Jean-Claude Moog

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Billet de blog 27 décembre 2015

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Nationalité déch(é)ante.

la nationalité française, ce n’est que le fruit du hasard, le plus souvent, et une appartenance fortuite.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le 23 décembre, le gouvernement Valls, soutenu par le parti dit « socialiste » propose d’inscrire l’état d’urgence dans la constitution française, en l’agrémentant d’un texte visant à priver les personnes ayant une double nationalité, française et autre, de la nationalité française en cas de commission d’acte « terroriste ».

Ainsi, ce serait une sanction de punir des assassins se revendiquant d’une quelconque idéologie d’avoir commis des actes criminels, que de les priver de leur nationalité française…

Pour cela, faudrait-il encore que ce soit une récompense que d’avoir la nationalité française, alors que ce n’est que le fruit du hasard, le plus souvent, et une appartenance fortuite.

Pour ma part, je n’ai pas de double nationalité. Pourtant, au regard des glissements de frontières faisant appartenir à l’un ou l’autre pays limitrophe la région qui m’a vu naitre, cette double nationalité serait de mise.  Ne serait-ce que pour faciliter les évolutions potentielles.

Mon père, né allemand, a été « réintégré de plein droit dans la nationalité française » en 1919. Et lorsque j’ai moi-même, né dans les frontières françaises du moment, dans la même région que mon père, demandé ma première carte nationale d’identité, je me suis vu opposer un premier refus, car j’aurais dû accompagner cette demande de l’attestation prouvant que mon père avait bien été accaparé par la France lors que  celle-ci s’est étendue jusqu’au Rhin en 1919.

Cet épisode, comme la réaction outragée de mon père à cet oukase bureaucratique, reste très présent dans ma mémoire.

Tout comme l’interdiction administrative d’utiliser ma langue maternelle dans ma scolarité et mes loisirs. A cet égard, la pratique  de mainmise culturelle de l’administration française relève de l’ethnocide. Bien sûr, il n’est pas aussi brutal qu’au Tibet, mais n’en reste pas moins d’une efficacité redoutable. Tout comme les mutations administratives en nombre, immédiatement après les différents conflits mondiaux, de ressortissants de la « France de l’intérieur », assez semblable à l’implantation de russophones dans les territoires annexés de l’ex union soviétique.

Ces comparaisons de la république française à des systèmes peu reluisants peuvent vexer, bien qu’ils se soient commis avec bien moins de brutalité que celles conduites par leurs exemples.

J’ai eu droit dans mes jeunes années, du fait de ma coupe de cheveux (ou plutôt de son absence) à des contrôles d’identité suivis, récurrents et insistants qui m’ont amené à avoir une confiance très réduite en la neutralité policière et son sens de la démocratie. Les contrôles d’identité n’étaient pas alors uniquement liés au faciès, mais aussi à l’âge et à la dégaine.

Si bien que mon premier passeport fut un passeport de citoyen du monde, édité dans les années 70 par Gary Davis. Bien que la photo ne soit plus guère ressemblante et qu’il soit échu, je le conserve précieusement.

Tout ça pour en arriver à dire que la privation de nationalité ne va faire plaisir qu’à ceux qui aiment les punitions absurdes et inefficaces, et attachent une quelconque importance à la couleur d’un drapeau devant lequel on s’inclinerait.

Un ami Kosovar me disait en octobre dernier : « un drapeau sert d’abord à enserrer le cerveau, puis à envelopper une dépouille ».

Aujourd’hui, je suis de nationalité française, je n’ai ni choisi l’origine ethnique de mes parents, ni mon lieu de naissance, et n’ai pas le pouvoir de faire riper les frontières. Je m’en accommode.

Mais le projet, l’idée de priver des jeunes français de leur nationalité me révulse.

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