jean durovray (avatar)

jean durovray

Abonné·e de Mediapart

13 Billets

0 Édition

Billet de blog 11 octobre 2024

jean durovray (avatar)

jean durovray

Abonné·e de Mediapart

Mravinsky

jean durovray (avatar)

jean durovray

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Glenn Gould murmure sur le clavier bien tempéré, tu allumes une clope sans oublier de saisir la bouteille qui patientait nonchalamment depuis trop longtemps. L’alcool c’est un peu comme l’amour tu te dis, il faut plonger dedans pour savoir quel goût ça a, sinon on ne boira jamais. C’est pas quelque chose qu’on sirote, dans lequel on trempe ses lèvres avec l’idée d’y revenir, ça mérite une certaine audace. Et à y réfléchir tu penses que ça relève presque de l’acte de foi, de quelque chose qui te dépasse un peu, qui te révèle beaucoup. Ça te met à poil, tellement que tu en as des frissons de peur, une boule au ventre. Tu te souviens de ces angoisses larvées qui te tenaillaient quand il fallait aller à confesse, l’alcool eût aidé, quand on attendait de toi que tu avoues un péché que tu estimais n’avoir pas commis, parce que cette notion de péché te semblait dégueulasse et que tu n’octroyais à personne, personne fût-ce Dieu, le droit de te dire ce qui était juste et ce qui ne l’était pas. A tel point que tu t’étais renseigné, ardemment, sur le péché le plus commun et le moins spectaculaire pour lequel on te demanderait de te repentir. Et ce péché utile bien que théologiquement admis par la Doctrine de la foi, cette tentation malheureuse, c’était l’omission. Oui mon Père, j’ai péché par omission, bien des fois… S’il savait seulement combien tu t’étais juché sur deux certitudes depuis si longtemps, celle qui voulait que tu préfères les garçons et celle qui te poussait à ne pas croire en Dieu. Parce qu’il y a une différence notable à aimer le divin, le phénomène qui créé les conditions d’un plaisir et d’une rareté intellectuelle ou sensorielle, est l’idée de Dieu. Tu as d’abord pensé que tu n’étais pas fait pour ça, pour croire, pour supporter l’idée qu’un être supérieur décide et te juge, qu’il domine, régule et codifie depuis on ne sait où l’entièreté de nos existences. Et puis, bercé dans ce silence de Dieu, tu as aimé et crû en tes frères humains. Et depuis lors tu considères que ça n’était pas une fuite ni une omission, bien au contraire, mais une prise de conscience à la fois instable et chevillée au corps. Ton véritable acte de foi ce serait de croire en la raison, en la probité et en la justice. Et ce ne serait pas aisé, non. Trouver le divin dans ce putain de monde, non, c’est pas facile. Heureusement il y a Bach, les clopes et cette foutue bouteille d’alcool que tu as décidé de nommer Amélie. Parce qu’au début, le verbe fut. Comme le disait Mravinsky :"On n'interprète pas de la musique pour les gens mais pour Dieu."

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.