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Billet de blog 4 mai 2017

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Retour sur une défaite désirée.

Comment une victoire potentielle s'est transformée en déconfiture, des initiatives de convergences aux divisions

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Au lendemain du premier tour des présidentielles, j’ai eu le bonheur de partir quelques jours de France. J’ai atterri au Portugal le jour de la commémoration de la révolution des Œillets, le 25 avril, et pu constater à quel point la dictature de Salazar restait présente dans le souvenir des portugais, et de sa déconfiture importante pour eux.

Bien sûr, La France n’a subi ni Salazar, ni Franco, ni Mussolini ni Hitler. Toutefois, il faut bien se souvenir que leur accession au pouvoir a largement été permise par des positions électorales dominantes. Ils ont ensuite transformé les règles, grâce à cette légitimité, pour exercer un pouvoir totalitaire. A ce jour, la législation française permet tout à fait à une organisation de type autoritaire, comme le front national, de changer la constitution, les modalités d’élections, pour se maintenir au pouvoir.

Cette introduction pour nous rappeler les dangers de l’heure : l’accession au pouvoir d’une faction autoritaire d’extrême droite empêchera de manière violente toute contestation sociale et toute position politique adverse, voir la possibilité de pouvoir recourir au vote pour désigner ses responsables politiques dans les années à venir.  

Après réflexion, je me positionnerai pour sauvegarder au moins la possibilité d’expression électorale actuelle, contre le risque d’un pouvoir totalitaire de l’extrême droite ! Je voterai contre la candidate d’extrême droite dimanche, le suffrage à son concurrent étant le moindre mal.

Mais je tiens à revenir sur le processus qui nous a conduit à la situation du jour :

·         une candidate autoritaire, voire totalitaire, confrontée à un commis des puissances financières qui se présente comme antidote à cet autoritarisme.

·         l’élimination des candidats se réclamant de la gauche, et d’une droite réactionnaire mais se prétendant démocrate.

Je ne reviendrai pas sur le discrédit et l’élimination du candidat de droite, liée à sa cupidité et son absence de sens moral.

Je pense intéressant de revenir sur les niveaux de suffrages atteint par les candidats se réclamant de la gauche, plus ou moins radicale, au regard de ceux de leurs concurrents.

L’addition des suffrages des différentes sensibilités me permettra de les resituer, dans le tableau ci-dessous :

position nom score compilation droite Fillon 20,01 20,01 47,11 droite extrème Asselineau 0,92     droite extrème Cheminade 0,18     droite extrème Dupon-Aignan 4,7     droite extrème Le Pen 21,3 27,1   centre  Lasalle 1,21     centre  Macron 24,01 25,22   gauche Hamon 6,36     gauche Melanchon 19,58 21,31 27,67 gauche extrème Arthaud 0,64     gauche extrème Poutou 1,09 1,09  

En voyant l’ensemble des candidatures compilées, nous constatons que les candidatures de gauche surclassent chacune des composantes concurrentes : droite, droite extrême et centre droit. 21.31% des suffrages se sont portés sur Jean-Luc Melanchon, Poutou et Artaud, soit 21.31% et 0.01% de plus que Le Pen en ne totalisant que la gauche du P « S ». Avec l’ajour des suffrages à B.Hamon, ce total s’élève à 27.67%, soit 6.67% que Le Pen. Ces suffrages supplantent de 0.57% l’ensemble des suffrages réunis par la droite Extrème ( d’Asselineau à Le Pen), et de 2.45% ceux récoltés par les candidats « centristes », Macron et Lasalle.

Dans ce contexte, la position du candidat de centre droit a été renforcée par la dispersion des candidatures de gauche répertoriée ci-dessus. Je considère qu’une candidature unitaire de la gauche aurait réduit le centre droit à ses positions minoritaires habituelles, en lui ôtant tout caractère de « vote utile ».

La culture de la division :

Je pense utile de remémorer la construction de cet échec collectif et de resituer les responsabilités.

Le discours du « vote utile », à partir de l’élimination du candidat socialiste au profit de l’extrême droite en 2002, s’est constitué afin de réduire les possibilités d’expression d’une diversité des candidatures de la gauche. Celle-ci a été une des conséquences des choix du parti socialiste de ne pas privilégier l’expression des diverses composantes de la gauche en empêchant la proportionnelle aux législatives et en faisant précéder l’élection présidentielle à l’élection législative.

A partir de cette volonté hégémonique du P « S », les différentes échéances électorales lui ont permis de négocier en position dominante avec les différentes composantes de la Gauche. En 2007, l’incapacité des groupes ayant prôné le Non au traité constitutionnel et l’adhésion à un projet d’Europe sociale à s’unir a conforté la position dominante du P « S ». Il restait une force conséquente et pouvait encore être considéré comme une alternative, et pas seulement une alternance à la droite.

Entre 2007 et 2012, la constitution du « Front de Gauche » a écarté tous ceux qui ne se reconnaissaient pas dans les partis politiques, en ne s’adressant qu’aux encartés de groupes qui ne convainquaient pas le plus grand nombre. La concurrence des forces en présence au sein de ce cartel le rendait, à mon sens,  peu attractif, notamment du fait de la forte importance de P « C »F, qui rebutait ceux qui, écologistes comme moi, avaient combattu le Traité Constitutionnel Européen. L’épisode des élections de 2012 m’a conforté dans cette méfiance, du fait de l’inégalité des investitures aux législatives, assurant une rente financière au P « C »F pronucléaire…

Pour la séquence 2012-2017, les reniements du pouvoir P « S » ayant été immédiats, j’ai pu faire quelques constats.

Les débats internes audit P « S »étaient réduits et minorés par les membres de l’appareil, au point de réduire les remises en causes de la politique gouvernementale à un quasi silence.

L’opportunité de contestation externe que pouvait représenter le collectif Roosevelt a été réduite à néant par les manœuvres de son promoteur, Larrouturou. La fondation de Nouvelle Donne et les magouilles d’appareil qui ont conduit à un échec patent.

L’initiative des « Chantiers d’Espoir », appelant à une large convergence à la gauche du P « S » s’est soldée par un manque d’adhésion des partis sollicités, et une organisation approximative.

Les différents appels à des primaires de gauche ont été ignorés, voir sabotés par les différents appareils politiques pouvant être concernés, alors même que des citoyens étaient prêts à s’impliquer, et que les appels les initiant avaient rencontrés un large écho.

Au vu de ces échecs de construction d’une perspective unifiante et rassembleuse, et des trahissions patentes du P « S », notamment à l’occasion de la loi « El Khomri », la seule perspective permettant de sortir de l’impasse restait le ralliement à la candidature Melanchon.

Même s’il y a eu un large élan en sa faveur, et une participation importante, l’objectif de présence au second tour n’a pas été atteint.

Il reste à appuyer une dynamique nécessaire pour permettre une forte présence insoumise au parlement, et concrétiser la création d’une force appuyant et approfondissant les propositions de campagne qui ont été formalisées pour ce printemps 2017.Pour moi, c’est la meilleure manière de combattre la résignation qui a conduit certains à suivre Macron, qui conduit d’autres au repli sur soi et à la xénophobie.

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