L'absurdité du monde peut se résumer au fait de vouloir à la création un créateur, à l'action un acteur. Alors que celui-ci n'est autre que celle-là. Alors que c’est la création qui se constate, se révèle à elle-même, par les phénomènes qui l’animent. Alors que le créateur, l'acteur, "l'humanité pensante", est postulé.
Le problème c'est la solitude, en réalité l'isolement, du créateur. Et la souffrance qui découle inéluctablement de cet isolement qui est séparation.
Séparation qui initie le jugement, le conflit, le désordre, la dispersion.
Le jugement n'est possible qu'à partir de la séparation.
La comparaison n'est possible qu'à partir de la séparation.
Les effets délétères du sujet sur l'objet n'existent qu'à partir de leur séparation.
La défense ne s'organise qu'à partir de la séparation.
La séparation introduit le gain et la perte, introduit la représentation, l'image.
la souffrance a pour unique origine la séparation.
La solitude, qui n'est pas l'isolement, ignore l'image, ce qui signifie aussi qu'elle ignore la mort. La mort n'existe qu'à partir de la séparation.
La séparation est entièrement conceptuelle, arbitraire, voulue.
Pourquoi vouloir, pourquoi la séparation, pourquoi son dogme ?
Parce que le plaisir est retenu et poursuivi au lieu de s'évacuer à mesure qu'il est vécu. L'attrait qui lui est associé condamne à vivre dans son souvenir quiconque sort du désir (de l'intemporel), satisfait ou non, pour recourir au droit (au temporel) qui signifie propriété, au devoir, quiconque fait du plaisir un objectif. La séparation, toute séparation, naît de la notion de motif à l'action, de la poursuite d'un objectif. La séparation vise la conservation, autrement dit la mortalité, ce que de fait elle génère. La satisfaction qui sort de sa limitation au fait, pour devenir le but, est l'abomination initiale.
Il est impossible de mettre un terme à la souffrance sans cesser de vouloir du monde, sans cesser de se faire le carburant de la machine à produire de la séparation.
Dès que la volonté intervient, la séparation, c'est-à-dire l'individu isolé, le sujet, naît. Il n'existe pas de sujet sans la volonté. Sans la volonté la vie se déploie en liberté, sans personne.
merci pour cette lecture