Jean-Claude Leroy (avatar)

Jean-Claude Leroy

Abonné·e de Mediapart

416 Billets

1 Éditions

Billet de blog 7 février 2024

Jean-Claude Leroy (avatar)

Jean-Claude Leroy

Abonné·e de Mediapart

Tribune Tesson sans Printemps, suite : et si l’on mouchait les miteux mamamouchis !

En écho aux aboiements des chiens de garde de CNews and Co, digressions désordonnées d’un gosse mal dégrossi…

Jean-Claude Leroy (avatar)

Jean-Claude Leroy

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

[mamamouchi : dignitaitre de pacotille, apparatchik toc,
d’après Molière, Le Bourgeois gentilhomme.]

« l’ensemble de ces réactions vient juste confirmer le point soulevé par la tribune, à savoir les relations étroites de Sylvain Tesson avec l’extrême-droite et l’inscription du gouvernement de Macron dans la continuité de celle-ci. » Sara Mychkine

Désopilant de constater avec quelle condescendance le clergé culturel et médiatique (pardon du pléonasme) s’est emporté contre la tribune publiée récemment par le quotidien Libération. Intitulée : « Contre Sylvain Tesson comme parrain du Printemps des poètes », et sous-titrée : « Le choix de l'écrivain pour l’édition 2024 vient renforcer la banalisation et la normalisation de l'extrême-droite » cette prise de position a eu le grand mérite, non sans l’aide des insulteurs en chef (les mêmes qui avaient agoni les Gilets jaunes, autre vermine), d'encore montrer que l’ordre impeccable des valets officiels ne tolère plus la moindre incartade.

Était remis en cause le choix de Sylvain Tesson, otage consentant de l’idéologie crispationniste, pour parrainer le principal festival ayant trait à ce domaine à la fois minoritaire et foisonnant, la poésie. Le Printemps des poètes était par là même interrogé sur la normalisation en cours d’une extrême-droite que le macronisme vient encore d’honorer par l’invention d’une nouvelle loi destinée à lui complaire. Là où la direction du festival se voyait reprocher son passif accompagnement, à ce moment précis, par ce seul choix, d’une politique à connotation raciste, les édito-sérialistes de la sphère collabo, les fielleux Pascal Bruckner, Pascal Praud, Éric Naulleau et autres jocrisses aux dents usées que l’on aurait jamais crus versés à ce point dans l’expertise poétique, se sont avérés, comme à leur habitude, de miteux mamamouchis. Ils n’avaient évidemment pas assimilé le sens précis de la tribune qu’ils attaquaient. Pourquoi donc l’auraient-ils fait. Il est toujours plus facile pour ceux-là de ne pas lire pour mieux écrire, et il y a longtemps qu’ils ont arrêté de gaspiller leur temps à comprendre ou recevoir, alors qu’il suffit d’aboyer la partition du chef pour toucher son pécule, son compliment, son accolade.

Le clignotant Tesson, qui avait agi une première fois, agissait donc une seconde fois, mais à rebours et pas près des mêmes. Les cuistres patentés des plateaux cathodiques allaient donc ridiculiser la masse abrutie des poètes et poétesses qui osaient ne pas se reconnaître dans un « Kessel de caniveau », un « Bouvier de réclame », enfin un écrivain qui doit être à la littérature voyageuse à peu près ce que Nicolas Hulot est à l’aventure exotique (je puis l’affirmer d’autant plus facilement que, moi non plus, je ne l’ai pas lu – mais on peut tout affirmer à tort et à travers, tout diffamer désormais, les plus hauts placés nous en donnent l’exemple au quotidien ! C’est qu’avant d’entamer Tesson, je dois d’abord finir tout Alexandra David-Neel, tout Jacques Lacarrière, tout Théo Lesoualc’h, tout Tony Morrisson, tout Maryse Condé, tout Bruce Chatwin, tout Joël Vernet, tout Marie Cosnay, tout Serge Marcel Roche, tout Sara Mychkine, etc.).

