Nous sommes dans le Nord Pas deCalais, mi novembre et comme chaque année, revient le temps de cité-philo,celui où l’on prend le temps de se poser, de réfléchir et bien sûr, de prendre la parole. Ce samedi après-midi à la médiathèque de Lomme, le film « Fortunes et Infortunes des Familles du Nord » servait de support au débat avec son réalisateur Gilles Balbastre.
Ce documentaire montre les destins non pas croisés, mais parallèles de différentes familles de Roubaix ou d’Auchelles dans le Pas de Calais, aux fortunes et infortunes différentes, qu’elles viennent des anciens dirigeants de l’industrie textile il y a trente ans encore florissante, ou de ses anciens ouvriers aujourd’hui chômeurs, au mieux travailleurs précaires.
Car Roubaix concentre les paradoxes : le taux le plus élevé de contribuables soumis à l’ISF d’une part (supérieur à celui de Neuilly) mais aussi de chômage, de pauvreté pour la majorité. La richesse de ce documentaire : il ne montre pas, il questionne. Qui sont donc ces patrons, pétris de morale chrétienne et à les entendre préoccupés du sort de leurs ouvriers? Ont-ils pour autant hésité, bien sûr après la messe du dimanche, à délocaliser leurs usines en Bulgarie et plus tard en Chine ? A quoi servaient donc ces principes, sinon à dominer les esprits pour assurer la paix sociale et prévenir toute mise en cause de leur règne ?
Au milieu des friches industrielles, errent d’anciens ouvriers; ils relatent leurs souvenirs émus et expriment leur tristesse, leur désarroi, mais aussi leur peur du lendemain. Les jeunes fréquentent des collèges tous classés « ambition réussite » ; ils ne font plus confiance au système scolaire. Ils ne vivront pas mieux que leurs parents et ils le savent dès l'enfance. Parfois, souvent même, la violence explose ; des enseignants, des commerçants en font les frais: mais se trouve-t-elle uniquement dans la rue? Ne prend-elle pas sa source dans l’abandon de ces ouvriers, de leurs enfants ou petits enfants laissés sans le moindre espoir ? Sans penser aux dégâts humains, ces industriels ont fait un choix: fermer les usines, partir produire là où le travail coûte un euro par jour; ils portent donc une lourde responsabilité dans ce désastre, alors ne l'occultons pas. Les larmes aux yeux, un ancien ouvrier laisse tomber cette phrase : « Ils ne nous ont même pas dit au revoir »