Loi El Khomri : le révélateur de l’incompétence patronale.
Le principal argument de ma loi « El Khomri » est de dire que les patrons ont peur d’employer des personnes, parce qu’elles ne pourraient pas les licencier, et que le code du travail est trop complexe pour eux. Peut-être n’ont-ils jamais vu le code des impôts, de l’urbanisme, de l’environnement…
Ayant été chef d’entreprise, je m’étonne de cette affirmation des responsables du MEDEF et du gouvernement.
En effet, formé à ce poste, j’ai appris quelques règles de base des textes législatifs et règlementaires, et plus particulièrement à comprendre et utiliser le code du travail et à lire la convention collective de référence dans ma branche d’activité.
Dans le cadre de mes fonctions, j’ai dû procéder à un certain nombre de licenciements pour des raisons diverses, qu’il s’agisse de motifs disciplinaires, ou liés à des problématiques de maladies et d’inaptitudes indépendantes de la volonté du salarié.
Bien évidemment, les situations ne sont jamais simples, et les réponses à apporter ne sont pas évidentes. Elles nécessitent, de la part du directeur ou du responsable, d’étudier la question, de prendre le temps de se documenter, et de mettre en œuvre une procédure respectueuse des règles et du droit, et de mobiliser les fonds adéquats pour une indemnisation juste.
Dans les situations de conflit, la contestation de la décision de l’employeur est dans la logique du conflit, tout comme l’appel à un tiers pour départager les parties (en l’occurrence les Prud’hommes). Dans ce cas, il convient de faire un travail de qualité afin que la décision ne puisse être contestée ni sur la forme, ni sur le fond. Et de s’entourer de conseils pertinents.
Si les mesures prises sont légales, fondées et pertinentes, respectent les droits des salariés et les nécessités de l’entreprise, le risque de condamnation de l’entreprise est limité. Bien entendu, la décision relevant de personnes, tant en matière de qualité de plaidoirie que de jugement, le risque reste présent.
Mais à contrario, si des employeurs ne respectent pas les personnels qu’ils emploient, négligent leurs devoirs en matière de respect des horaires, de conditions de travail, de sécurité, le conflit mène logiquement à la condamnation de l’entreprise qu’ils dirigent…
En observant le fonctionnement de quelques entreprises, les exemples de dysfonctionnements causés par l’incompétence patronale sont foison. J’ai pu constater de multiples exemples de cette incompétence.
Qu’il s’agisse de recours chronique à l’intérim par incapacité de prévoir une charge de travail et de l’organiser à la désorganisation des chantiers par impréparation ou manque de matériel, en passant par l’incapacité à prévoir des plannings, le recours aux heures supplémentaires au-delà des impératifs légaux, l’autoritarisme ou le harcèlement, l’imprévoyance en terme de gestion ou le manque de rigueur financier, l’organisation approximative du travail, la mauvaise évaluation des charges de travail, les exemples sont nombreux, et je n’en présente qu’un tout petit échantillon.
Tous ces exemples sont vus, de mes yeux vus, observés, caractérisés, et foisonnent…
Je comprends que des patrons rêvent de faire une marge conséquente en claquant des doigts, en appelant des travailleurs compétents juste quand ils ont besoin d’eux, en espérant que ceux-ci s’auto-organisent tout en étant payés au lance pierre (s’il s’avère qu’ils doivent être payés)…. Qu’ils rêvent de se soustraire à toutes les règles du droit, au versement des cotisations sociales (payées par les clients in fine) pour se payer une grosse bagnole allemande encore plus grosse que la précédente encore neuve… Mais ce n’est pas la vraie vie…
Ce serait tellement plus simple que de tenir la boutique en prévoyant, organisant, écoutant les besoins et les réalités et respectant les collaborateurs, en leur laissant toute l’initiative et l’autonomie possible tout en coordonnant et prenant en compte leur bien-être et en garantissant la bonne exécution des tâches commanditées.
Mais au vu des difficultés quotidiennes, il est bien plus facile de chercher un bouc émissaire, une règle extérieure, que de se pencher sur ses difficultés propres. De rechercher quel « Autre » pourrait être à l’origine de difficultés, plutôt que de se regarder dans la glace ou d’analyser les conséquences d’une politique de libre concurrence débridée que l’on a collectivement poussée au paroxysme.
Il ne s’agit pas de dire que la règlementation est optimale, et que l’on ne pourrait faire mieux. Mais de chercher collectivement en analysant les difficultés survenues, par exemple en collectant les différents survenus aux prud’hommes, pour définir des évolutions des règles pertinentes et négociées.
Cette remise en cause du droit du travail survient à une période où les instances patronales pensent que le chômage de masse a réduit la combativité ouvrière et qu’elles ont réussi à démanteler ou circonvenir les représentants politiques des travailleurs, en les ralliant à leurs (fausses) croyances économiques.
Ainsi faut-il comprendre une des macronneries répétée comme un leitmotiv, visant à faire croire que les patrons prennent « des risques »…
Que je sache, ils ne figurent pas parmi les victimes habituelles des accidents du travail, et ne risquent guère de dommages corporels en soulevant leur stylo ou allumant leur ordinateur… Et sont garanti par les textes limitant leurs responsabilités personnelles lorsqu’ils commettent des fautes de gestion, produisent des substances toxiques ou dangereuses ou mettent en danger les populations avec les installations qu’ils exploitent…
La dernière réaction totalitaire de Pierre Gattaz est un exemple parmi d’autres de cette incompétence intellectuelle et relationnelle. La meilleure réponse à adopter, c’est de mettre en place des règles permettant de diriger les affaires économiques sans avoir recours à leur présence, au lieu de la conforter avec des mesures absurdes.