Lorsque j’étais pasteur de l’Eglise réformée de France à Vitrolles (Bouches du Rhône) j’ai vécu de près la montée de Front National dans la ville. D’abord très discrètement, au début des années 1990 puis, beaucoup plus ostensiblement, après l’installation d’une permanence et surtout lorsque Bruno Mégret a décidé d’être candidat aux Municipales de 1995.
Le maire socialiste de l’époque, Jean-Jacques Anglade, brillamment réélu dès le premier tour en 1989, a pris beaucoup moins d’initiatives (fêtes dans les quartiers etc) qui, lors de son premier mandat, avaient permis une bonne cohabitation de la population dans cette « Ville nouvelle ».
Le travail de proximité, le dialogue avec les habitants, si fructueux de 1983 à 1989, n’avaient donc quasiment plus leur place. Et des dépenses faramineuses avaient été engagées : stadium (grande salle de spectacle) etc.
Dès lors le mécontentement d’une partie des Vitrollais devint évident. D’une part, face à ce qu’ils ressentaient comme un désengagement de la municipalité à leur égard. D’autre part devant l’arrivée, des Quartiers Nord de Marseille, de familles d’origine africaine (du Nord et sub-saharienne), françaises pour beaucoup, qui elles aussi recherchaient un cadre de vie plus agréable… comme l’avaient fait les familles d’origine européenne, venues des mêmes quartiers.
L’utopie de la deuxième moitié des années 80 était passée…
Et tout cela était du pain béni pour le Front National.
Jean-Jacques Anglade avait pourtant été averti par plusieurs dont je fus, de cet imperceptible (pour ceux qui pensaient que ça n’arriverait jamais…), mais efficace, enracinement du parti d’extrême droite, mais il ne s’en soucia guère.
Pour ma part, à la fin de l’année 1994, j’ai rencontré Bruno Mégret pendant une heure à la suite d’écrits xénophobes et racistes parus dans son journal de campagne électorale « Allez Vitrolles ! ».
J’ai pu ainsi me rendre compte de ses qualités de théoricien du Front National quant à la « Préférence Nationale », notamment. Préférence que tentera de mettre en pratique Catherine Mégret, élue maire de Vitrolles en 1997. Mais elle sera condamnée par la justice pour cela…entre autres.
J’ai également pu constater, en 1995, combien on pouvait être falsificateur au Front National, et travestir la réalité à son profit.
Et une quinzaine d’années plus tard, rien n’a changé.
Si certaines nouvelles figures sont apparues, si d’autres ont quitté le Front National pour l’UMP ou le MPF, on a affaire à la même idéologie et aux mêmes méthodes qu’il y a vingt ans :
on pointe certains déficits dans des municipalités gérées par « l’Establishment » ou « l’UMPS » et on laisse entendre aux futurs électeurs qu’on fera mieux (les diverses expériences prouvent le contraire !!),
on dit que la plupart de ces « hommes politiques » sont corrompus (voir le slogan des années 90 « mains propres, tête haute ») sauf au FN !!
on dit qu’il y a trop d’Immigrés en France
on fait croire qu’à cause des Musulmans la laïcité serait en péril. Etc. etc.
Plus démagogue et plus menteur que moi, tu meurs !!
Par ailleurs, je pense que la plupart de ceux qui votent pour les candidats du Front National, savent ce qu’ils font. Je ne dis pas que la majorité sont militants et se retrouvent dans toute l’idéologie. Mais, je ne crois plus qu’il faille les dédouaner en ne faisant porter le chapeau qu’à l’appareil. On disait cela il y a 25 ans, il y a 15 ans et en 2002… et le Front National, grâce à leurs voix, se porte bien…