JEAN GELBSEIDEN

POÈTE, président de l'association Mots Passants, et animateur en son sein d'ateliers d'écriture narrative et poétique, ainsi que d'ateliers de lecture destinés à la production de lectures publiques

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Billet de blog 11 juin 2018

JEAN GELBSEIDEN

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IMPRESSIONS DE PROMENADE

En face de Versailles, ou de l'Élysée… Jehan Rictus n'a pas fini sa balade*…

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Quand j’pass’ triste et noir, gn’a d’quoi rire.

Faut voir rentrer les boutiquiers

Les yeux durs, la gueule en tir’lire,

Dans leurs comptoirs comm’ des banquiers.

J’les r’luque : et c’est irrésisitible,

Y s’caval’nt, y z’ont peur de moi,

Peur que j’leur chopp’ leurs comestibles.

Peur pour leurs femm’s, pour je n’sais quoi.

Leur conscienc’ dit :  « Tu t’soign’s les tripes,

« Tu t’les bourr’s à t’en étouffer,

Ben, n’en v’là un qu’a pas bouffé ! »

Alors dame ! euss y m’ prenn’nt en grippe !

Gn’a pas ! mon spectr’ les embarasse,

Ça leur z’y donn’ comm’ des remords :

Des fois, j’plaque ma fiole à leurs glaces,

Et y d’viennent livid’s comm’ des morts !

Du coup, malgré leur chair de poule,

Y s’jett’nt su’la porte en hurlant :

Faut voir comme y z’ameut’nt la foule

Pendant qu’Bibi y fout son camp !

-« Avez-vous vu ce misérable,

Cet individu équivoque ?

Ce pouilleux, ce voleur en loques

Qui nous r’gardait manger à table ?

Ma parole ! on n’est pus chez soi,

On n’peut pus digérer tranquilles…

Nous payons l’impôt, gn’a des lois !

Qu’est-ce qu’y font donc, les sergents d’ville ?

J’suis loin, que j’les entends encor :

L’vent d’hiver m’apport’ leurs cris aigres.

Y piaill’nt, comme à Noël des porcs,

Comme des chiens gras su’ un chien maigre !

Pendant c’temps, moi, j’file en silence,

Car j’aim’ pas la publicité ;

Oh ! j’connais leur état d’ santé,

Y m’fraient foutre au clou… par prudence !

Comm’ ça au moins j’ai l’bénéfice

De m’répéter en liberté

Deux mots lus su’ les édifices :

« Egalité !  Fraternité !

Souvent, j’ai pas d’aut’ nourriture :

( C’est l’pain d’l’esprit, dis’nt les gourmets.)

Bah ! l’homme est muff’ par nature,

Et la nature chang’ra jamais.

Car gn’a des prophèt’s, des penseurs

Qui z’ont cherché à changer l’Homme.

Ben quoi donc qu’y z’ont fait, en somme,

De c’kilog d’fer qu’y nomm’nt son Cœur ?

Rien de rien…même en tapant d’ssus

Ou en l’prenant par la tendresse

Comme l’a fait Not’ Seigneur Jésus,

Qui s’a vraiment trompé d’adresse :

Aussi quand on a lu l’histoire

D’ceuss qu’a voulu améliorer

L’genre humain…, on les trait’ de poires ;

On vourait ben les exécrer ;

On refléchit, on a envie

D’beugler tout seul « Miserere »,

Pis on s’dit : Ben quoi, c’est la Vie !

Gn’a rien à fair’ gn’a qu’à pleurer.

* Jehan Rictus "Les soliloques du pauvre"

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