à l’abri j’ai bon droit d’ignorer
« le pire est toujours certain »
le danger va-t-il m’ouvrir
ou me fermer davantage
la paix ici, la guerre là-bas
il s’agit toujours d’attendre
le jour, la nuit, le répit, la justice
attendre la réparation
à l’abri dans mon corps
mais mon corps brinquebale
j’ai bon droit d’ignorer
tandis que l’horreur est pour demain
tandis qu’à Gaza, au Yemen, en Ukraine
tandis qu’un peu partout l’horreur
frontière de mon corps, cloison opaque
de quel côté suis-je tombé ?
suis-je avec l’autre ou avec moi-même ?
mais l’un ne vit pas sans le second
puisque attaché de se départir
et pourtant toujours je sais
que le jour s’en va par ici
et se lève à l’est
trop facilement je sais
et toujours je sens que la peau
n’est qu’un passage
et la distance qui me sépare de l’autre
mon assurance-vie
contrat poisseux dont je ne puis
effacer la signature
*
vaste troupeau humain
ou considéré comme tel
et se conduisant comme tel
ingénieux bipèdes
assoiffés de sang
tortureurs et assassins
posséder, dominer, humilier
voilà son triste empire
animal reproducteur
issu de sombres générations
le voici repus mais cruel
le confort constitue son bonheur
avec la perpétuation de l’espèce
ou le suicide camouflé
vaste troupeau, marmaille rancie
bientôt décimée
sous un ciel indifférent
*
mourir ou mourir
le sujet reste libre sous les bombes
il suffit d’oser le dire
(depuis la tour de contrôle)
une armée contre des civils
un massacre accusatoire
une vengeance qui se recycle
indéfiniment
*
visage effacé contre le mur
visage de pierre et de ciment
mur de sang et de chair
mur dressé contre rien
rien que pour tomber
le mur finit par tomber
car il n’y a plus personne
*
des chiffres barrés dans une ligne comptable
et ton souffle est coupé
quand Dieu existait
je chantais le lendemain
l’enfance de l’art
morte dans l’œuf
&