Parmi les facteurs sociaux qui compromettent radicalement que la formule de notre devise républicaine en tant qu’idéal démocratique s’accomplisse véritablement, figurent non seulement la résorption des inégalités de patrimoine et de revenus, le dépassement des discriminations ethniques, de genre, d’âge, mais peut-être d’abord les fossés et fractures concernant formation et accès égal de tous à une instruction la plus élevée possible.
S’il en est très peu question dans l’espace public en général, ainsi que dans Mediapart, cela s’interprèterait en invoquant deux paramètres majeurs. D’une part, peu de citoyens ont emprunté la voie d’une formation personnelle aux connaissances développées au cours des siècles antérieurs ; d’autre part, nos institutions scolaires, par leurs programmes et leurs offres de cursus, ont saucissonné parcours individuels et diplômes en « spécialités » cloisonnées. De ces facteurs résulte une inculture politique grave, qui handicape et appauvrit considérablement la réflexion commune sur la politique.
Le journalisme lui-même est affecté en profondeur par la superficialité, l’insuffisance conceptuelle, régnantes dans l’espace public qu’il occupe. Soucieux de s’adapter à leur lectorat, les organes de presse n’entreprennent pas d’acquérir ni donc de divulguer des connaissances basiques pourtant, que la situation et les défis mondiaux exigent pourtant de maîtriser. Même des revues se bornent à transmettre à leurs lecteurs des thèses et publications théoriques spécialisées, indifférentes à se confronter aux autres disciplines. Une telle optique correspond à se contenter d’un « bien commun » au rabais, renonçant ainsi à l’obligation citoyenne d’opérer l’actualisation, aux 20° et 21° siècles, du modèle de « l’honnête homme » du 17° siècle, ou encore de l’idéal qui guidait le Siècle "des Lumières, avec, entre autres, l’Encyclopédie…
Il est admissible de juger que remédier à une carence de cette dimension est déraisonnable, inatteignable. Il n’empêche qu’une réflexion là-dessus s’impose pour qui prétend mener une analyse rationnelle sur nos institutions. Au cours de ma vie professionnelle de prof de philo, j’ai choisi d’orienter mon enseignement vers la métaphysique, analyse critique des pensées adossée sur l’épistémologie, en tant que réflexion précise sur toutes les sciences. En cela, j’ai participé au GREPH de Derrida, Groupe de Recherches sur l’Enseignement de la Philosophie, lequel « déconstruisait » l’institutionnalisation au Second Empire, par Victor Cousin, des cours en classe terminale survolant superficiellement ce type de réflexion, le pervertissant par des normes et des modes à impact idéologique…
Collectivement, aucune chance ne se dessine de faire connaître une formation citoyenne à la critique par une initiative aussi marginale ! Par conséquent, grâce à Médiapart, j’ai aperçu enfin une occasion possible d’interpeller des auteurs de blogs soucieux de propager des réflexions sur nos responsabilités de démocrates… Pas évident toutefois ! Donc, mon questionnement se bornera à soumettre une sorte de bibliographie formatrice à des blogueurs Mediapartiens dont j’ai apprécié les billets. Consultant leurs notes bibliographiques, j’ai archivé 77 références d’auteurs cités par eux.
Comme je ne partage que 7 auteurs avec ce corpus relevé, m’est venue l’idée de renouveler mon interpellation, cette fois en invitation à se situer mutuellement dans un référencement partagé d’auteurs jugés fondamentaux dans l’itinéraire personnel de réflexion.
Ma demande est-elle assez claire ? Si oui, j’attends qui me fera retour, dans les 101 auxquels j’envoie ce courriel, sur sa propre liste d’auteurs basiques.
Si non, j’attends également qu’on m’indique ce qui est confus, ou encore importun, débile, dans ma démarche… En en proposant une autre à la place ?
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Liste d’ouvrages essentiels à mes analyses
1/- Emmanuel Kant « Critique de la Raison Pure » - Tome 1
2/- Cornélius Castoriadis « Les carrefours du labyrinthe »
3/- René Thom « Esquisse d’une sémiophysique » et « Apologie du logos »
4/- Edgar Morin « La méthode » (6 volumes)
5/- Collectif 1974 « La science et la logique »
6/- Emile Borel « Le hasard »
7/- Robert Blanché « L’axiomatique »
8/- Hubert Reeves « Patience dans l’azur » ou « Poussière d’étoiles »
9/- Gilles Cohen-Tannoudji « Les constantes universelles »
10/- Etienne Klein « Conversations avec le Sphinx, les paradoxes en physique » et Sous l'atome, les particules »
11/- Jean-Marie Pelt « Les langages secrets de la nature » et « C’est vert et ça marche ! »
12/- Oswald Ducrot « Dire et ne pas dire » (les actes de parole)
13/- Roman Jakobson « Essais de linguistique générale » (sur les fonctions de la communication)
14/- Christian Metz « Les Essais sémiotiques » (les 8 variables de l’image)
15/- Henry Lévy-Bruhl « Sociologie du droit » (4 formes du droit) Qua sais-je ? et « Traité de sociologie » de Gurvitch
16/- Emile Durkheim « De la division du travail social » (solidarités mécanique et organique)
17/- Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron « Les héritiers : les étudiants et la culture » – « La misère du monde » - « Science de la science et réflexivité »
18/- Claude Lévi-Strauss « Race et Histoire » et « L’anthropologie structurale »
19/- Sigmund Freud « Malaise dans la civilisation » et « L’avenir d’une illusion »
20/- Paul Fraysse « Manuel pratique de psychologie expérimentale »
21/- Léon Festinger et Daniel Katz « Les méthodes de recherche dans les sciences sociales » (4 types de méthodes)
22/- Gilbert Simondon « Du mode d'existence des objets techniques »
23/- Roland Barthes « Mythologies »
24/- Marcel Mauss « Essai sur le don » (Potlatch)
D’autres ressources sont aussi à mentionner, concernant les sociétés « natives » et leurs sagesses, les Prédateurs milliardaires qui asphyxient nos sociétés :
Jack Weatherford « Ce que nous devons aux Indiens d’Amérique »
Cédric Biagini, Pierre Thiesset, David Murray « Aux origines de la décroissance – 50 Penseurs »
Cédric Durand « Techno-féodalisme - Critique de l’économie numérique »
Shoshana Zuboff avec « L’âge du capitalisme de surveillance »
Monique Pinçon-Charlot, « Les Ghettos du gotha. Comment la bourgeoisie défend ses espaces »
Denis Robert « Larry et moi. Comment Blackrock nous aime, nous surveille et nous détruit »