L'ouvrage de Joan Martinez-Alier, professeur en économie et en histoire de l’économie à l'Université autonome de Barcelone, qui a publié, en espagnol, L’écologisme des pauvres en 2005 définit trois types d’écologie.
Le premier type d'écologie est une écologie qui sacralise la nature et qui vise à la conserver. C'est le culte de la nature sauvage. C’est l'écologie de Henry David Thoreau ou de John Muir aux Etats-Unis.
Le deuxième type d’écologie est un courant qui nous vient des ingénieurs et des économistes qui pensent que l'on peut avoir une compatibilité entre l'économie de marché et l'écologie. C'est ce qu'on retrouve sous le vocable de développement durable ou même de croissance verte.
Le troisième type est une écologie dirigiste aussi appelée "mouvement pour la justice environnementale". Dans cette vision, non seulement les pauvres dépendent étroitement de leur environnement pour survivre, mais c’est aussi vers eux que sont transférées les activités les plus polluantes.
Le premier type d’écologie ne trouve plus en France de résonnance politique importante et nous ne développerons pas.
Le deuxième type d’écologie est celle des forces politiques qui conscientes que l’homme doit préserver son environnement écologique et social prônent une économie de marché responsable basée sur l’innovation. Ce développement responsable est une source de progrès.
Avec néanmoins le constat que quand on regarde l'histoire, on constate que si l'économie croît les dépenses énergétiques et les matériaux croissent aussi et c’est la décorrélation entre la consommation de ressources et la consommation des biens qui est recherchée. Car comment peut-on créer une croissance perpétuelle dans un monde fini ? Dans cette optique l'économie est totalement neutre du point de vue écologique. Si une technologie est prouvée mauvaise pour la planète, on arrête de l'utiliser, point. L'écologie sert à déterminer des normes à respecter par la population, producteurs et consommateur. Ces normes orientent le développement technologique, comme on le voit aujourd'hui avec le développement des projets concernant les technologies "vertes".
Dans ce système, certains industriels protestent contre l'instauration de ces normes environnementales ou sociales, d’autres demandent que l’écoconception soit favorisé fiscalement. Bref chacun défend ses intérêts. C'est un débat sain et démocratique. Mais, au final, tous les acteurs doivent respecter les normes démocratiquement votées sur une base scientifique. Faire respecter ces normes est d'ailleurs un des rôles régaliens de l'état en économie de marché. Le capitalisme s’effondrera aussi s’il ne tient pas compte du respect pour les générations futures des contraintes écologiques
Le Grenelle de l’environnement ou les politiques européennes sont des exemples de pratiques conduisant à l’objectif de la croissance verte.
Les programmes politiques de François Fillon et Emmanuel Macron s’inscrivent dans cette vision avec un volontarisme plus ou moins affirmé. Objectivement on reste assez loin du formidable élan impulsé par le Grenelle de l’environnement. Cette écologie de progrès, positive et ouvrant vers l’avenir se doit de ne pas renoncer à la moindre difficulté économique à son absolu rigueur scientifique et l’honnêteté de l’analyse. Cette rigueur est parfois mise à mal par les lobbies industriels (exemple de scandales dans le médicament et l’automobile).
Pour le troisième type l'économie de marché est par nature incompatible avec l’écologie.
Économiquement, la base de cette vision est une critique de l'économie de marché. Celle-ci est considérée comme étant productiviste c'est-à dire qu'elle encourage au toujours plus, à toujours produire plus, et donc à gaspiller les ressources de la planète. L'économie de marché est dite productiviste également parce qu'elle ne prend pas en compte, selon cette vision, de la notion de mieux vivre. Il ne suffit pas d'avoir plus, il faut surtout vivre mieux.
Le programme de Benoit Hamon et Jean-Luc Mélanchon s'inscrivent parfaitement dans cette ligne dirigiste, ou d'économie administrée. Ils reprennent ainsi la politique de réduction du temps de travail, pour lutter contre le chômage avec La vieille opposition dirigisme vs économie de marché. Le terme de la planification écologique nous fait entendre une vieille musique de l'Ex URSS.
La particularité de l'écologie, dans le courant représentée ici, est donc de reprendre à son compte la vieille opposition entre dirigisme, ou économie administrée, et économie de marché. Opposition qui était symbolisée auparavant par le communisme. Elle reprend les arguments de concurrence sauvage, et l'idée d'aliénation, à savoir que l'économie de marché détourne de ce qui est essentielle dans la vie, par sa course au productivisme, comme on parlait autrefois plutôt de la course au profit. Elle reprend l'idée que l'Etat peut décider de créer des emplois, en subventionnant le secteur associatifs et en réduisant le temps de travail. Cette vision politique de l’écologie reprend également l'argument traditionnel selon lequel c'est la concurrence étrangère est responsable des problèmes de la France.
Ainsi il existe partout dans le monde un écologisme des pauvres. Car non seulement les pauvres dépendent étroitement de leur environnement pour survivre, mais c’est aussi vers eux que sont transférées les activités les plus polluantes. Rien d’étonnant que la gauche frondeuse et extrême se soient converties à l’écologie politique.
D’ailleurs que si l’entité politique est presque morte, les idées d’EELV ont gagné environ 20 à 25% de l’électorat français ce qui n’est pas négligeable.
