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Billet de blog 30 juin 2015

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Enseignement ECR [Eveil culturel et religieux] en Alsace-Moselle, non laïque

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Coordination : Laïcité

 la maison des associations

1A, place des orphelins

67000 – Strasbourg

laicite.daccord@laposte.net

______________________

Strasbourg le 24 juin 2015

Collectif d’organisations laïques d’Alsace et de Moselle : Fédérations Syndicales Unitaires 57,67, 68, UNSA-Éducation-Alsace, Fédération des Conseils de Parents d’Élèves d’Alsace, Ligue des droits de l’Homme de Mulhouse, laïcité d’Accord, UNSA-éducation lorraine, Cercle Jean Macé de Metz, Ligue de l’enseignement de Moselle, Ligue des doits de l’Homme de Moselle, Union Rationaliste.

L’EVEIL CULTUREL ET RELIGIEUX N’EST PAS LAÏQUE.

Une contradiction insurmontable.

Avec la décision n°2012-297 QPC, le principe de laïcité a désormais un contenu constitutionnellement défini. Jusque là, en dépit de la loi de 1905, les adversaires de la laïcité ne retenaient de la laïcité qu’un seul contenu  dont les cultes étaient les seuls bénéficiaires (la neutralité de l’État et la liberté de culte)

Dans le « considérant » n°5 de la décision citée ci dessus, à l’exception du principe de non-subventionnement, le Conseil constitutionnel a constitutionnalisé tous les principes du titre I de la loi de 1905 dont le principe de non-reconnaissance et celui de non-salarier les cultes.

Il constitutionnalise ainsi le principe de séparation des cultes et de l’État. L’État est chez lui et les cultes chez eux.

Seul le principe de non-subventionnement n’a pas été constitutionnalisé pour des raisons politiques, historiques et sociétales touchant particulièrement l’islam.

Constitutionnellement, aucune activité de nature cultuelle y compris l’enseignement ne peut prétendre être laïque. Mais cette position de principe doit être vérifiée dans les faits.

Juridiquement, l’enseignement religieux est confessionnel, les circulaires rectorales le rappellent tous les ans. Les circulaires rectorales rappellent aussi que tout autre modalité d’enseignement religieux que l’enseignement confessionnel est dérogatoire, dont l’ECR qui est « une modalité particulière de l’enseignement religieux », Il fait partie intégrante de l’enseignement religieux et ne peut être présenté comme un enseignement laïque.

Un enseignement tronqué et superficiel.

Un article sur l’ECR paru dans un quotidien régional nous renseigne sur la nature de cet enseignement en ayant recueilli l’opinion des élèves inscrits à l’ECR dans un lycée strasbourgeois. Les élèves se montrent ravis, mais on le serait à moins. Ce cours est en effet basé sur une pédagogie active fondée sur la discussion à partir des préoccupations existentielles des élèves. Une telle pédagogie facilite la prise de la parole des élèves et les conduit à acquérir l’estime d’eux mêmes. C’est ce qui ressort des déclarations des élèves « Chacun donne son avis….on peut se permettre de débattre…c’est mieux qu’un cours. »

Pourquoi est-ce mieux qu’un cours ?

Ce n’est pas seulement parce que chacun peut s’exprimer librement, c’est aussi parce qu’il n’y a pas de contrainte, pas d’effort de compréhension du contenu, pas d’effort d’apprentissage du contenu, pas de leçon à la maison, pas d’effort de mémorisation.

Passer « deux ou trois séances sur le paranormal » est accorder beaucoup d’importance à l’irrationnel.

Y a-t-il une indispensable mise au point, une synthèse, une réflexion critique, effectuée par l’enseignant ?

Il aurait été intéressant de demander aussi leur avis aux élèves n’ayant pas choisi cet enseignement.

L’éducation nationale n’a pas pour seule mission la prise en compte des questions existentielles des élèves. Certes elle a aussi cette mission car il est indispensable que les élèves soient reconnus et qu’ils acquièrent l’estime de soi avec la reconnaissance de l’autre. Mais, dans l’enseignement laïque, cette acquisition est non seulement un but mais aussi un moyen d’aider les élèves à acquérir les connaissances disciplinaires et les méthodes d’apprentissage de ces connaissances et cela exige un effort.Les connaissances à acquérir dans l’enseignement laïque sont de nature universitaire, elles sont scientifiquement établies et ne sont pas sujettes à la remise en cause par les présupposés des élèves.

A titre d’exemple un élève a exprimé sa connaissance de Jésus : « Jésus avec sa bonne tête d’arabe ». C’est un scoop, il devra suivre une session de l’enseignement religieux juif.

D’autre part cette pédagogie positive nécessite des conditions particulières : de petits groupes d’élèves. Dans ce domaine, l’enseignement religieux bénéficie d’un privilège refusé aux enseignements laïques, l’ouverture d’un cours à partir de 5 élèves et le dédoublement au delà de 15 élèves. Les enseignants laïques doivent faire acquérir des connaissances à des groupes qui atteignent 30 à 35 élèves.

Les scandaleuses facilités ainsi accordées à l’enseignement religieux, pratiqué ou non avec des méthodes actives, amènent donc les élèves à concevoir la religion correspondante comme bienveillanteenvers eux et digne d’intérêt ,voir d’adhésion. C’est le but de l’ECR qui a aussi été introduit pour relancer un enseignement religieux traditionnel en perte de vitesse.

