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Billet de blog 18 septembre 2008

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Dieu, César et la laïcité

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Dans sa réponse au Président de la République, le 12 septembre à l’Elysée, le Pape s’est notamment référé à une parole de Jésus que rapporte l’évangéliste Marc, reprise par Luc et Matthieu dans leur Evangile respectif : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » pour indiquer que s’agissant du « problème des relations entre la sphère politique et la sphère religieuse, le Christ avait déjà offert le principe d’une juste solution ».

Si ce n’était pas le moment ni le lieu pour que Benoît XVI développât un commentaire de ce propos, j’ai du mal à accepter qu’il ait fait cette citation biblique comme si, après cela, il n’y avait plus rien à dire…puisque Jésus l’a dit. Comme si on entendait : à quoi bon avoir promulgué dans votre pays une loi en 1905 qui institue une séparation entre l’Eglise et l’Etat dont la Bible fait déjà état ? Les fondamentalistes ne s’y prendraient pas autrement qui sortent des écrits des deux Testaments de leur contexte pour, pensent-il, justifier leur immobile conception de la Création, de l’éthique, en un mot, de la vie.

Et si « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » devenait, comme le suggère le théologien protestant Elian Cuvillier dans son commentaire de l’Evangile de Marc (Bayard - Labor et Fides) « synonyme de protestation contre le monde et ses puissances », si cette parole de Jésus signifiait aujourd’hui « prendre de la distance vis-à-vis des idoles à adorer ou des idées toutes faites que le monde voudrait nous voir défendre ». Si « Rendre à Dieu ce qui est à Dieu » pouvait « vouloir dire aujourd’hui se dresser contre toutes les citadelles de la « subversion encouragée » (Philippe Murray) que les pouvoirs modernes nous désignent comme étant les modèles d’une pensée « moderne », « tolérante » et « ouverte » et qui cachent peut-être un retour prochain à l’intolérance ou à la barbarie », le « successeur de Pierre » ressortirait-il une nouvelle fois, avec son autorité de chef d’une Eglise d’un milliard de membres et de théologien, ce propos renversant rapporté par l’évangéliste ?

La laïcité bien comprise permet que je puisse écrire cela. Je ne réagis pas pour défendre une religion dont je serais adepte mais comme homme, citoyen dont la foi, la réflexion et l’engagement peuvent contribuer au débat démocratique.

Dans un billet précédent je m’inquiétais pour la liberté de l’homme appelé à être libre.

L’échange de propos entre Nicolas Sarkozy et Benoît XVI a confirmé mon inquiétude. En effet leur invention du concept de « laïcité positive » (qui en est le père ? le « Très Saint » revenu si souvent dans la bouche du Président de la République ou ce dernier ?) n’annonce, à mon sens pas grand-chose de positif pour la loi de séparation (vrai sens en français du mot « sacré » en hébreu) de l’Eglise et de l’Etat.

Gérard Israël dans son livre « Dieu est-il laïque ? »(Calmann-Lévy) souligne en effet que la liturgie judaïque contient une expression significative « Bénis-sois-tu notre Dieu, qui sépare le sacré du profane ». « La transcendance est ab-solue, sainte, donc sacrée, poursuit le philosophe. Nul ne peut y atteindre sans s’introduire dans un domaine qui le différencie radicalement du domaine sociopolitique ».

Que penser alors de la fin de l’intervention du Pape sinon qu’elle oriente vers une « sacralisation » progressive de l’espace public par la religion ?« Il est fondamental, d’une part, d’insister sur la distinction entre le politique et le religieux, afin de garantir aussi bien la liberté religieuse des citoyens que la responsabilité envers eux, et d’autre part, de prendre une conscience plus claire de la fonction irremplaçable de la religion pour la formation des consciences et de la contribution qu’elle peut apporter, avec d’autres instances, à la création d’un consensus éthique fondamental dans la société ».

Petit rappel pour finir, emprunté à l’Encyclopédie du Protestantisme au mot « laïcité », article rédigé par le sociologue Jean-Paul Willaime : « La laïcité est le résultat d’un processus historique qui a vu les diverses sphères de la vie sociale ( juridique, politique, scolaire, médicale…) s’émanciper progressivement de toute tutelle religieuse pour se développer de façon autonome. En tant qu’elle marque la fin de la religion comme pouvoir aussi bien sur la société que sur les individus, la laïcité est liée d’une part à l’avènement d’un espace public autonome régi par des logiques séculières et, de l’autre, à l’émergence de l’individu comme sujet libre de ses choix et pouvant revendiquer ses droits ».

Quoi de plus positif ?

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