mouvement d'opinion qui en réalité et comme tel, reste superficiel, versatile et donc inquiétant.    
  
Ici même, au mediapartclub, nous avons par exemple pu lire sous "la plume" d'un mélenchoniste retord (un peu méluchien sur les bords), qu'il justifiait son engagement par le fait qu'il n'avait plus le temps d'attendre compte tenu de son âge...
Il y a là, dans ces comportements de foule, comme dans cette impatience égotique avouée, à contrario de tout ce qui est proclamé, une sorte de fascination pour une forme de régression démocratique et d'infantilisme politique, à cent mille lieues du travail abusivement revendiqué "d'éducation populaire".
Et ce n'est pas bon, ça n'annonce rien de bon.
A l'heure des déceptions, le retour de balancier fera mal.
On sait qu'il y a des gens, beaucoup trop de gens, qui ne peuvent attendre parce qu'ils n'en ont plus les moyens. On ne peut que comprendre leurs colères et essayer de les détourner de Marine.
Mais quand ce n'est qu'une question de temps, d'impatience, quand on est au bord du caprice... en pleine irrationalité, on ne peut même plus essayer. On ne peut que redouter les réactions à venir après la défaite ou les désillusions.
Oui, car il faut revenir sur terre.
Contre qui Mélenchon pourrait-il gagner au second tour ?
Contre Marine Le Pen nous dit-on.
Peut-être, admettons...
Et après ?... aux législatives... ?
Qui c'est qui va nous faire croire qu'on va avoir une majorité parlementaire solide d'insoumis ? Authentiques, incorruptibles et fidèles à leurs engagements.
Qui c'est qui ose ?
Et puis même, dans l'hypothèse où..., soyons réalistes.
Dans le monde en crise qui est le notre, dans l'europe en crise dont nous faisons partie, le programme de la France Insoumise n'aurait de chance de succès qu'à une conditon, le passage volontaire au socialisme. Et pas qu'en France.
Les insoumis nous fomenteraient-ils en loucedé un complot trotskiste de révolution internationale dont nous serions à notre insu la mêche par eux allumées et destinée à mettre le feu aux poudres ?

S'agit-il de restaurer subrepticement la grandeur révolutionnaire et universaliste de la France ?
Pourquoi pas !?
A condition qu'on puisse en discuter un petit peu.

A cette condition, nous sommes sûrs à Répoutégous d'être assez nombreux en en accepter l'augure. Mais pas avant d'en avoir discuté, un petit peu.
Et donc en attendant, nous voilà donc bien embêtés.
Nous n'avons parmi les 4 majeurs, aucun candidat digne de notre vote de conviction.
Et nous ne pouvons cependant nous abstenir au risque d'avoir à prendre notre part de responsabilité de l'éventuel succès relatif de l'un des deux ou même des deux candidats de l'extrême droite.
En responsabilité et par conviction nous avons donc décidé, bien qu'il soit coupable d'avoir été noniste en 2005, de voter pour Benoît Hamon.
Sa personne ne nous est pas antipathique.
Son projet n'a aucune importance en l'occurrence.
Ce n'est finalement qu'une question d'hygiène et de respect pour l'avenir.
(Avec nos regrets pour Philippe Poutou que nous aimons bien et Nathalie Arthaud, un peu moins.) 

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