Voyez comment la théorie causale de l'action intentionnelle voudrait sidérer un terroriste prêt à mourir. Pour le causaliste, un terroriste peut dire son intention présente (exterminer des jeunes of Paris) sans se prononcer pour autant sur ce qu'il fera demain... Ce divorce entre l'intention et l'action terroriste est si bien intériorisé que vous auriez peine à imaginer la sophistique qui l'accompagne. Il faudra pourtant la déconstruire.
"J'ai annoncé à mes amis daechiens, dirait le terroriste en cause, mon intention d'exterminer des jeunes of Paris en faisant exploser ma charge. Mais le moment venu, je ne fais pas le carnage annoncé. Mes amis me demandent aussitôt pourquoi: un obstacle saugrenu t'aurait empêché d'exterminer des jeunes of Paris? as-tu, pour une raison morale inconnue, changé d'intention?"... Notez bien ce que répondrait le terroriste piqué de causalisme: "Lorsque je disais que j'avais l'intention d'exterminer des jeunes of Paris, je n'étais pas en train de parler du futur, contrairement aux apparences linguistiques, je parlais seulement du présent, de mon état à cet instant où je parlais. Car si je n'avais pas eu d'intention exprimée au moment où je me suis exprimé, je vous aurais fait une fausse déclaration. Ainsi, la vérité de mon énoncé d'intention (exterminer) ne dépend que de la présence en moi de l'intention au moment où la déclaration est faite - elle ne dépend en rien de l'extermination annoncée."
Grâce à la théorie causale de l'action intentionnelle, le terroriste peut (se) dire sans contradiction aucune: "J'ai l'intention d'exterminer des jeunes of Paris en faisant exploser ma charge, mais quant à savoir si oui ou non j'exterminerai..., je n'en ai pas la moindre idée." Et voilà comment un terroriste prêt à mourir peut, en toute intelligence causale, se sidérer. Comprenez bien que cela est concevable parce qu'il y va d'un souhait seulement, et non d'une intention terroriste. Autant dire qu'un terroriste qui souhaite faire mourir en mourant ne vaut pas une heure de peine - le contre-terrorisme économisant ainsi sousveillance et surveillance. Dès lors, l'intention "pure" (pure de toute exécution présente) ne devrait plus être un objectif du contre-terrorisme ou un objet de votre discours public. Vous devriez la laisser aux causalistes qui s'en régalent, et vous pencher sérieusement sur l'intention "sale", celle qui a un lien interne avec l'action terroriste. Car le sérieux consiste à voir la souplesse de ce lien (qui peut rompre dans certains cas), et non croire ce lien solide en tous cas.
Partez de ce que fait un terroriste et cherchez en quoi ce qu'il fait est vraiment intentionnel. Mais ne vous demandez plus quel modèle d'analyse j'aurais l'intention de vous proposer - il existe déjà: c'est le vôtre! C'est ainsi que nous instruisons une enquête historique ou biographique pour comprendre en quoi une action terroriste est validée par intention. Mais pour décrire la conduite d'un terroriste dans le contexte de ses activités passées ou par l'historique de son milieu de vie, il faut une certaine efficacité dans le détail descriptif, qu'il soit de nature algorithmique ou proprement humain. Dire ce que fait tel terroriste et dire pourquoi il le fait sont bien deux façons de décrire la même chose qui arrive (l'extermination de jeunes of Paris), mais il manque souvent le détail qui tue, si j'ose dire.
Prenons la déclaration "exterminer des jeunes of Paris" pour un futur d'intention, donc une action. Nous devons alors distinguer au mieux l'action terroriste telle que ce terroriste la connaît et cette même action faite effectivement mais décrite sous un aspect dont il n'a pas connaissance. Là, quand il fait exploser sa charge, il sait pourquoi il le fait ( exterminer des jeunes of Paris), mais il ne sait sûrement pas qu'il fait exploser un bâtiment chargé d'histoire héroïque ou d'histoires humaines... Nous dirons donc que c'est seulement sous la description "exterminer des jeunes of Paris" que l'action du terroriste daechien est qualifiée d'intentionnelle. D'où cette enquête méthodique:
1. déterminer les raisons d'agir du terroriste - elles doivent répondre à la question Pourquoi dans un sens strictement téléologique.
2. bien voir l'ordre intentionnel formé par les descriptions connues du terroriste: a) débouler chargé d'explosif b) afin de se positionner au milieu du bar c) afin de faire exploser la charge d) afin d'exterminer des jeunes of Paris. - et affiner cet ordre au mieux.
3. redécrire l'intention terroriste de manière élargie. Soit une description au présent la plus large possible, mais à condition de toujours s'en tenir à l'indication du résultat visé (exterminer).
Stricto sensu, une action terroriste est manifestement intentionnelle. Or, toute action est intentionnelle puisqu'il y a au moins une description qui révèle une caractéristique de l'action qui a incité l'agent à l'accomplir. Toutefois, même une action terroriste a des caractéristiques inintentionnelles, ne serait-ce qu'une conséquence non désirée. Aussi, pour ne pas perdre en pertinence, nous devons admettre que le concept d'intention ne peut pas modifier directement l'action mais seulement sa proposition dernière (exterminer des jeunes of Paris). Et c'est là, sur une proposition élargie, que portera la sidération - telos de mon prochain et dernier mémoire.