Jean Francois BLANCO (avatar)

Jean Francois BLANCO

avocat spécialisé en droit du travail et droit pénal - conseiller régional EELV ALPC

Abonné·e de Mediapart

5 Billets

0 Édition

Billet de blog 4 mars 2016

Jean Francois BLANCO (avatar)

Jean Francois BLANCO

avocat spécialisé en droit du travail et droit pénal - conseiller régional EELV ALPC

Abonné·e de Mediapart

Le barême permis de licencier abusivement

Le barême des licenciements abusifs ruinerait le droit du licenciement . Il exposerait le salarié à l'arbitraire et à l'insécurité permanente. Il permettrait à l'employeur de gérer, à bon compte, sa décision illégale de licencier.

Jean Francois BLANCO (avatar)

Jean Francois BLANCO

avocat spécialisé en droit du travail et droit pénal - conseiller régional EELV ALPC

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 proclame le droit d'obtenir un emploi et les textes internationaux, en particulier la Convention de l'Organisation Internationale de Travail ratifiée par la France, attachent une valeur forte à cette garantie.

La protection contre les licenciements arbitraires constitue la conséquence de ce droit fondamental.

Avant la loi du 13 juillet 1973 le contrôle du juge sur le motif du licenciement s'opèrait au travers de la théorie de l'abus de droit ce qui signifiait disposer, pour l'employeur, du droit de rompre seul l'abus, à démontrer par le salarié, étant sanctionnable.

La loi du 13 juillet 1973 a, profondément, modifié ce régime en soumettant la légalité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse.

Passage de l'archaïque bon-vouloir patronal à l'exigence d'une motivation objective de la rupture du contrat et, ainsi, à une apllication plus effective du droit à l'emploi.

La loi du 3 janvier 1975 a décliné ce dispositif pour la cause économique.

Le Code du Travail prévoit, depuis cette période, l'indemnisation du salarié victime d'un licenciement injustifié, sans cause réelle et sérieuse.

Il comporte même un minimum de six mois de salaire à titre de réparation pour les salariés comptant, au moins, deux ans d'ancienneté dans une entreprise de plus de 10 salariés et, toujours dans cette hypothèse, le remboursement par l'employeur d'une partie des allocations Pôle Emploi.

Cette réparation est fixée par le juge après un débat contradictoire.

En résumé la décision de licenciement, grave et lourde  conséquences, est entourée de précautions et soumise à contrôle et éventuelles sanctions.

Rien d'insurmontable cependant pour l'employeur qui demeure maître de la rupture alors que le juge est dans l'impossibilité, sauf exceptionnellement pour les salariés protégés,  d'ordonner une réintégration.

Il s'agit d'un système indemnitaire parfaitement prévisible, car la jurisprudence est lisible, comme le prouve les provisions comptables pour les ruptures contestées.

L'introduction d'un barême des licenciements injustifiés - abusifs dans le langage quotidien - ruinerait cet édifice.

Inutile de se préoccuper de la véracité de la cause  ou des conséquences du licenciement le tarif de l'abus étant connu d'avance et d'ailleurs particulièrement bas.

Le salarié se trouverait, violemment, confronté à l'arbitraire patronal et à l'insécurité permanente.

Mais ce barême des licenciements abusifs signifierait, aussi, qu'à l'avance l'employeur connaîtrait le coût de sa décision illégale indépendamment de son impact humain et social.

Pour le coup le mécanisme serait singulier puisqu'il consisterait à anticiper l'abus en limitant son coût.

Invraisemblable.

Le barême serait un véritable permis de licencier illégalement.

Le droit du travail inaugurerait ainsi l'abandon du principe de la réparation intégrale du préjudice.

Nous reviendrions bien avant la loi du 13 juillet 1973 puisque, au moins, sous le régime de la responsabilité pour faute - de la sanction de l'abus de droit - le dommage devait être réparé dans sa totalité.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.