La campagne électorale est bien partie et les candidats à la présidentielle se bousculent au portillon. Chacun annonce un programme aussi alléchant qu’une publicité en faveur d’un cosmétique, d’une barre chocolatée, de la dernière voiture non polluante...
Pourtant, les collapsologues nous annoncent un effondrement tragique, les économistes nous prédisent une crise financière majeure, la gestion de l’épidémie Covid nous est toujours incompréhensible, et les Français dépriment. L’habile Eric Zemmour, pas encore candidat mais à l’évidence futur candidat, a trouvé le sésame lui ouvrant les portes de l’Élysée : un ennemi unique propre à rassembler tous les citoyens, une explication globale mais simple à comprendre pour tous nos problèmes. Tout va mal car l’étranger refuse de s’intégrer, de se faire Français comme le juif berbère Zemmour a su le faire ! Il faut renvoyer quiconque n’est pas un étranger Zemmourien, pour qu’il aille retrouver sa culture, sa religion, sa philosophie, là d’où elle vient, de l’autre côté de la mer. La déprime des Français, la finance en berne, l’environnement qui court à l’effondrement, le gouvernement qui n’entend rien à la gouvernance, l’énergie et les matières premières qui risquent de manquer..., tout ça n’est que détails insignifiants au regard du "grand remplacement". Et pour couronner le tout, "l’Islamo-gauchiste", depuis trente ans, détruit le substrat français. Tout le monde le voit mais personne n’ose le dire... Comment Zemmour va-t-il renvoyer au Maghreb des gens qui n’ont jamais traversé la mer, qui ne parlent plus leur langue, qui ont perdu toute leur culture et dont les pays d’origine ne voudront accepter à aucun prix ? Mystère, mais c’est un détail et Zemmour fait dans le global, l’universel !
Caricatural ? Sans doute, mais les autres candidats aussi relèvent de la caricature et c’est ce qui est effrayant. Les anticapitalistes se perdent dans un "capitalisme tronqué", à peine adouci de quelques tares, les écologistes s’écharpent entre pragmatistes et radicaux, la droite a oublié de définir ce que droite veut dire, à force de vouloir rassembler, de l’Extrême droite aux Divers-gauches. Leurs programmes ? J’ai presque tout lu ou écouté, de Nathalie Arthaud la radicale, à Marine Le Pen la respectable, en passant par Montebourg, le remonté. Un vrai pensum ! J’ai surtout vu de l’écologie ne tenant pas compte de l’économie, de l’économie oubliant les humains qui la subissent, du social coupé de l’environnement, de la démocratie aristocratique, du capitalisme "greenwashisé", du réalisme utopique, de l’utopie pragmatique, de l’oxymore à tous les étages pour compenser une incapacité à prendre en compte le réel, lequel est en train de "nous en mettre plein la gueule" pour paraphraser Lacan définissant le dit réel ! Et pendant ce temps, les Français dépriment toujours...
C’est cette situation qui m’a poussé à produire un essai proposant un état des lieux. Il montre que le système marchand a induit un usage omniprésent de l’argent et nous donne le sentiment d’être dans une impasse. Et si nous remettions en cause l’argent et l’échange marchand ?... Et si l’argent était l’unique objet de nos ressentiments ?... Puisque rien n’impacte autant notre vie quotidienne, individuelle et collective, ne faudrait-il pas imaginer autre chose, par exemple une Société de l’Accès, où tout serait gratuit, où la recherche de profits ne viendrait plus brouiller les cartes...
Pour décrire ce dont aujourd’hui est fait et ce qui demain pourrait être, il fallait un dictionnaire reprenant mot après mot ce réel qui semble nous échapper et nous conduit dans le mur. C’est aussi un format qui permet de piocher le sujet qui intéresse, de réfléchir sur une information avec des articles courts et bien ancrés dans le réel de notre quotidien. J’ai déjà tenté la forme roman (voir "Le Porte-Monnaie"1), la forme essai ( "Description du monde de demain", éditions RJTP, 20212), il manquait cet instrument dans ma boite à outils....
Ce dictionnaire, je l’ai mis en ligne gratuitement3, dans l’espoir qu’il devienne interactif, que chacun s’en empare pour en critiquer les éléments, en propose d’autres, en amende certains, invente de nouveaux possibles. Il est devenu si banal de proposer de "décoloniser nos imaginaires", d’imaginer le monde d’après (après l’effondrement, après la crise sanitaire, après la prochaine crise financière...), il est devenu si tentant de sombrer dans la nostalgie (C’était mieux avant... Quand ? Quand je croyais encore que ce serait mieux après !4)... Puisque notre démocratie vire à la démocrature, ce dictionnaire pourrait être saisi par qui veut pour mettre en commun l’air du temps, la température réelle ou ressentie, les prévisions sur le temps de demain, un début de démocratie directe...
1"Le porte-monnaie, une société sans argent". PDF sur https://lirenligne.net/detail-oeuvre-a-decouvrir/Jean-Fran%C3%A7ois%20AUPETITGENDRE/Le%20Porte-Monnaie.%20Une%20soci%C3%A9t%C3%A9%20sans%20argent./3976
2"Description du monde de demain", présentation sur https://www.editions-rjtp.com/notre_catalogue.htm#ddmdd
3"Dictionnaire désamouré de l’argent": https://lirenligne.net/detail-oeuvre-a-decouvrir/Jean-Fran%C3%A7ois%20AUPETITGENDRE/Dictionnaire%20d%C3%A9samour%C3%A9%20de%20l%27argent./8992
4Référence à un excellent dessin de Xavier Gorce https://www.lemonde.fr/blog/xaviergorce/2017/02/14/mieux-avant/