Les Etats-Unis sont ankylosés par leur cirque électoral à plusieurs milliards de dollars. De son côté, l'Union européenne est paralysée par l'austérité, la peur des réfugiés et, à présent, par le djihad tous azimuts dans les rues de Paris. On peut donc excuser l'Occident d'avoir à peine capté les échos d'une version chinoise de la fameuse chanson de Roy Orbison All I Have To Do Is Dream ». Et qui plus est, ce nouveau rêve est même assorti d'une feuille de route.
Le crooner est le Président Xi Jinping, et cette feuille de route est l'ambitieux 13ème plan quinquennal récemment dévoilé ou, dans sa version vidéo pop, le Shisanwu. Après des années d'expansion économique explosive, il sanctifie le produit intérieur brut du pays, dont la « nouvelle norme » de croissance est fixée à 6,5%, au moins jusqu'en 2020.
Il sanctifie également une formule économique actualisée pour le pays : abandon du modèle basé sur la fabrication à bas salaires de biens d'exportation et bienvenue au choc du nouveau, c'est-à-dire à une version chinoise de la troisième révolution industrielle. Et tandis que les dirigeants chinois sont focalisés sur la création d'un futur centré sur la classe-moyenne et propulsé par une économie de consommation, son président répète à qui veut l'entendre que, malgré les craintes de l'administration Obama et de quelques voisins de son pays, il n'y a absolument aucune raison qu'une guerre soit au programme entre les États-Unis et la Chine. Vu l'inquiétude qui règne à Washington sur ce qui est décrié comme la discrète poursuite par Pékin de son expansionnisme en mer de Chine méridionale, Xi Jinping a été remarquablement franc ces derniers temps sur le sujet. Ni Pékin ni Washington, insiste-t-il, ne devraient se faire prendre au piège de Thucydide[1], cette croyance selon laquelle une puissance montante et la puissance impériale aux commandes de la planète sont condamnées, tôt ou tard, à se faire la guerre.
Il y a seulement deux mois de cela, à Seattle, le Président chinois disait ceci à un groupe de poids-lourds de l'économie numérique : « Il n'y a pas de chose telle que ce qu'on appelle le piège de Thucydide dans le monde. Mais si les pays d'importance font de manière répétée des erreurs d'appréciation stratégiques, ils peuvent créer de tels pièges qui se retournent contre eux-mêmes ». [2]
On peut présenter l'argument suivant (que Xi est prêt à défendre) selon lequel Washington, qui, de l'Afghanistan à l'Irak et de la Libye à la Syrie, s'est fait une certaine réputation pour ses « mauvais calculs stratégiques » au 21ème siècle, pourrait les répéter. Après tout, les documents étasuniens de stratégie militaire et les plus hauts responsables du Pentagone ont commencé, assez publiquement, à étiqueter la Chine (comme la Russie) de « menace » officielle.
Afin de saisir pourquoi Washington commence à penser de cette façon vis-à-vis de la Chine, il est nécessaire de détourner un instant son regard de la mer de Chine méridionale, cesser d'écouter Donald Trump, Ben Carson et le reste de la clique, et prendre en considération ce qui change vraiment tout, à savoir cette « menace » qui ébranle les nerfs de la classe politique à Washington lorsqu'elle s'intéresse au nouveau Grand Jeu en Eurasie.
Le livre de chevet de Xi Jinping
Les hordes de touristes chinois, iPhone en main et achetant tout ce qu'ils voient dans les principales capitales occidentales, préfigurent déjà un futur eurasiatique lié et ancré à une économie chinoise propulsée à grande vitesse vers cette troisième révolution industrielle. Si tout se passe selon le plan,
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