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D’un poète américain inconnu en France, James Wright, un premier livre traduit nous arrive plus de quarante ans après sa mort, traduit par Christian Garcin au sein de la collection Amériques des éditions Le Réalgar.
Non inscrit dans les courants les plus en vue, proche de Robert Bly (présent en français dans la même collection), Wright s’est trouvé davantage d’accointances avec les poètes latino-américains, tels que Pablo Neruda ou Cesar Vallejo, ou espagnol (Ramón Jiménez, Miguel Hernández, Jorge, Guillén) ou encore de certains auteurs germaniques comme Trakl ou Rilke.
Sa poésie à lui, elle témoigne du quotidien des ouvriers autant que des paysages du Midwest. James Wright chronique un territoire géant parcouru à pied assurément plus qu’en Cadillac. C’est une Amérique populaire qui se présente, avec ses hasards d’horizon, ses multiples vagabonds, losers et migrants de tout poil. Il erre et se raconte, poète du détail et de l’observation d’une condition, comme mâchant ses journées, les scrutant, les avalant, les transposant sur la page, avec ellipses et raccourcis, en quelques vers parfois, juxtaposés, qui suffisent au poème bref, ouvert à l’infini.
PLUIE
C’est le naufrage de toutes choses
Les lampes-torches dérivent sur des arbres sombres,
Les filles s’agenouillent
Les paupières d’un hibou s’abaissent
Les os tristes de mes mains descendent dans une vallée
Aux étranges rochers
Comme souvent chez les poètes de ces contrées, le paysage, qu’il soit spatial ou social, est vertigineux et nous emporte, nous voyageons en lisant, accompagnant le frêle et hardi aventurier qui sait partager son présent. Ohio (L’Ohio où j’ai jadis / Traqué et maudit ma solitude [p. 111]), Minnesota, Dakota, Virginie, Chicago, Minneapolis, Nevada, nom de lieux, de pays, de villes, ils sont avec les noms des arbres et des animaux les jalons de l’écriture collée à un quotidien qui n’a rien à voir avec la vie de bureau.
Moins narratifs que signalétiques, les poèmes de Wright compriment en quelques vers des plans différents, on y trouve des notations multiples qui provoquent une ouverture de sens et d’azimuts. Il n’est plus au lecteur que de le suivre.
[…]
Au-delà de la ville, trois lourds chevaux blancs
Pataugent jusqu’à l’épaule
Dans l’ombre d’un silo
Soudain, le wagon de marchandise remue.
La porte claque, un homme muni d’une lampe de poche
Me lance un bonsoir.
Je hoche la tête en écrivant bonsoir, solitaire,
En manque de chez moi. [p. 91]
*
James Wright, La branche ne se brise pas, suivi de Allons nous rassembler à la rivière (traduit par Christian Garçin), éditions Le Réalgar, 2024, 22 €.