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Billet de blog 7 mai 2022

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La vie se propage comme une maladie qui ne connaîtrait pas la vie.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

La vie se propage comme une maladie qui ne connaîtrait pas la vie.

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La campagne m’a été volée avec l’enfance. La rivière n’est plus qu’une échancrure empestée où règnent des voraces. Les haies, les chemins creux qui labyrinthaient mes royaumes ont été rasés par un dictateur. L’herbe paraît moins prisée que la boue piétinée, le troupeau s’avère innombrable tandis que me voici délaissé. Arbre déraciné perdu pour le voyage, j’écris moins que je n’encre l’oubli et le songe.

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Parce qu’aujourd’hui n’est plus fait de lendemains, chaque médaille est un suicide, l’œuf du serpent mange la poule avec ses dents, blanc et jaune ont les yeux gris. Le jour se lève encore, c’est là ma seule révolution. Je ne sais pourquoi je m’applique à différencier l’inexorable de l’éternité.

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Si nous les aimons, c’est aussi parce qu’ils ne nous regardent pas, les nuages conduisent leur paresse en toute indépendance. Un morceau de sucre dans un verre de lait posé sur la table, ma main tremble, l’orage menace, comme si le ciel pouvait se fermer d’un coup, interrompre toute agitation, peut-être se faire entendre.

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Un œil sur une table comme un enfant ébahi, la stupeur de tous au chevet de mes cauchemars.

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Matin clair et allongé, déjà cadavre, je fais l’amour avec le monde et la mémoire, parfois je perce l’univers, rejoins la brise et les tempêtes, le souffle du temps me parle.
La société m’oblige, les sentiments m’attrapent et me libèrent d’une liberté théorique. Je m’attache et je meurs comblé.

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Heurté par le hasard, te voici prisonnier de ce reflet dans la rivière, qui est toujours le même. Nageur immobile et vieillissant, que fais-tu ?

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Matricule dénoué qui s’étire dans l’univers où tu n’auras jamais prise, le rêve te désapprend, le soleil gronde. Habitacle majuscule, et pourtant circonspect ; de là aussi tu es chassé, tu dois partir avant la fin.
Infiniment nomade, malgré la coupure du matin, infiniment endormi.

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Ce qu’il y aura dans la tombe est déjà là. C’est déjà moi. Tout parfum désigne la charogne. Odeur de piments, de soleil et d’excrément ; odeur de l’Inde, odeur de carne, odeur d’éternité.

*

Le mot apocalypse est à la mode. Catastrophe et révélation, l’une étant le prix de l’autre. Comment penser à son prochain s’il n’y a plus de vie pour tous ? Comment envisager ses propres possibilités ? Heureusement qu’aimer n’a jamais été espérer.

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Je ne peux quérir plus de place ni prononcer le mot reconnaissance. J’oublie ce que je fais, les pas s’effacent, mon mutisme suffit à tout déclarer, pourvu qu’il ne soit pas soupçonné.

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Maintenant ou piétinant, je creuse mon présent, j’assois mon assise, je caresse ma tombe. Mon odeur, c’est un fumier que tu secoues avec ta fourche, tout en m’appelant « mon amour ».

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Poésie contre culture, silence contre censure ; la voix ne s’élève pas, la langue touche. Destinés aux solitudes, les mots s’ajustent dans la bouche, et tu les entends. Acuité ou dévoilement, pures dénominations ; demain en sera peut-être différent.

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Le temps qui reste bâille comme un ventre vide. Nous savons si bien fabriquer des abattoirs ! Une guêpe surgit à flanc de colline, sous le chapiteau se prépare un meeting en faveur des oppresseurs, il était temps de justice. La neige a perdu ses oreilles, son poème épouse la forme d’un dormeur dont elle a saisi la musique, la source.

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