SOURIRE
C’est une pauv’ âme presque nue
dans l’quartier du coin d’la rue
au regard près d’ l’ hébétude
affaissée sur sa solitude.
Tout près d’elle une bouteille
dernier compagnon d’chaleur
qu’elle serre jalouse contre son cœur
à l’abri des passants sans oreilles
Et sans plus d’yeux d’ailleurs
pour conjurer l’malheur
de cette exclue d’la première heure
Elle a quasi plus faim
cette pauvresse
qu’aucune parole ne berce
Elle a quasi plus d’dents
dont elle puisse mordre
le monde qui passe indifférent
Elle a quasi plus d’seins
plus d’rêves de mère…
donner son lait quand on a rien ?
Elle n’a plus d’gants
ni plus d’chaussures
et plus d’ses doigts que des eng’lures
Enfin pus rien qui soit du jour ;
elle ne vit plus que dans l’espoir
d’un passant qui daigne la voir
avec aux lèvres un mot d’amour
avec au cœur du réconfort
qui l’aide à s’batt’ contre la mort
Sans doute alors qu’ du chaud l’envahirait
et qu’ l’appétit lui r’viendrait…
que sur sa bouche édentée
ses lèvres s’entr’ouvriraient
pour nous faire voir qu’il y a bien pire
que d’avoir enfin envie d’sourire
Jean GELBSEIDEN