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Billet de blog 27 mars 2011

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Gaullisme et racisme sont dans un bateau

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Les élections cantonales, sur fond d’élection présidentielle, ont vu, comme cela a déjà été dénoncé, le discours politique déraper outrageusement. Certains propos ont parasité un débat qui n’en avait nul besoin. Nicolas Sarkozy, relayé par plusieurs de ses proches, a, une fois de plus, perturbé une campagne qui, pourtant, ne s’annonçait déjà pas simple. L’UMP et ses candidats semblent aujourd’hui ne plus savoir sur quel pied danser. La stratégie présidentielle peut-elle payer ? La question suppose deux préalables qui, à ce jour, ne sont pas établis. Tout d’abord, rien ne permet d’affirmer qu’il s’agisse effectivement d’une « stratégie », sans, cependant, sous-estimer un personnage politique qui a su atteindre son « Graal ». Ensuite, parler de « stratégie payante » devrait conduire à s’interroger sur pour qui, ou plus exactement, par qui ladite stratégie sera-t-elle payée ?Le constat, au lendemain du premier tour des cantonales, est que la « stratégie présidentielle » s’avère payante surtout pour le Front national. De minorité pour laquelle l’adhésion était cachée, le FN, arrivé en troisième position à moins de 2 % derrière l’UMP, s’invite, selon certains sondages, au second tour de la prochaine élection présidentielle. Retournons-nous vers un « 21 avril 2002 » ? Non, nous allons bien vers un « joli mois de mai… 2012 ».En premier lieu, l’arrivée du candidat du FN d’alors, Jean-Marie Le Pen, au second tour, « le 21 avril 2002 », devant le candidat socialiste du moment, Lionel Jospin, avait, au-delà de la surprise, déclenché l’effarement d’une majorité de personnes, spécialistes, électeurs ou ni l’un ni l’autre. Au-delà de consternante, cette élection avait été reçue comme un coup de semonce contre la République. Pourtant, rien, hormis son arrivée au second tour, ne permettait de craindre une progression de ce parti ou de ces idéaux. Les résultats le montrent : 16.86 % pour le président du FN, face à un Jacques Chirac haut de 19.88 % et devant un Lionel Jospin qui s’est effondré à 16.18 %. Ce classement découle donc d’avantage d’un effondrement du PS, lors de cette élection que d’une augmentation remarquable du score du FN et de la diffusion de ses idéaux.En deuxième lieu, à l’époque, le FN était identifié comme « la bête immonde ». La « droite républicaine », avait tracé une frontière nette qui la séparait de certaines visées, notamment racistes ou xénophobes du FN. Seules quelques « brebis galeuses » s’étaient autorisées à franchir cette ligne de démarcation. Quelques personnes dont l’engagement mouvant, voire opportuniste, à force de discours ambigus avaient pu abuser l’électeur. C’est ce qui avait permis à Jacques Chirac, fondateur de l’UMP, de s’ériger en « rempart de la République » et de l’emporter lors d’un second tour sans suspense.Aujourd’hui, le FN progresse. D’autant que d’autres partis s’effondrent, voire disparaissent du paysage politique français. Ainsi, maintenant, les milieux défavorisés, déçus et abandonnés par la Gauche, votent plus volontiers pour le FN que pour le PC, voire pour le PS. En outre, les divisions internes du PS, les contradictions exacerbées, la personnification des débats, et, surtout, la « boboïsation » de ce parti, marquée par la disparition des termes « ouvriers » et « travailleurs » dans les discours empêchent les milieux prolétaires de s’y identifier. Manuel Valls, candidat déclaré à la « primaire » du PS et maire d’Évry ne s’est certainement pas posé en « rassembleur » de la gauche lorsqu’il a demandé que l’on rajoute « quelques blancs, quelques whites, quelques blancos », aux participants à une brocante qu’il visitait dans sa ville. Ne pas savoir que la séquence était enregistrée n’excuse pas l’outrance de tels propos.De plus en plus, les idées racistes et xénophobes s’affichent, se diffusent, s’étalent... Hier, label du Front National, de tels propos s’étendent maintenant à d’autres. À l’UMP, après le débat sur « l’ouverture » des débuts du quinquennat, le désaccord semble bien porter sur un tout autre positionnement. D’un côté, les tenants d’un « front républicain », les « gaullistes » traditionnels, de l’autre, les tenants d’une « droite décomplexée » s’affrontent sur la meilleure stratégie pour l’emporter en 2012. Les premiers, plutôt proches de Jacques Chirac, disent vouloir contrer un Front National montant. Les seconds, tenants d’un sarkozysme bon teint, renvoient dos à dos le FN et le PS.Le maintien au pouvoir de l’UMP peut-il justifier tout et n’importe quoi ? S’agit-il de « dérapage verbal », de « stratégie payante » ou de réelles convictions idéologiques ? De trop nombreuses « petites phrases » incitent à se poser la question. Depuis la campagne présidentielle de 2007, les ténors de l’UMP multiplient les propos pour le moins ambigus. Simples dérapages salués comme ils le méritent ou révélation d’une véritable pensée politique ? Tout récemment et à propos de la Lybie, la « croisade » applaudie par Claude Guéant, ex-conseiller élyséen devenu ministre de l’Intérieur et des Cultes, ou son inquiétude quant aux Français qui « ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux » questionnent. Encore, l’assimilation de « la prière dans la rue » pratiquée par des musulmans, à une menace pour l’ordre public renforce le doute. D’ailleurs, pour Frédéric Lefebvre, « la question des étrangers c’est un problème majeur dans notre pays ». Pour ce proche de Nicolas Sarkozy, comme « chacun le sait, il y a des liens entre immigration et délinquance ». De droite et centre-droit, l’UMP élargirait-elle son champ d’interventions à l’extrême-droite ?De ce point de vue, le choix du candidat prendra, à l’UMP, une importance capitale qu’aucune guerre intestine au PS ou ailleurs ne pourra égaler. Pour être large, voire excessivement contradictoire au sein du PS, le débat n’en reste pas moins républicain. À l’UMP, les limites du débat dépassent celles de l’acceptable dans une république. Ainsi, si Jean-François Copé refuse toute alliance avec le FN, il n’est quand même « pas question pour [lui] de préconiser de manière générale un front républicain avec l’opposition de gauche ». Xavier Bertrand, quant à lui, dit ne pas avoir peur de prononcer le nom du « front républicain » mais appelle à « voter blanc » lors du second tour des élections cantonales. Il est à craindre, sinon, qu’en fonction du candidat retenu et soutenu, voter UMP ou FN, lors de la prochaine élection présidentielle, revienne exactement au même.

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