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Billet de blog 19 juin 2014

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Gaz de schiste : Rasmussen part de nouveau en campagne contre la Russie

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Selon le chef de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, la Russie « travaille en secret avec des écologistes pour s’opposer à la fracturation hydraulique » et monterait une campagne de désinformation pour maintenir la dépendance au gaz russe

Article de Fiona Harvey paru dans The Guardian, le 19 juin 2014, "Russia 'secretly working with environmentalists to oppose fracking'"


La maison de David Cameron à Dean, dans l'Oxfordshire, transformée en "site de fracturation hydraulique" en protestation contre le développement du gaz de schiste (Photo: Kristian Buus/Greenpeace/PA)

Le chef de l’un des principaux regroupements de nations démocratiques, au niveau mondial, a accusé la Russie de saper les projets d’utilisation de la fracturation hydraulique en Europe.

Il a été rapporté que Anders Fogh Rasmussen, le secrétaire-général de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN), et ancien Premier ministre du Danemark, a déclaré, ce jeudi à Londres, devant le think-tank de Chatham House que le gouvernement de Vladimir Poutine était derrière les tentatives de discréditer la fracturation hydraulique.

Rasmussen a déclaré : « J’ai rencontré des alliés qui peuvent rapporter que la Russie, dans le cadre de ses opérations sophistiquées d’information et de désinformation, est activement engagée avec des organisations non-gouvernementales – des organisations écologistes travaillant contre le gaz de schiste – pour maintenir l’Europe dans la dépendance au gaz russe importé ».

Il a refusé de donner des détails sur ces opérations, et a ajouté : Ceci est mon interprétation ».

La fracturation hydraulique, un processus qui implique de faire exploser des roches schisteuses denses avec un mélange d’eau à haute pression, de sable et de produits chimiques, afin de libérer les minuscules bulles de gaz naturel qui y sont piégées, a été l’objet de protestations au Royaume-Uni et dans d’autres partie de l’Europe. De nombreux groupes écologistes s’y opposent.

Cette technique a été associée à des fuites de méthane et à la pollution de nappes phréatiques aux Etats-Unis, et les militants écologistes craignent que cela ne conduise à une augmentation de l’utilisation des combustibles fossiles, aggravant le réchauffement planétaire.

Rasmussen a bien fait savoir que la fracturation hydraulique devrait être utilisée, selon lui, pour accroître la sécurité énergétique de l’Europe, en fournissant une nouvelle source d’approvisionnement de gaz et de pétrole.

Le service de presse de l’Otan a dit que ces remarques étaient le point de vue personnel de Rasmussen et non la politique officielle de l’organisation.

L’Otan a été formée à l’origine au début de la guerre froide en tant qu’alliance des Etats occidentaux, comprenant les Etats-Unis et de nombreuses nations européennes. Elle s’est historiquement souvent opposée à la Russie. Rasmussen lui-même s’est élevé précédemment contre les actions russes en Ukraine.

Des études aux Royaume-Uni ont découvert qu’il y avait des réserves potentiellement importantes de gaz et d’huile de schiste dans ce pays, peut-être suffisamment pour satisfaire ses besoins en gaz pendant plusieurs dizaines d’années. Toutefois, on ne sait pas très bien si l’extraction de ce gaz peut être rentable. Pour l’instant, aucun gaz de schiste n’a été produit au Royaume-Uni.

La Russie, une source majeure d’approvisionnement international de gaz, a signé dernièrement un contrat de 400 milliards de dollars avec la Chine afin de lui fournir du gaz pour les décennies à venir, et a menacé de couper la fourniture de gaz à l’Ukraine, soulignant sa volonté d’exploiter sa position dominante sur le marché des combustibles fossiles à des fins politiques.

Mais l’avenir de la fracturation hydraulique en Europe est moins clair que ce qu’en dit Rasmussen.

Le principal expert en fracturation hydraulique du gouvernement polonais, a récemment déclaré au Guardian que la géologie, plutôt que les considérations politiques, risquait d’être le principal obstacle.

Katarzyna Kacperczyk, la vice-ministre polonaise des Affaires étrangères, en charge de la politique non-européenne et de la diplomatie publique et économique, et voix du ministère sur la fracturation hydraulique, a dit au Guardian : « Tout est une question de géologie pour savoir si l’on peut extraire ce gaz. Les différentes parties du monde ont des géologies différentes ».

Elle a dit qu’il y avait une « volonté politique » d’explorer la fracturation hydraulique dans son pays, mais que malgré cela, rien ne garantissait que la Pologne puisse accéder à ses réserves de gaz de schiste. On pense que la Pologne a des formations de gaz de schiste parmi les meilleures d’Europe, mais les tentatives de l’exploiter n’ont pour l’instant abouti à rien, bien que les compagnies [pétrolières] essayent toujours.

Aux Etats-Unis, le développement d’une technologie moderne de fracturation a conduit à un boom de la production de gaz, mais cette situation pourrait ne pas être facilement copiée dans d’autres pays plus densément peuplés et qui ont des géologies différentes.

Les groupes écologistes n’ont pas traîné à attaquer le point de vue de Rasmussen, en disant qu’ils n’étaient pas impliqués dans quelque tentative que ce soit de la part de la Russie de discréditer cette technologie, et qu’ils y étaient opposés sur la base de la viabilité environnementale.

« L’idée selon laquelle nous serions des marionnettes de Poutine est si grotesque qu’il faut se demander ce qu’ils fument au QG de l’Otan », a dit Greenpeace, dont l’antagonisme vis-à-vis du gouvernement russe n’est plus à démontrer. Ce dernier a d’ailleurs arrêté l’année dernière dans l’Arctique plusieurs de ses militants.

Andrew Pendleton, un militant des Amis de la Terre, a ajouté: « Peut-être que les Russes s’inquiètent de notre immense potentiel éolien et solaire et qu’ils ont infiltré le gouvernement britannique ».

Fiona Harvey 

Note :

Pour les lecteurs profanes, Chatham House, autre nom du Royal Institute of Foreign Affairs (RIIA), est une agence de l’élite mondiale, équivalente au CFR (le Council on Foreign Relations), son pendant américain. Elle est classée au deuxième rang mondial de l’influence politique, derrière la Brookings Institution.

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