Taxer les richesses: leitmotiv d'une gauche française archaïque? En Grande Bretagne aussi, l'opinion veut en débattre; incompréhension obstinée des Conservateurs Vous l'aurez sûrement remarqué: dès qu'en France un(e) responsable de la gauche digne de ce nom pointe du doigt l'inégalité de traitement entre revenus du travail et du capital, soumet l'idée d'un revenu maximum autorisé, la droite hurle au loup; pour ses porte-paroles à l'omni-présence médiatique, se donner les moyens de combattre efficacement l'injustice ferait fuir les riches, rendrait le pays exsangue. Quant à la gauche qui se prétend moderne, son candidat à la l'élection présidentielle s'est empressé de rassurer les mileux financiers outre-mance: la City n'a pas à redouter l'élection de François Hollande. Démarche inutile s'il en est: en trente ans de capitulation de la social-démocratie face aux exigences des marchés, ceux-ci l'avaient compris depuis longtemps. Ironie du sort: alors que l'UMP et le parti socialiste donnent des gages aux responsables de cette triple crise (économique, sociale, écologique) un article paraît dans le Guardian du 31 janvier, dans lequel la journaliste Polly Toynbee donne voix à la profonde colère des Britanniques, quand la majorité d'entre eux s'appauvrit au bénéfice d'un infime minorité, toujours plus cynique, toujours plus arrogante. L'intérêt principal de cet article ne réside pourtant pas dans ce constat de légitime indignation mais dans la clarté avec laquelle son auteure démythifie la rémunération au mérite, thème si cher aux conservateurs en général et à Nicolas Sarkozy en particulier. Comme ces détectives qui confrontés(es) à une énigme insoluble, envisagent la question sous un autre angle, Polly Toynbee nous invite à réfléchir en ces termes: qu'ont donc fait ces milliardaires pour mériter tant de richesse? Elle cite donc quelques exemples récents qui laissent le lecteur face à une interrogation sans réponse. Lorsque survient la crise financière, les travaillistes sont encore au pouvoir. Les banques, au bord de la faillite, oublient momentanément leur haine de l'état. La Lloyds et la Royal Bank of Scotland se partageront donc 65 milliards de livres investis par un gouvernement travailliste trop soucieux de « modernité », trop pétri d'admiration pour Margaret Thatcher pour nationaliser. Malgré cette injection de fonds publics, l'action RBS continua de s'effondrer; ceci n'empêcha pourtant pas 350 de ses cadres d'empocher chacun un salaire d'un million de livres l'an dernier. Et que dire des 275 milliards de livres transférées de la Banque d'Angleterre vers les établissements privés? A l'échelon européen, la BCE dut verser 407 milliards de livres à des établissements bancaires. Les banques occidentales paralysent l'économie, commente Polly Toynbee; malgré cela les financiers de la City recevront 4,2 milliards de livres cette année sous forme de bonus. Des rémunérations au delà de l'entendement reçues en l'échange de quel service à l'intérêt général? Pour quel mérite? Quelles compétences? Outre Manche aussi, c'est l'indignation chez tous ceux qui voient chaque jour leur pouvoir d'achat et leur couverture sociale diminuer, comme en témoigne un récent sondage publié dans le Times où 62% des Britanniques interrogés se sont déclarés favorables à une augmentation des impôts pour les plus riches, ainsi qu'à une taxe sur les châteaux et propriétés dépassant une valeur de 3 millions de livres. Dans un article du même numéro, Felicity Lawrence décrit une réalité radicalement différente, des contraires qui pourtant se côtoient: à mesure qu'explosent les bonus, les banques alimentaires se trouvent confrontées à une demande qui a parfois plus que doublé. C'est le cas pour celle de Hammersmith et Fulham, située -comble du cynisme- à proximité d'un quartier où ces banquiers secourus à grand renfort d'argent public, étalent leur opulence sans honte ni retenue. Pour ceux qui en revanche peinent tout simplement à se nourrir, un seul secours: les dons des anonymes aux banques alimentaires. Au pays du libéralisme triomphant, un tel degré d'inégalité exaspère, les dirigeants inspirent la défiance. Revenons donc à François Hollande: talonné par l'adhésion que suscite le programme du Front de Gauche et son porte-parole Jean-Luc Mélenchon, sentant monter le rejet du libéralisme, il a osé une timide proposition, vite nuancée après les reproches de Nicolas Sarkozy: taxer à 100% les revenus supérieurs à 1 million d'euros annuels. Qu'une telle mesurette donne des cauchemars à la bande du Fouquet's, soit. Mais de qui un candidat de gauche à l'élection présidentielle doit-obtenir la confiance? Des places boursières ou de ceux et celles qui vivent dans l'angoisse du lendemain? Car ces électeurs attendent de lui un authentique changement, une vraie redistribution des richesses. Pour mériter la confiance et les suffrages populaires, en particulier au soir du 1er tour, le candidat de gauche restant devra être capable de tenir ce langage: c'est aux responsables de cette crise d'en assumer les conséquences, pas à ses victimes. Il devra également s'engager à traduire ces paroles en actes. Tel sera le prix à payer pour garantir un report des voix efficace en sa faveur.
Billet de blog 9 mars 2012
Taxer les richesses
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