« Le monde comme il va »
Petites chroniques
de Jean-François Pratt
Attention, vous êtes sous surveillance !
La généralisation de la vidéosurveillance, la multiplication des vigiles, des policiers et autres « gardiens de la paix » démontrent à quel point nous vivons dans des sociétés sécuritaires. Et ce ne sont pas les récents événements meurtriers qui vont inverser la tendance. Que ne ferait-on pas pour assurer la sécurité de nos concitoyens tout en assurant que les libertés individuelles doivent être préservées. Mais est-ce si sûr ? Qu'en est-il de cette fameuse « liberté » dans le cas que je relaterai dans cette petite chronique ?
Un supermarché de taille moyenne dans le sud du Poitou. J'attends mon tour à la caisse pour régler mes achats du jour en me protégeant du mieux possible de la musique « mécanique » déversée par les hauts-parleur du magasin, aussi invisibles que les caméras installées dans le lieu. Invisible en effet la caméra qui m'a repéré alors que, par mégarde, j'avais l'instant d'avant laissé un produit frais sur un étal de produits ordinaires. Qu'elle ne fut pas ma surprise de me faire aborder par un personnage, descendant probablement des bureaux situés en aplomb du magasin, lequel me fait remarquer, sans agressivité il est vrai, qu'il est mal venu de déposer un produit frais dans un endroit où il n'y a pas de réfrigération, lequel produit serait alors invendable. Confus je ne pus qu'acquiescer et lui adresser mes excuses. Mais vous conviendrez que cette méprise de ma part en dit long sur les moyens déployés par ces entreprises pour surveiller le client. Mais ce n'est pas fini.
Arrivé à hauteur de l'hôtesse de caisse (nouvelle appellation, plus noble pense t-on, des caissières), celle-ci me demande d'ouvrir mon sac à dos que je transporte toujours avec moi pour mes affaires personnelles! Je ne pus m'empêcher de faire le lien entre cette demande et mon interpellation de tout à l'heure : en faisant cette petite erreur, je devenais un suspect. Je lui fait remarquer que je n'apprécie guère ce genre d'injonction et que la dame qui est passée juste avant moi n'a pas été fouillée, alors que son sac à main était plus grand que le mien. J'ajoute à son adresse que l'on peut se demander à quoi servent les « bipeurs » et autres engins de détection situés à la sortie, si l'on doit, en plus, humilier le client devant tout le monde. Mais rien n'y fit et me voilà ouvrant le sac comme un voleur de grand chemin pris sur le fait. Comme il n'y avait rien dans le sac qui put me conduire à l'interpellation « manu militari », j'en fus quitte pour une petite colère que je m'efforçai de maîtriser.
Je sais bien que, malgré tout ce dispositif de surveillance, de nombreux petits larcins sont commis chaque jour. Mais à qui la faute ? Sûrement pas aux seuls chapardeurs. Comment espérer que des nécessiteux ou des gens (jeunes ou chômeurs) sans revenu régulier puissent résister à la tentation devant un tel amoncellement de « richesses ». Ces illusoires « cornes d'abondance » que sont les grandes surfaces ne peuvent qu'attiser l'envie et la convoitise, ce qui n'empêche pas les promoteurs de ce genre d'entreprise de voir toujours plus grand, plus tentant, plus séduisant. Je ne suis pas en train d'excuser les voleurs mais reconnaissons que tout est fait pour leur donner des raisons d'agir ainsi. Je ne m'étendrai pas sur la « discrimination » dont je fus l'objet ce jour-là. Il est bien connu que la kleptomanie est autant sinon plus répandue chez les femmes que chez les hommes !
Je n'allais déjà plus beaucoup au supermarché. Depuis ce jour j'y vais encore moins, pour ne pas dire plus du tout !