Ça serait des solitudes
cousues entre elles
par sacs d’hermétisme
respirant comme ça peut
des messages d’amour maladroit
des désirs impossibles à satisfaire
comme des phantasmes infantiles
des cris en plein désert de Gobi ou d’absurde
des points sur des i à des mots qui n’en peuvent plus
Ça serait des solitudes
tombées en pluies de grêle
sur des champs de terre meuble travaillés par la pensée d’une vie qui n’en est plus une
alors des prairies en miroirs saturant l’azur de singuliers perdus dans accents pluriels
des accrocs qui s’accommodent mal de ces jeux de tendresse et de larmes
gouvernés par une pitié sans pitié et la passion de la mort dont il ne faut parler
des paysages tragiques s’écartant les uns des autres
grains de sable ou galets d’erg
toujours des Sahara
des Mer de tranquillité parfaitement oubliées
ou soumises au feu des caméras
Ça serait des solitudes
coupées en deux
en trois morceaux
des grenades mal goupillées
dérapant sur des bouches entrouvertes
Ça serait des patronymes
où accrocher le pendu tributaire
de tout un clan racé
jurant sur l’état civil, la ressemblance, l’enfer généalogique
Ça serait le même homme
la même femme
à chaque fois
mais personne à l’instant pourtant
du même âge et du même genre
personne encore pour le savoir
et le confondre dans un autre décor
Ça serait des amours délavées
sur des calendriers des Postes
des désirs de prolonger le dépassement
de s’évanouir dans des crinières imbéciles
Ça serait l’immobilité assise
la masse d’un ogre mort
la paix impériale payant les massacres
les cadavres électeurs
les noms effacés dans les livres d’Histoire
Ça serait l’éternelle victoire des escrocs
marchands de dépendances
et des volontaires avariés
la terreur tenue par les propriétaires
Ça serait des solitudes éventées
des secrets signés par tous les bouts
avec une encre bon marché
des mots délavés pour se voir à travers
et s’attraper sans crier gare
l’entre-soi ou le masque
Ça serait des solitudes
à n’en plus tenir
à craquer dans son moi
à se tuer dans la glace
à finir par finir
pour ne plus recommencer
Ça serait des solitudes crevassées
avec des failles béantes
où l’on glisse un poing serré sur une douleur
sur un compliment mal digéré
sur un chagrin de haine inoubliable
sur la honte et le partage
un poing oublié dans la blessure
et les points de suture cousus à double tour
Ça serait des solitudes chamarrées
où l’œil se noie dans des alertes radars
à ne plus savoir le visage
à ne plus admettre le présent
à ne plus qu’extravaguer
comme les nazis qui ne renonçaient à rien
comme le violeur de service
comme l’homme nouvelle manière
libéral-libertaire et anti-anarchiste,
crétin satisfait post-moderne et amnésique
celui qui prend toute la place
de celle du père à celle du dieu
de celle du compulsif adulé à celle de l’abuseur public
Ça serait des solitudes privées
derrière des barrières de passage à niveau
avec des trains à grande vitesse pour effacer la trace
d’une tête de mort ressuscitée sur le ballast
une tête de mort qui avait à dire
une prière aux vivants passagers des cercles
passagers criant des enfers et des autodafés
quand le moindre soupir ne sachant ce qu’il vaut
aujourd’hui comme demain se parachève
Ça serait des solutions uniques
à chaque fois la voie inventée
la sienne et la main qu’on peut prendre
à l’ami qui marche à côté
et avance sans savoir
dans la lumière indécise d’un solide sentiment
d’un pays où la relation est le tout
d’un témoin assumé
Ça serait le prix à payer
d’un séjour sans bavards à essuyer
sans horoscopes à consulter
ni méthode Ogino
ni couple ni rien qui tienne
ni amour patenté
ni salive gaspillée
ni silence interdit
Ça serait des solitudes
estampillées
made in music-home
sans étiquettes
et données à l’envi
à ceux qui passent
sans raison ni déraison
au jour le jour
faites présent de ce qui vous prend
à force de nudité, de franchise
le moindre sentiment gagne l’univers
comme une prière qui dirait la totalité
la nuit prend feu à heure fixe
Ça serait une parole pour chacun
un mot manquant qui percerait
Ça serait des solitudes renforcées dans un mouvement fraternel
Ça serait des solitudes
des prisons assumées
des visions merveilleuses
des certitudes engoncées
des blessures sans oubli
des censures
des à-peu-près
qui excéderaient le tort
de n’avoir rien dit
rien lâché
de son impossible message
emporté dans la tombe
à jamais scellé
à jamais inviolé
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Billet de blog 20 mai 2014