D’autre part, c’est de la présence du religieux dans le culturel dont les élèves doivent être informés. L’intitulé éveil culturel et religieux relie d’une façon globale le culturel et le religieux. Tout le culturel n’est pas religieux. Nous ne somment pas non plus informés des connaissances historiques qui devraient être fournies aux élèves sur l’emprise des religions sur les consciences jusqu’à ce que les « Lumières » desserrent l’étau et permettent aux citoyens d’accéder à la liberté de conscience et d’expression. Le lien avec l’époque actuelle aurait mérité de s’y attarder.

Enfin, en totalité ou en partie, les lycées qui optent pour l’ECR obligent tous les élèves, à l’entrée en seconde, à suivre pendant au moins un mois les cours d’ECR avant de se déterminer. Cette pression exercée sur tous les élèves est illégale.

Pour toutes ces raisons, l’ECR n’est pas laïque.

La nomination des enseignants de religion, les programmes, les méthodes d’enseignement et le système de contrôle pédagogique dépendent entièrement et uniquement des cultes concernés (dans la limite du respect des principes constitutionnels et de l’ordre public).
Mgr Kratz, évêque auxiliaire de Strasbourg en charge de l’enseignement a publiquement déclaré que les enseignants de religions étaient envoyés par des cultes et à ce titre non soumis à l’obligation de neutralité.

Les programmes classiques de « l’enseignement » religieux montrent une grande disparité entre les cultes reconnus. Les catholiques sont les plus traditionnalistes et enseignent les fondamentaux du dogme de manière souvent prosélyte à l’élémentaire et au collège.
Les protestant sont plus discrets sur ces thèmes dogmatiques mais n’y échappent pas. Les juifs restent cantonnés aux fondamentaux (la bible, la thora, l’histoire d’Israël etc)

En matière d’enseignement religieux, la neutralité qui prévaut à l’École publique n’existe pas. (Voir le document Étude des programmes de l’enseignement religieux.)

LES NOUVEAUX PROGRAMMES NATIONAUX DE L’ÉDUCATION NATIONALE INTRODUITS À LA RENTRÉE DE SEPTEMBRE 2015, ONT « 20 SUR 20 EN LAÏCITÉ »


Le Conseil préconise une « école à la fois exigeante et bienveillante qui favorise l’estime de soi des élèves, condition indispensable à la formation globale de leur personnalité. »

Les programmes de l’enseignement moral et civique ont été publiés par le Conseil national des programmes pour l’élémentaire et le collège, ceux des lycées suivront.

« L’enseignement moral et civique a pour but de favoriser le développement d’une aptitude à vivre ensemble dans une société démocratique. »

Trois catégories de principes y contribuent :

  • Le principe d’autonomie et de coexistence des libertés (libre expression, ouverture aux autres, tolérance réciproque etc.)

  • Le principe de discipline et de la communauté des citoyens. (le respect des droits et des lois, le refus de toute discrimination, la coopération, le sens de l’intérêt général etc.)

  • Les conditions morales et civiques pour que les apprentissages aient une valeur émancipatrice (dialogue, esprit critique, recherche de la vérité etc.)

La culture morale et civique comporte quatre dimensions :

  • La culture de la sensibilité (à soi, aux autres)

  • La culture de la règle et du droit (faire acquérir et accepter le sens des règles permettant le vivre ensemble.)

  • La culture du jugement (s’initier à la complexité des problèmes moraux et à justifier ses choix pour acquérir progressivement l’autonomie de la pensée)

  • La culture de l’engagement (l’école a aussi pour fonction de mettre le futur citoyen en situation de responsabilité, de prendre en charge les aspects de la vie collective etc.)

Par ces nouveaux programmes, l’école laïque propose à tous les élèves un enseignement actif qui les conduira à l’estime de soi et au respect des autres comme l’ECR, mais, au contraire de l’ECR, les enseignants seront totalement neutres et non connotés par une religion et les élèves n’auront pas été séparés en fonction de la religion de l’enseignant.

De plus, l’instruction civique comportera aussi des exercices exigeant attention et effort d’assimilation. Cet enseignement sera donc rattaché aux enseignements disciplinaires classiques.

Les programmes de l’enseignement du fait religieux ne sont pas encore publiés ils devront permettre aux élèves « de comprendre l’unité et la complexité du monde par une première approche…du fait religieux en France, en Europe et dans le monde… »

Ainsi cette réforme importante offre désormais, dans un cadre réellement laïque, non seulement les éléments (souvent prosélytes) fournis par les cultes dans le cadre de l’enseignement religieux en Alsace et Moselle, mais il va bien au delà de l’enseignement religieux en établissant les liens entre le respect de l’autre, les comportements civiques et la connaissance des institutions.

C’est un enseignement national, neutre et laïque et destiné à tous les élèves sans aucune distinction de religion.

De ce fait, l’enseignement religieux tel qu’il se pratique sous différentes formes en Alsace et Moselle, devient un simple doublon cultuel d’un enseignement national et laïque inclus dans les horaires des enseignements obligatoires. Bien que légalement mis en œuvre en Alsace et Moselle, l’enseignement religieux doit désormais être optionnel et, à l’école élémentaire, offert aux volontaires, en dehors des 24 heures des cours communs nationaux.

Pour le Collectif laïque, le correspondant, Bernard Anclin, président de Laïcité d’Accord,

Email : bernard.anclin@wanadoo.fr

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