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Billet de blog 1 avril 2015

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La Grèce se tourne vers la Russie alors que les discussions avec l’Europe vacillent

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Par Liz Alderman. Article publié le 30 mars 2015 dans The Australian Financial Review : Greece turns to Russia as talks with Europe falter [traduction: JFG-QuestionsCritiques].

Avec la perspective d’un défaut de la Grèce qui se précise, le Premier ministre Alexis Tsipras se prépare à rencontrer la semaine prochaine le président russe Vladimir Poutine, alors qu’un accord européen pour fournir une aide supplémentaire à Athènes se fait hésitant. 

Le moment choisi a soulevé des questions pour savoir si cette visite est un élément ordinaire de la politique étrangère à fronts multiples du nouveau gouvernement grec ou s’il s’agit d’un pivot vers la Russie en vue d’une aide financière au cas où les discussions entre la Grèce et les responsables européens s’effondrent purement et simplement.

Les négociations entre un gouvernement grec qui se démène et ses créanciers ont à nouveau trébuché lundi dernier après que les dirigeants européens ont dit que le plan de réformes soumis ce week-end pour débloquer une nouvelle aide de 7,2 milliards d’euros ne correspond pas aux attentes. La Grèce a prévenu qu’elle pourrait se retrouver bientôt à cours d’argent après que Tsipras aura rencontré Poutine le 8 avril.

A cours de temps et d’argent

Tsipras, qui est arrivé au pouvoir en janvier, avait prévu initialement de se rendre à Moscou en mai. Mais il a avancé sa rencontre avec Poutine, il y a deux semaines, alors que la Grèce est entrée en désaccord avec l’Allemagne et les autres pays européens sur les conditions pour débloquer cet argent. Sans ces fonds, la Grèce pourrait se retrouver en faillite, ou peut-être sortir de la zone euro qui regroupe 19 pays, une éventualité qui, si elle se produisait, pourrait attiser l’instabilité dans la région.

La visite de Tsipras à Moscou est affichée par Athènes comme une rencontre de routine visant à renforcer les relations entre les deux pays qui ont des liens politiques et religieux très anciens. Mais certains responsables grecs ont laissé entendre qu’Athènes pourrait être tentée d’évaluer si la Russie, elle-même en disgrâce par l’Europe à propos du conflit en Ukraine, pourrait être prête à endosser le rôle du chevalier blanc si jamais l’Europe se dérobe.

« C’est une tentative de faire monter la pression sur le reste de la zone euro pour qu’elle fasse des concessions à la Grèce », a dit Simon Tilford, le directeur adjoint du Center for European Reform à Londres.

Si c’est le cas, a-t-il ajouté, c’est un pari qui pourrait se retourner contre eux. « Frayer avec la Russie est une garantie pour s’aliéner le reste de le reste de la zone euro », a dit Tilford. « Tous ceux en Allemagne qui défendaient une ligne plus conciliante envers la Grèce auront plus de mal à la maintenir ».

Les relations entre le nouveau gouvernement grec et les autres pays européens ont été tendues pratiquement depuis que Tsipras est arrivé au pouvoir. Il a promis de se débarrasser des sévères conditions d’austérité attachées au plan de sauvetage international de 240 milliards d’euro accordé à la Grèce. Le gouvernement a négocié un accord le 20 février avec les responsables européens pour étendre le plan de sauvetage et débloquer 7,2 milliards d’euros supplémentaires d’aides pour Athènes, à condition que le gouvernement de Tsipras fasse les réformes structurelles requises.

Mais les créanciers ont dit que les plans que la Grèce a soumis étaient inadéquats, y compris la nouvelle proposition avancée le week-end dernier.

« Pillage » de la classe moyenne et des ouvriers ?

Dans son discours au parlement, lundi soir, Tsipras a déclaré que la liste de « mesures à court terme » présentée par la Grèce aux créanciers inclut la lutte contre la contrebande de carburant et de tabac, des contrôles sur les transferts bancaires et le combat contre la fraude à la TVA.

« Il est temps que les ‘possédants’ commencent à payer et que le pillage de la classe moyenne et des salariés cesse », a-t-il déclaré.

