Deux ou trois affaires maculent l’actualité du moment et rappellent à quel point « le changement c’est maintenant » est, dans les faits, moins visibles par endroits que par d’autres. Ainsi, les « clauses de non concurrence » que s’octroient certains grands capitaines d’industrie, fleurons du CAC 40, comme l’utilisation de son Indemnité représentative de frais de mandat (IRFM), par un député de la majorité, ou l’indemnité de conseiller municipal délégué que vient de se voter un nouveau ministre qui se veut « exemplaire », montrent que l’instant « maintenant », en termes de « changement » est encore futur. Les uns comme les autres, prouvent à quel point, dans le privé comme dans le public, l’appât du gain peut prendre le pas sur le reste et contredire les intentions les plus nobles.
En effet, les premiers continuent à s’octroyer des primes dont les montants dépassent « le raisonnable » et, quoi qu’on en dise, ne rémunèrent pas toujours le « talent » que ces grands capitaines d’industrie se targuent d’avoir, à l’instar de nos vedettes du showbiz ou du sport. Tout d’abord et comme ont su le rappeler les « Bleus », lors du dernier Mondial, le fric ne prouve pas le « talent ». Ensuite, couler sa boite, tant du point de vue de sa cotation en bourse, que du point de vue de ses emplois, n’est certainement pas le meilleur gage de talent.
De ce point de vue, quel que soit leur nom, « parachutes dorés » ou « clauses de confidentialité », l’attribution de telles primes laisse rêveur au regard de certaines gestions calamiteuses. Dans ce sens, il est permis de supposer que le « talent » d’un patron qui vient de déposer son bilan ne soit pas trop disputé chez ses potentiels concurrents. Le caractère systématique de la « clause de confidentialité » apparaît alors sous un jour radicalement différent. L’objectif serait donc, en réalité, d’instaurer un acquis, dont la diminution, représenterait un sacrifice et non d’empêcher un improbable transfuge de dévoiler les secrets accumulés au cours de son expérience.
Les seconds, quant à eux, profitent de possibilités que leur offrent des lois qu’ils ont eux-mêmes votées. Du coup, il nous faut bien admettre qu’utiliser ainsi l’argent du contribuable n’a rien d’illégal. Fermez le ban ? Circulez ? Non ! Légal ne signifie pas moral, encore moins « normal ». Il est permis de se soupçonner que le paiement des vacances en famille d’un député ne corresponde pas rigoureusement à la qualification de « représentative de frais de mandat ».
Dans le cas contraire, accepter de telles pratiques risque d’ouvrir de nombreuses voies inexplorées quant à la définition de ce qui s’appelle congés payés dans le reste du monde professionnel. Sans parler de l’impact sur les droits des salariés et les finances des entreprises qui pourraient, dans la même logique, être amenées à financer les congés, déplacements compris, de leurs employés.
L’indemnité de conseiller municipal du troisième[i] révèle sans aucun doute l’écart qui subsiste entre théorie et pratique, entre intention et action, entre discours et acte, entre faites ce que je dis... et pas ce que je fais. Cette indemnité interroge d’autant que le nouveau ministre de l’Intérieur risque, en tant qu’ancien maire, devenu simple conseiller municipal délégué, de moins siéger aux conseils municipaux de sa commune que nombre de ses pairs.
En outre, si l’on se fie aux chiffres publiés par le Canard Enchaîné, une telle augmentation en dépasse une autre, qui, en d’autres temps, avait fait, chacun s’en souvient bien, grand tapage. Si, en chiffres, c’est-à-dire en euros, la dite-augmentation n’atteint pas, loin de là, celle, fameuse et décriée, de l’ancien président, en pourcentage, elle la dépasse tranquillement. Il est à craindre que notre nouveau ministre n’est réussi à transformer de l’or, pour lui, en plomb, pour son camp.
Les évidentes contradictions que montrent ces trois affaires laissent penser que le mandat du Président de la République nouvellement élu s’annonce extrêmement difficile. La route vers « une République irréprochable » ou « exemplaire », contrairement à d’autres, n’est, à ce jour, ni de droite, ni de gauche. En revanche, sa pente est, comme aurait pu le dire un ancien Premier ministre, extrêmement « forte ».
[i] Le Nouvel Observateur : http://tempsreel.nouvelobs.com/politique/20120606.OBS7848/manuel-valls-un-conseiller-municipal-tres-bien-paye.html, consulté le 6 juin 2012