Je devrais, en tant que pasteur en exercice et qui plus est président d’une région de l’Eglise réformée de France, m’astreindre à un devoir de réserve. Mais, ces derniers mois, mon inquiétude apris une telle place qu’aujourd’hui j’y déroge.
Je n’ai jamais conçu mon ministère autrement que centré sur l’annonce, dans le monde, d’une Parole qui n’est pas du monde. Autrement dit, la vocation à laquelle je réponds, le service que j’ai accepté de rendre dans l’Eglise, m’oblige d’abord à être veilleur, vigilant sur le respect des libertés individuelles et collectives, en particulier et en premier lieu, dans le pays dont je suis citoyen.
Dans la Bible, lettre de Paul à l’Eglise de Galatie, une exhortation m’a toujours accompagné : « Vous, frères, c’est à la liberté que vous avez été appelés ».
Liberté d’écrire. Liberté de s’exprimer dans les médias écrites et parlées. Liberté de débattre. Liberté de s’organiser en association, en syndicat, en parti politique. Liberté de culte.
Liberté dans le plus profond respect des lois de notre République et de la laïcité qui la distingue.
J’ai le sentiment, c’est un euphémisme, que progressivement, sans trop faire de bruit,une décision par-ci, une parole par-là (de plus en plus de médias en faisant l’impasse par assentiment ou auto-protection), une menace pèse sur cette liberté à laquelle tout homme est appelé, qu’il a chèrement gagnée ici et pour laquelle il se bat toujours dans d’innombrables pays.
Je suis inquiet de ces charges sournoises dont elle est l’objet.
Lorsque l’on a à faire à des lois liberticides c’est dramatique mais au moins c’est plus clair. On peut entrer en résistance. Une résistance comme celle qu’a menée Martin Luther King contre les lois raciales aux Etats-Unis d’Amérique ou comme celle conduite par Nelson Mandela contre l’apartheid en Afrique du Sud.
J’ai fait miennes depuis longtemps ces recommandations de Dietrich Bonhoeffer, théologien protestant allemand assassiné par les nazis en avril 1945, à l’Eglise :
« L’Eglise peut (d’abord) demander à l’Etat si ses actes sont légitimes et conformes à sa nature d’Etat, c’est-à-dire qu’elle peut renvoyer l’Etat à ses responsabilités. Elle peut (ensuite) venir en aide aux victimes de l’Etat. L’Eglise a un devoir inconditionnel envers les victimes de toutes les couches de la société, même si elles ne font pas partie de la communauté chrétienne. Dans ces deux cas, l’Eglise sert librement un Etat libre, et même si les lois changent, l’Eglise ne peut en aucuncas se soustraire à ces tâches ».
Comment donc ramener au discernementet à la sagesse ceux qui, à l’intérieur de nos frontières, lentement mais sûrement, semblent mettre en question cette valeur fondamentale qu’est la liberté et en danger notre démocratie ?