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Billet de blog 16 novembre 2010

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Bonjour et de bonne humeur!

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Ce matin je me suis réveillé de bonne humeur ! Pas de bonne heure, mais de bonne humeur ! Je suis descendu de ma chambre, en éteignant la lumière de celle de ma fille, pour prendre mon petit déjeuner et mes médicaments. J'ai fait il-y-a longtemps un Accident Vasculaire Cérébral dont une des complications est de faire des crises d'épilepsie. Vous ai-je dit que j'étais médecin ? Alors, en tant que médecin … … … voilà que je prends des médicaments. Et en tant que preneur de médicaments, à 100 % s'il vous plait, j'en prends des … … … bon marché bien sûr. Alors me revient, comme ça, une lubie de mon époque de médecin généraliste. À l'époque (c'était avant mon AVC) je recevais la visite d'hommes ou de femmes variés, et qui portaient le doux nom de « visiteur » si c'était un homme, ou « visiteuse », si c'était une femme, pardon, j'aurais dû dire « Le Beau Sexe » en m'adressant à la partie féminine de la profession. J'avais, comment dire, méchamment tiqué sur la succession des publicités issues d'une gamme de produits en vogue à l'époque.

J'avais donc écrit un mot sur le sujet, mot que je destinais aux « Chiennes de garde », à défaut d'autre chose. Et puis les choses ont traîné, les jours, puis les semaines puis les mois ont passé et ça fait que le texte n'est pas sorti de mon disque dur. Dommage.

Pas si dommage que ça, en fait.

Alors voici ce texte que les « Chiennes de garde » n'ont pas reçu:

À première vue, voici une publicité (on dit un visuel, je crois) de bon aloi. Un homme d’un âge mûr et moderne, dans une ambiance décontractée nous fait un sourire sympathique. Il regarde le spectateur avec une expression de complicité simple et détendue. Nul besoin de connaître l’origine du laboratoire, le message est clair, l’homme est italien, ça tombe plutôt bien le laboratoire aussi. Il a une grosse quarantaine plutôt qu’une petite cinquantaine, il est drôle mais discret. On voit tout de suite qu’il sait dire le mot qui touche, mettre le doigt sur le sujet qui fait rire, au besoin il sait faire rire de lui. Et faire rire de lui doit lui arriver souvent, ses cheveux grisonnants attestent que sa vie n’a pas toujours été simple. Le médecin auquel s’adresse cette publicité a immédiatement fait le lien entre l’Hypertension artérielle (HTA) traitée par le produit et les facteurs inhérents au mode de vie de cet homme. C’est un citadin, cadre dans le tertiaire, peut être dans la Com. Le pull-over trahit le créatif, le garçon bien partout. C’est un pull qui va avec tout, puisque toutes les couleurs y sont, celui qui le porte a la décontraction de ceux qui peuvent se permettre l’excentricité sans choquer. Pour résumer, il s’agit d’un type intéressant que les hommes voudraient avoir pour camarade de jeu et les femmes comme amant, un mec qui malheureusement passe son temps à bosser pour payer ses pensions alimentaires. Ce qui peut expliquer son hypertension….

Nous allons comparer avec une deuxième publicité. Je me sens d’autant plus à l’aise à faire la comparaison que le laboratoire concerné est le même, et que la pathologie traitée reste dans le même registre. Il s’agit dans les deux cas de maladies cardio-vasculaires, l’Hypertension précédemment, la maladie coronarienne maintenant (l’angine de poitrine ou angor), qui par ailleurs peut être une complication chez les patients hypertendus. Il y a donc une certaine cohérence à comparer ces deux sujets. De plus, un bref coup d’œil sur les deux « visuels » nous indique que si l’agence de publicité est différente (Saatchi et Saatchi Healthcare pour la première, Vivactis Conseil pour la seconde) le responsable de la communication du laboratoire doit être le même. À défaut d’unité de temps ou d’unité de lieu, il y a unité d’action. Même jeu sur les couleurs, même recherche d’impact grâce à un clin d’œil humoristique… Sauf qu’ici le propos dérape.

(Avant de mettre mes réflexions par écrit je me suis permis de les tester oralement. Ce n’est pas moi qui ai les idées mal placées, la plupart des personnes, y compris la visiteuse médicale du labo, auxquelles je me suis adressé, m’ont donné raison.)

La fille a un décolleté calculé, et surtout très déboutonné, on a ici le type même de la blouse de l’infirmière qui tient à tout prix à pérenniser un cliché usé. Les jambes sont couvertes et on peut se demander s’il s’agit d’un collant ou de bas. Et si bas il y a, la culotte est elle présente? Le regard de la femme est plein de promesses d’attentions diverses, le chien qui cache sa queue n’a même pas besoin de la remuer. Cette fois ci le message est évident, la femme est belle, et cette belle femme est expérimentée, son sourire professionnel et ses mains habiles. Par contre le traitement que l’on imagine prodigué par la dame n’est pas forcément sans danger pour les cardiaques, on peut donc croire que le médicament présenté peut aussi aider à se livrer à des ébats de toute sorte. Il y a clin d’œil, mais clin d’œil grivois. Heureusement le message s’adresse à des gens intelligents, pensez donc, des médecins! Je me demande le type de message qu’on adresse à des imbéciles. Ce n’est pas la femme qui est belle et idiote, c’est la publicité qui est idiote.

Cette publicité ne se contente pas d’être idiote, elle est méprisante.

Elle est méprisable.

... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... Et ben les temps changent ... ... ... pas tant que ça.

Au revoir.

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.