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Billet de blog 1 mai 2020

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La vie est une chienne et le temps un voleur

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La vie est une chienne et le temps un voleur © Jean durovray (pdf, 25.7 kB)

Où je fais le fanfaron

J’avais une soif d’alcool irrépressible, je m’étais levé avec le palais réclamant le liquide sirupeux comme un chrétien au seuil de sa vie, un prêtre. Je n’aurais pas du, et puis il y en avait peu. C’était toutefois l’unique moyen de m’extraire quelques minutes de ma léthargie et de ma mélancholie. Il fallait cependant me presser, peu d’alcool, peu d’élan, et ces foutues heures qui allaient bientôt regagner la moindre anfractuosité de mon corps, le moindre éclair de mon esprit. Depuis deux moi j’ai singulièrement perdu l’habitude de vivre, de me sentir vivant. Je sors de mon antre avec mon carnet, deux stylos, mon téléphone, les danses de Prince Igor au casque et d’autres trucs qui m’échappent. Ah, si, une demie bouteille de vin blanc.

Où je te dis

Je me suis attelé à l’écriture d’un roman, un autre, aussi inutile qu’il m’est nécessaire. Ce sera le dernier. Et il ne te plaira pas puisque j’y raconte pourquoi ce sera le dernier. Il n’existe pas de momentplus propice ; plus imminent, pour quer je l’écrive, tu comprendras. Je rédige ces mots dans la gare, la main fébrile, la chevelure hirsute, j’ignore où je vais et, ern vérité, je m’en fous. Je fuis, je hais les trains, mais l’idée d’être un fugitif en cavale me plaît assez. C’est drôle, je note, il existe encore des dfétails qui me plaisent.

Pourquoi? Comment ? Mais non ! Messie !

Je pense un instant qu’il serait peut-être préférable de ne pas l’écrire du tout, ce bouquin ; étant donné la peur et la souffrance que je sème derrière moi. Mais je n’ai pas le choix, pas du tout, écrire c’était mon seul moyen de communiquer avec l’Autre, de tracer une narration entre mers vies et d’ambitionner la moindre existence. Je ne crains pas la mort, ni la finitude. Mais je demeure depuis l’enfance pétrifié par l’idée de disparaître. Je ne pourrai jamais m’y résoudre.

Plus d’alcool, on abrège.

J’ai du m’adapter à de nombreux événements, j’ai tâché d’y survivre aussi mal que ne peut le faire un survivant dans un monde de vivants. La Forteresse vide, quoi. J’en oublie presque de fumer. Plus le temps, je sors l’artillerie lourde, La Passion selon Saint-Matthieu. Je dois me hâter, les heures vont me rattraper, les pilules me confiner, le sommeil m’abrutir, me happer, si jamais, jusqu’à ce grand sommeil, là où poussent ces arbres centenaires à travers lesquels coulent une rivière millénaire, là où tu poses ton visage sur un amas de mousse, où tu clos tes paupières et où, seuls, les chants des oiseaux t’emportent.

Le monde d’après, ça n’existe pas

C’est LE moment du largo de Casta Diva.

Je suis assis dans le terminal T2 de Roissy, j’attends l’homme que j’aime qui vient de Berlin. Je m’enfonce dans un horrible fauteuil où certains dorment, je ne peux ni lire ni écrire. Je suis assis, point fixe, travelling circulaire, le champ s’élargit pour laisser pénétrer les gens qui ne me sont que des personnages annexes à ce moment puissant. Un long moment passe, une brigade de militaire s’alligne contre le mur près de la douane, il y a un petit jeune qui semble perdu, mal agencé, trop loin, dans un mauvais angle. Je lui souris, son capitaine le rappelle à l’ordre. Et Nathanaël entre, je ne me lève pas immédiatement, sidéré par la grâce de l’homme que j’aime depuis dix ans. Je l’observe un instant puis le rejoins, on va fumer hein ? Il m’offre un large sourire, plisse les yeux puis me répond « volontiers. »

Décembre 2019 et le reste…

Plus une goutte d’alcool, mon palais réclame, mon corps supplie qu’on lui donne ses calmants et somnifères. Passage pénible.

Je lui avais dit avant qu’il ne force les portes de ma forteresse, « ce sera ma dernière folie. » Je ne suis pas le fou que l’on croit. Et l’histoire qui s’entête à se répéter depuis ce maudit début n’a pas défailli. On m’a quitté, abandonné, pire, relégué au supplice du silence. Cette fois il n’est pas impossible que je renonce. Ce roman, finalement, il vaut mieux que ce soit le dernier. On bavarde du « monde d’après » mais ce ne sont là que vagues labilalités creuses et vaines. Le seul monde éd’après » possible, les femmes et les hommes n’en veulent pas. Ce serait ce monde où nous ne considérions rien de plus sacré que notre humanité. Un monde où l’i_ndifférence, la cupidité, le cynisme seraient un crime. Un monde de possibles, du droit au bonheur, à la bienveillance, à l’égalité. Un monde choisi et partagé. Mais ça n’est pas possible. Les forces qui nous régissent s’y refuseront toujours. On ne vaincra l’ordre et le capitalisme qu’en offrant sans rien demander en retour, notre humanité.

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