Gilets jaunes : « Les bourgeois sont troublés de voir passer les gueux .»
Je souhaiterais m'appuyer sur la métaphore évoquée par un poème de Jean RICHEPIN nommé « Les oiseaux de passage . »
Il met en lumière les commentaires acerbes d'une certaine presse sur l'actualité des gilets jaunes.
Le mouvement des gilets jaunes dérange, c'est le moins que l'on puisse dire. Il est loin d'être évident de le décrypter, je ne prétends même pas y être parvenu mais j'observe avec amusement tous les biens pensants qui pensent avoir tout compris dès le départ.
Au début, la révolte plaisait à droite et le « courageux » WAUQUIEZ s'est empressé d'enfiler le vêtement. Il dira plus tard ne pas s'en être souvenu... Bref, un modèle de franchise ! En réalité le leader des républicains pensait qu'il y avait un bon coup à jouer. Le ras le bol fiscal, les taxes, les 80 km / heure, tout cela pouvait constituer un terreau fertile pour mobiliser l'électorat franchouillard. Mais il espérait aussi et surtout voir l'immigration sortir du chapeau et là, il ferait bien mieux que Marine LE PEN.
Il avait déjà montré son savoir faire. Las ! L'immigration sur laquelle la blonde de St CLOUD spéculait elle même, ne fût jamais l'un des thèmes principaux des ronds points. Quel dommage !
Et le « brave » DUPOND AIGNAN qui s'affichait comme l'ami des gilets jaunes, voilà qu'ils lui picorent son électorat ! Alors le cave se rebiffe...
Le président Macron lui même a été surpris et c'est rien de le dire. Lui qui nous avait habitué à avoir réponse à tout et même au pire, se réfugia d'abord dans le mutisme. « Il ne sait pas quoi dire, il est dépassé par les événements. » confiera l'un de ses ministres au JDD. Maintenant il sait à nouveau quoi dire, mais ce n'est pas mieux...
Le monde journalistique ne s'est guère illustré sur ce dossier. Sauf Marianne et Médiapart qui ont fait leur travail d'investigation sur le terrain comme d'habitude alors que les chaînes à la botte de MACRON se sont contentées d'affirmer en boucle des pseudo vérités.
A son début, le mouvement leur plaisait bien. « Ce sont de bons français qui travaillent » affirmaient en cœur Pascal PRAUD et Olivier TRUCHOT, ce dernier persuadé qu'il était du fait que les 80 km /heure étaient à l'origine de l'embrasement, y voyait la consécration de ses théories stupides sur le thème : « Laissez nous rouler en paix ! » La médiocrité de pensée journalistique est parfois sans limite. Mais voilà que le mouvement a duré avec des affrontements dans la capitale notamment. Tous les bien pensants ont alors invité les gilets jaunes à se structurer avec des responsables. Mais ces têtes de mules ne veulent rien entendre, comme c'est fâcheux. Et puis on a commencé à affirmer qu'il y avait de gentils gilets jaunes pacifistes mais aussi de vilains casseurs. Soyez rassurés les forces de l'ordre savent faire le tri. La preuve, c'est que l'un des leaders des gilets jaunes vient d'être gravement blessé !
Tous ces esprits étriqués ne savent pas que lorsque le peuple est exaspéré il n'y a plus de gentils ni de méchants, on ne demande plus la permission de manifester, les arguments rationnels n'ont plus de poids. Négocier ? Non trop tard ! C'est bien ce qui est entrain de se passer, et ce malgré le « grand » débat. Les gilets jaunes ne veulent plus négocier avec le pouvoir, ils spéculent sur sa destitution. « Macron démission » est devenu le mot d'ordre par excellence sur tous les ronds points.
« Mais le président a été élu démocratiquement ! » s'époumone encore Olivier TRUCHOT sur BFM TV.... Par cela il faut entendre « Circulez y 'a rien à voir. » Ce même journaliste macronien lors de la campagne de 2017 vociférait chaque jour son mépris à l'égard de Jean LUC MELENCHON qui refusait d'appeler à voter MACRON pour faire barrage à LE PEN.
Oh mais attendez ! Il y a d'autres commentaires bien plus truculents. « Les gilets jaunes, c'est une machine de destruction massive, ça ne construit rien ! » fulmine l'antipathique Jean Michel APHATIE ! Au moins c'est dit ! Christophe BARBIER, l'homme à l'écharpe rouge, souvent cité pour la finesse de son analyse, se fend dans un mépris de classe sans précédent : « Je pense qu'il y aurait quelque chose de très populaire à faire, c'est de supprimer la redevance télé. Beaucoup de gilets jaunes regardent la télé, car ils n'ont pas beaucoup d'autres distractions dans la vie... »
La pensée s'élève en effet !
« Foutez les en taule ! » préconise sans hésiter Brice COUTURIER sur France Culture. France Culture ? Mais j'hallucine ! Cette chaîne mérite – t- elle son nom ?
Ce n'est guère mieux du côté des observateurs politiques. « Que les policiers se servent de leurs armes une bonne fois pour toutes ! » tonne LUC FERRY ancien ministre de l'éducation. « Mon Dieu... « Une bonne fois pour toutes ? » mais cela ressemble à la solution finale ou dites moi que je ne comprends rien !
J'ai gardé le meilleur afin d'attribuer un oscar à Jacques ATTALI considéré comme le plus grand penseur depuis deux siècles et grand spécialiste de la démocratie. « Les électeurs ne doivent s'en prendre qu' à eux mêmes, leurs dirigeants, ce sont eux qui les ont choisis... »
On n'est pas loin de la tautologie. Admirez au passage la profondeur du raisonnement, il y de quoi être ébloui... « Certes mais les électeurs ont ils mérité d'avoir des éditorialistes comme Jacques ATTALI ? » s'interroge Marianne avec pertinence. Tout cela révèle un piètre paysage politico médiatique.
La vérité ? La vérité c'est que la bourgeoisie tremble. Elle tremble comme ce fût le cas en 1936 et en 1968. Elle tremble pour ses intérêts de classe. Elle tremble et elle se montre sous son vrai jour. Elle crache son venin. Après cela va t-on encore s'entendre dire que la lutte de classe n'a plus de sens … ?
Tous autant qu'ils sont, ils aimeraient bien rayer l'épisode gilets jaunes de l'histoire, et qu'on n'en parle plus afin de remettre sur le métier les réformes scélérates comme la casse de la fonction publique et l'écrasement des chômeurs.
Eh bien non ! « A tout moment la rue peut aussi dire non ! » Tiens jadis on entendait souvent ce genre de commentaire « Ce n'est pas la rue qui commande ! » Ah bon, vous n'osez plus le dire ?!
Revenons à l'image des oiseaux de passage de Jean RICHEPIN. Ce poème illustre bien la situation que nous sommes entrain de vivre. Mais les gilets jaunes ne sont pas des oiseaux de passage. L'histoire le retiendra.
Puisse cet extrait de Jean RICHEPIN appeler ces commentateurs d'opérette à un peu de modestie et de réflexion…
Extrait des oiseaux de passage de Jean RICHEPIN...
« Regardez les vieux coq, jeune oie édifiante,
Rien de vous ne pourra, monter aussi qu'eux.
Et le peu qui viendra, d'eux à vous c'est leur fiente,
Les bourgeois sont troublés, de voir passer les gueux... »
Jean Claude TARBY