Dans les négociations avec les créanciers, a-t-il dit, « Nous recherchons un compromis honorable avec nos partenaires ; mais qu’ils ne s’attendent pas à une capitulation inconditionnelle ».

Avec des rentrées fiscales qui baissent rapidement, la Grèce aura du mal à payer les 450 millions d‘euros dus au Fonds monétaire international, le 7 avril, la veille de la visite de Tsipras à Moscou.

Courtiser la Russie

Ces dernières semaines, la plupart des hauts responsables du gouvernement grec ont rejeté les suggestions selon lesquelles ils pourraient se tourner vers la Russie pour une aide. Mais d’autres, dont Panos Kammenos, le ministre grec de la défense, ont caressé publiquement cette idée. La Grèce pourrait chercher une aide financière auprès de la Russie, de la Chine ou des Etats-Unis, en tant que « Plan B », si l’Allemagne « reste rigide et veut faire éclater l’Europe », a-t-il déclaré le mois dernier.

Le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a dit que Moscou examinerait une telle demande d’aide, si la Grèce la formulait – une offre que l’ambassadeur russe en Grèce a réitérée ce week-end  dans une interview avec un quotidien grec.

Lundi, le ministre grec de l’énergie, Panagiotis Lafazanis, s’est rendu à Moscou pour rencontrer son homologue russe et le directeur général du géant russe de l’énergie, Gazprom. Alors qu’il s’apprêtait à partir pour Moscou, Lafazanis a fustigé l’Union européenne et l’Allemagne en disant qu’ils « resserraient le nœud coulant » sur l’économie grecque.

Le mois dernier, Donald Tusk, le président du Conseil de l’Europe, a déclaré dans une interview que Tsipras lui avait assuré qu’il ne serait pas un « fauteur de troubles » quant à la politique européenne vis-à-vis de la Russie.

Mais peu de personnes ont oublié comment le nouveau gouvernement en Grèce conduit par Syriza, juste quelques jours après avoir été élu en janvier, a dénoncé les sanctions de l’Union européennes contre la Russie en relation avec l’Ukraine. Cette manœuvre a pris les dirigeants européens par surprise et a menacé de bouleverser la politique de l’Europe vis-à-vis de Moscou. Face à la pression, Athènes a rapidement inversé sa position et s’est jointe aux autres pays dans un vote unanime pour poursuivre les sanctions contre la Russie.

Pourtant, certains responsables à Bruxelles ont vu le retournement de la Grèce comme une ruse pour obtenir des concessions de la part des créanciers européens sur les conditions du plan de sauvetage de la Grèce.

Même si la Grèce finissait par chercher l’aide financière de Moscou, l’économie russe est sous pression avec l’effondrement du prix du pétrole et le conflit qui traîne en longueur en Ukraine. On s’attend à ce que celle-ci se contracte de 4% cette année. Tandis que le rouble a monté ces dernières années – et, le sentiment que le Kremlin a de nouveau les choses sous contrôle augmente – la Russie peut y réfléchir à deux fois si Tsipras devait chercher une importante aide financière, en particulier si ces prêts risquent de ne pas être remboursés dans un avenir prévisible.

« Moscou pourrait apporter un peu de fonds pour dépanner les Grecs », dit Tilford. « Mais la Russie n’est pas en position de fournir la sorte d’argent dont la Grèce aurait besoin pour rester dans la zone euro ».

Les partenaires européens de la Grèce ont laissé entendre qu’Athènes pourrait avoir besoin de demander un troisième plan des sauvetage cet été, avant que 7 milliards d’euros supplémentaires de dettes dues au FMI et à la Banque centrale européenne n’arrivent à échéance. Tout nouvel ensemble de mesures s’élèverait probablement à des dizaines de milliards d’euros, et reposerait sur une série de conditions rigoureuses que la Grèce préfèrerait éviter.

En attendant, le marchandage entre Athènes et Bruxelles se poursuit. Il est prévu que la Grèce et ses créanciers discutent des dernières réformes ce mercredi, bien qu’aucune conclusion ne soit attendue durant les vacances de Pâques pour savoir si elles seront suffisantes pour débloquer les fonds.

Niki Kitsantonis a contribué à ce reportage depuis Athènes, et David Herszenhorn depuis Moscou.

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