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Billet de blog 2 octobre 2021

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Jeunesse : arithmétique de chiffre ou mode de vivre, de penser, d’agir ?

En retour du questionnaire de Khedidja Zerouali sur l’engagement « de la jeunesse », je soumets mes réponses critiques, assorties de réflexions sur les pluralités de jeunesses, et sur le défi de faire cohabiter ou au contraire coexister les générations

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Ne retrouvant plus en ligne ce questionnaire qui appelait à approfondir notre réflexion sur la généralité creuse de « la jeunesse » à partir de son engagement, je reprends les 5 questions qui étaient proposées en vue de soumettre mon propre itinéraire de jeune de 79 ans. Non pas dans une intention nombriliste, mais pour inviter d’autres « adultes » ou « vieux » à se raconter sur ces 5 points essentiels. Ainsi, présumè-je, on pourrait recueillir des données détaillées sur les évènements-déclics, les œuvres, les options politiques, les enjeux jugés majeurs, qui animent les générations. Plutôt que sectionner la population en tranches d’âges arbitraires, impensées, en les faisant cohabiter, ce qui veut dire se juxtaposer en s’ignorant mutuellement, on disposerait d’éléments invitant à être évalués dans leur pertinence, de sorte que les générations coexistent sans s’ignorer. Qu’y a-t-il à puiser dans chaque âge qui mérite d’être adopté par tous ou une large part de notre peuple. Ce questionnement remédie à la stupidité de « sondages » qui répandent leurs clichés simplistes, falsificateurs (Vois « Faire l’opinion », de Patrick Champagne (1990, republié en 2015). Si des membres de Mediapart répondent en nombre à cet appel à témoignage sur l’engagement, il aura valeur de vote pour ceux qui, dégoûtés par une offre politique insuffisante, s’abstiennent…

1/- Parlez-nous de vos engagements. Quel en a été déclic ? Qu’est-ce que cela a changé concrètement dans votre vie ? Avez-vous abandonné le vote comme moyen d’expression politique ? Et pourquoi ?

Déclic en 1960, en prépa à Paris, lycée H IV, par la solidarité avec les Algériens en guerre d’indépendance avec la France. Engagement à l’extrême gauche (Trotzks, maos) avant de virer anar, puis orphelin (voir le point 3, à partir de Mitterrand). Rôle de la Beat Génération, dès les années 60, contre le Vietnam (« Hair » et autres groupes, concert Woodstock).

De là, marginalisation, avec refus de Normale Sup, prof de philo auxiliaire très longtemps, refusant le Capes, jusqu’à plier et postuler à devenir certifié à l’ancienneté

. Sans regret, car cette voie écartée permet de découvrir des pépites ignorées des médias. Aujourd’hui, c’est différent, avec le besoin de tester les résultats de 60 ans de recherches, travaux, expériences : être un « rien » dans les espaces publics pèse trop lourd.

Tiens, en voilà un thème à traiter par Mediapart, celui de la fracture entre pipoles et Sans Voix, tels les Gilets Jaunes blousés par le « représentatif » électoral confiscatoire si bien démasqué par E. Plenel.

2/- Dites-nous quelles sont vos références (les livres que vous lisez, les films et les musiques qui vous transportent) et quelles personnalités vous donnent de la force et vous influencent ?

Livres « hard », à savoir métaphysiques (ne pas confondre avec une « philosophie » à la Victor Cousin qui sature les espaces médiatiques de ses bavardages aussi pompeux que creux !), appuyée sur une épistémologie rigoureuse introduisant à une dizaine de sciences, constituant le corpus de connaissances sur lesquelles les principes et méthodes spécifiques sont à acquérir si on tient à se vouloir instruit et non diplômé sans garantie d’avoir acquis les moyens d’expliquer des phénomènes matériels et humains. (Enjeu à voir au point 5).

Prolongements, sur les savoirs érudits concernant histoire, économie, politique, écologie, des essais, études approfondies qui explorent les complexités dépassant nos capacités scientifiques.

Sur connaissances et savoirs, je citerais : « Ce qu’on doit aux Amérindiens » (ethnologie) ; « Techno-féodalisme » et « L’âge du capitalisme de surveillance » (sociologie et économie) ; 50 auteurs sur la décroissance (écologie).

Selon la perspective que des essais sont à prolonger par de la littérature romançant les données collectives, les époques : les grands romanciers du 19° siècle, Hugo et Zola en tête : aussi, de la SF vérace style Asimov, des romans noirs sociaux style Chester Himes et jusqu’à Dominique Manotti.

Pour les films : westerns et thrillers sociaux. La musique renvoie aux ACI, tels Brassens, Brel, Ferré, Ferré, François Béranger, Graeme Allwright ; les groupes de jazz style Dave Brubeck, les groupes folk de la Beat Generation, les groupes andins.