Toujours est-il que nos marmottants mamamouchis tenaient la preuve que nous étions des imbéciles : ils ne nous connaissaient pas ! C’est pourtant la règle : pas touche à une célébrité si l’on n’est pas soi-même adoubé par l’audimat ! Cependant, se faire d’un coup traiter de médiocres, de cafards, de nains, d’obscurs, par de si joyeux drilles, quel régal ! Frappez encore, chers travestis, c’est bon ! Qui dira en effet le séculaire masochisme des poètes de tout sexe ? Sans compter oncle Djack , ancien ministre solutréen de l’Intelligence et actuelle momie de luxe à l’Institut du Monde Arabe, qui, venant au secours de la hauteur de vue, a parlé de « crétinisme », toujours à propos de la vermine anonyme (toi, moi, nous). C’est vrai, ça, comment font-ils, comment faisons-nous, vieilles taupes aveuglées, pour échapper à la lumière ? N’en avons-nous pas rêvé pourtant ?

Le mot « censure », c’est eux, les exorcistes patentés, qui l’ont prononcé, comme s’il avait été question d’interdire un livre ou un auteur, et non pas seulement de mettre à nu un système, une dérive, une corruption de bon aloi. « M’enfin toutes ces furies, tous ces furieux, c’est pas la poésie, c’est la populace, la même qui défile dans les rues, si ça se trouve ! Zutistes à moitié zadistes, allez savoir ! Ils ont peut-être attaqué des méga-bassines, au lieu d’écrire des vers. Ils ont peut-être des idées, au lieu d’avoir des postes, parce qu’ils n’ont vraiment rien compris à l’esprit de réussite ! Et certain.e.s seraient même inclusif.ve.s, quelle horreur ! »

Ensuite, se croyant obligés de défendre non pas ce qui était attaqué, mais son oriflamme héroïque, du haut de leur docte dignité, les mamamouchis nous ont expliqué, à nous, pauvres puants et infimes grimauds, que Baudelaire aussi était réactionnaire. En effet, l’école républicaine n’étant plus ce qu’elle était, nous autres, benêts attardés, nous ne le savions pas. Et d’ailleurs, nous ne savons toujours pas, par exemple, si Luc Ferry est doté ou pas d’un cerveau, c’est pour dire (il faudrait une démonstration, elle ne vient pas)… Ah ! comme nous en apprenons, des vérités toutes vertes, en écoutant la prose des mamamouchis ! Que deviendrions-nous, en ce monde terre à terre, sans ces pédants acrobates ?

La tribune des poètes, poétesses, ne disait-elle pas (trop lourdement, certes), que placer l’icône Sylvain Tesson en tête de ce festival, après la loi immigration, ça faisait beaucoup, carrément trop ! Une seule goutte rancie en plus et le vase déjà trop plein déborde ! Or, contrairement à l’effet salonnard des émissions en vue, il se trouve que le peuple écrivassier n’est pas entièrement acquis à la cause extrême-droitière !

Si quelqu’un a saisi quelque chose à cette histoire de tribune, c’est sans doute la première intéressée, Sophie Nauleau, directrice artistique de ce Printemps des poètes, sa démission montre qu’elle a bien compris qui était visée. Laudatrice puis compagne d’André Velter, increvable archevêque des ordres poétiques hexagonaux, elle avait succédé à Jean-Pierre Siméon qui n’avait plus qu’à succéder à… Sophie Nauleau à la direction de la collection Poésie/Gallimard, où elle-même avait succédé à son Velter de compagnon. « Chaises musicales *, avez-vous une âme ? » Avouons que c’est là aussi un régal, ce népotisme printanier, aux petits oignons ! Et voici que, les années passant, l’autorité sourde signée Nauleau a fini par lasser (un management qui a su faire l’objet d’un récent papier dans Le Monde, avec des témoignages pour le moins à charge, bel exploit !), jusqu’à ce choix du gugusse par trop glorieux qui arrive comme une sucrerie offerte au président Macron de tous les Français de souche !
* Rectificatif (pan sur mon bec), un lecteur avisé me précise : Sophie Nauleau n'a jamais dirigé la collection Poésie Gallimard. Pour ce qui est des chaises musicales, ça s'est passé ainsi : Sophie Nauleau a succédé à André Velter sur France Culture pour animer une émission de poésie ("Ça rime à quoi ?"). Jean-Pierre Siméon a succédé à André Velter à la direction du Printemps des Poètes puis à la direction de la collection Poésie Gallimard (après avoir proposé un thème spécial 50 ans de la collection Poésie Gallimard en 2016) et Sophie Nauleau, virée de France Culture, a succédé à Jean-Pierre Siméon à la direction du Printemps des Poètes. (Sans compter que Sophie Nauleau a fait sa thèse sur... André Velter bien entendu.).

Alors, voyons voir, maintenant. Le Printemps des poètes va commencer sous peu, Sophie Nauleau est partie, Sylvain Tesson 1er, qui a le beau rôle, en est toujours le parrain (sa promotion est désormais intégrale). Alors que c’est bientôt le moment des événements, des lectures publiques, des apparitions miraculeuses, la (mal)chance d’exister sous cloche, que vont faire ces messieurs-dames du champ poétique ? Vont-ils aller à la soupe (Il faut bien manger !) ? Vont-ils s’abstenir ? Vont-ils, à la manière du « maître », se sibériser, se celticiser, se panthériser ? Le suspense est intenable, non ?

On peut bien sûr lire (et aimer) Dominique de Roux sans être de droite, lire (et aimer) Tony Duvert sans être pédophile, lire (et aimer) Martin Heidegger sans être nazi, lire (et aimer) Aragon sans être stalinien, lire (et aimer) Alain Badiou sans être maoïste, lire (et aimer) Éric Vuillard sans être de gauche, etc. On peut se sentir du vieux monde et accueillir des visages neufs, et inversement. On peut aussi être un piètre poète et ne pas avoir tort pour autant.

Nos maîtres en tolérance (Bruckner, Praud, Naulleau, etc.) nous ont bien assené la leçon : ne pas manquer de soutenir et renforcer la force qui s’est imposée déjà, et donc, à l’occasion, dans le même mouvement, d’écraser sous le talon la faiblesse qui grogne, « les gens qui ne sont rien. »

Mais il se pourrait qu’il faille de tout pour faire un monde, même des cafards anonymes. C’est peut-être important, les cafards anonymes, ceux-là même qu’il n’est pas nécessaire d’éliminer puisqu’ils n’existent pas. Sauf ce dérapage inconsidéré de Libération qui a cru bon de publier ce coup de gueule poussé, qui sait ? par des m’as-tu-vu en herbe… En attendant, bons et honorables seigneurs très savants professionnels du porte-voix, regardez ces va-nu-pieds, ces vermisseaux, ces chiards ignares que vous méprisez, et sachez que du fond de leur bac à sable, à l’unanimité, ils vous emmerdent !

[épilogue, ou les inconvénients du direct : ayant rédigé ces lignes, j’ouvre incidemment le livre de Sylvain Tesson emprunté par scrupules hier à la bibliothèque de mon quartier, Géographie de l’instant (éditions des Équateurs, 2014). Il s’agit d’un rassemblement de notes parus dans divers journaux et revues. J’en lis quelques dizaines de pages, je les trouve plutôt bonnes, j’aime ça. J’aime cette liberté de ton, ces références de toute nature, ces observations qui me paraissent souvent pertinentes, c’est-à-dire à mon goût. Alors ? Qui sont les preneurs d’otages, me dis-je ? L’otage lui-même, écrivain solitaire qui se sait instrumentalisé ? Possible. La signerais-je aujourd’hui, cette tribune. Oui, bien sûr ! Mon cerveau est-il un « orient compliqué » ?]

[Apostille (parce que le contradicteur ne peut pas (ne pas) se contredire : Maintenant que la gauche culturelle et cultivée a abandonné Orwell et Camus à Polony ou à Onfray et que par sa profonde et bêcheuse bêtise elle a, par exemple, cédé toute critique anti-utilitariste à la droite la plus extrême, nul ne s’étonnera qu’elle veuille par son indécrottable sectarisme décider encore de ce qui est « convenable » et de ce qui ne l’est pas.

Cela étant, un zeste de démocratie voudrait que les enfants citoyens, fussent-ils poètes, choisissent eux-mêmes, à cette occasion de Printemps, par exemple, leur parrain (« Don Corleone, reviens ! »). Ne laissons pas le Prince ou les grotesques mamamouchis s’immiscer aussi loin dans les recoins de nos vies. Très clairement, c’est une guerre de positions qui se joue, la subtilité arrangeuse n’a plus qu’à se plier à la stratégie, qu’elle le veuille ou non. Non sans le droit à la plus totale abstention (l’audace du déserteur), bien évidemment.]

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.