Quant aux personnalités influentes, outre les romanciers déjà cités, il y aurait René Dumont, Angela Davis et les Frères de Soledad, Louise Michel, mais aussi une myriade d’illustre inconnus à redécouvrir (pas de « cultes » masquant les réalités !), résistants héroïques, artistes oubliés, politiques locaux méritants (ils figurent sur des noms de rues).

3/- Pensez-vous que des changements profonds peuvent advenir grâce à des projets alternatifs ou seule une révolution radicale peut changer la donne ?

Une réalité radicale, c’est la mauvaise plaisanterie qui nous a fait courir devant « le vieux monde » en matraques dans les années 60. Qui imaginerait 50 millions de Français mobilisés sur l’enjeu d’une égalité fraternelle à conquérir ??

Or, sans cette condition impérative, une minorité de militants exploite une insurrection ponctuelle en accaparant les pouvoirs militairement, institue une dictature prolétarienne sans démocratie.

D’ailleurs, la notion de « démocratie » brille par son flou mystificateur. « Représentative, électoraliste », elle répond à la logique qu’Hara Kiri dénonçait par la maxime : « La tyrannie, c’est « peuple, ferme ta gueule ! » et la démocratie, c’est « masses, causez toujours », les élus et dirigeants sont sourds ».

Une démocratie qui serait « participative » ?. Des tentatives isolées hantent nos souvenirs, sans apporter de modèles opérationnels depuis deux siècles (à part un modèle amérindien à ressusciter, actualiser, sans qu’on sache précisément en tirer un programme opératoire).

Baudelaire a diagnostiqué avec lucidité en 1848 que « l’action n’est plus la sœur du rêve » ; et le magnifique programme inventé par la Commune de 1871 reste à étendre du local à un collectif élargi, disjoint de nos Etats qui ne forment plus des nations soudées autour de valeurs communes… Il y a eu des Gilets jaunes, blousés facilement par l’institué électif et dirigeant. Alors, pour sa part, l’électif non représentatif dégénère en corps électoral désorienté, juxtaposant des corporations et communautés de consuméristes. Désormais, nos collectivités sont régies par les pouvoirs souterrains de GAFAM qui monopolisent les espaces publics avec leurs algorithmes aiguillant les individus vers leurs pubs calibrées, les rendent addictifs à des gadgets futiles, exacerbent les haines tribales, ethniques, nous enlisent dans les populismes de droite, style Trump-Poutine-Zemmour…

4/- La pandémie vous a-t-elle galvanisé (par nécessité ou volonté d’un monde d’après) ou au contraire vous a-t-elle complètement coupé les ailes ?

Dramatique, cette épidémie tueuse, tragique en dévoilant notre impuis-sance malgré nos prétentions à une maîtrise quasi-divine de nos technologies sur l’environnement. En revanche, zéro influence sur des énergies créatives indomptables comme la mienne. Même l’âge, mes 79 hivers, est impuissant à tiédir ma flamme de révoltes en quête d’issues problématiques paisibles.

5/- Champ libre : si vous voulez vous exprimer sur un tout autre thème, n’hésitez pas.

Oh oui, un défi monumental, peut-être hors de notre portée, attend.

Il s’agit de réussir ce qui a jusqu’ici échoué dans nos institutions, l’accès du plus grand nombre à une instruction de base, que les diplômes de nos écoles (y compris ceux des plus « grandes écoles ») ne dispensent pas. Comment vulgariser, sans en réduire les concepts, les logiques des sciences et de la métaphysique ? Or, faute d’affronter ce défi essentiel, on livre nos collectivités à la circulation triomphante des fake-news, de délires complotistes. De tels parasitent minent la politique, dissolvent un corps électoral.

Une voie possible, cependant problématique dans son efficacité, réside dans l’inventaire du phénomène associatif, où une société civile s’organise partiellement en organisations vouées à la réflexion, aux cultures, aux techniques traditionnelles de santé, d’alimentation, aux artisanats, aux aides à l’insertion, à la coopération avec les pays en difficultés, aux ouvertures sur l’international. Ces secteurs constituent les 12 « Gisements de richesses » que je collecte et cartographie sur mon site associatif www.cheminements-solidaires.com

Reste que ces novateurs solidaires ne se relient pas ou trop peu en réseaux, accaparés par leur survie, nez dans le guidon. Et les médias comme les politiques et administratifs, les universitaires et chercheurs, demeurent aveugles et sourds à ces 4 millions de groupements d’acteurs civils… Mediapart, cette richesse citoyenne occultée ne mériterait-elle pas un espace spécifique sur votre site ?

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