Si la sideratio astrale ne paraît d'aucun secours - je veux dire: pour espérer une sidération médicale du terroriste daechien -, il nous reste encore le loisir de filer sa métaphore... potagère! Cultivez la sidération, Monsieur le Premier ministre, comme une "fumure par enfouissement de plantes sidérales", puisqu'il vous faut décrire en profondeur le comportement du terroriste (mal)intentionné, et non le surdécrire.
C'est un effort magistral qui vous est demandé, car en soutenant que l'intention terroriste, c'est l'action en tous cas, vous dérogez au principe d'exception qui commandait ma thèse (action = intention, en régime normal), et vous conduisez le contre-terrorisme à des démesures behavioristes: trop sousveillant, pas assez surveillant, etc. Il faut dire que votre conduite a aussi sa raison d'agir: vous décidez souverainement de l'état d'intention (un cadrage mobile des cibles terroristes) sans vous soucier vraiment du contexte d'intention, lequel requiert des descriptions élargies ou profondes, i.e. coûteuses en ressources humaines. Il est vrai que le contexte d'intention cèle un paradoxe redoutable, pointé il y a longtemps déjà par mon Intention : le terroriste peut faire ce qu'il n'a pas l'intention de faire (ne pas exterminer des jeunes of Paris) et le faire intentionnellement sans changer d'avis! Tout ça pour vous montrer que seule une sidération contextuelle du terroriste serait efficace et durable.
Aussi, je vous propose de cultiver, selon un protocole descriptif moniste, mes quatre "plantes sidérales":
1. Pour la transformation d'une intention terroriste en simple souhait, ne séparez plus la conscience que le terroriste a de sa propre intention et la connaissance qu'il a de l'extermination que constitue l'exécution de cette intention. Par son savoir pratique, notre daechien sait directement ce qui se passe "dans le bar" quand il exécute son intention: il n'a pas besoin de passer par une observation extérieure. Figurez-vous ce terroriste comme un homme de l'art exerçant sa technique: il connait ses propres opérations (débouler dans le bar/exterminer) sans avoir à les observer. Normalement, il fait ce qu'il a l'intention de faire, et c'est seulement si une sidération contextuelle est pratiquée que son intention et la réalisation divergent. C'est pourquoi une bonne "politique de sidération" ferait de cette divergence le cas normal - tellement normal que le terroriste réussissant son sale coup serait tout surpris (s'il survit). Maintenant, imaginez un peu le terroriste qui verrait son intention transformée en souhait: il serait heureux...
2. Pour une proposition de procrastination, vous imaginerez que le terroriste daechien a une idée banale du futur: "J'ai une intention présente (exterminer des jeunes of Paris), mais je commencerai l'ordre intentionnel (débouler/exterminer) demain". Il peut ainsi ménager son intention, la conserver jusqu'à demain, pour se découvrir le lendemain une petite faiblesse de la volonté, une acrasie qui le fera agir volontairement à l'encontre de ce qu'il considère lui-même être "bon" (l'extermination de jeunes of Paris). Ce lendemain, il se dit: "Je vais exterminer, sauf si volontairement je ne le fais pas." Comment suivrez-vous ça?... Il y a longtemps déjà, j'ai répondu à la question: comment un terroriste sait où seront ses bras et ses jambes de tueur? Ne pensez pas qu'il s'agit là d'un problème de proprioception ou de perception: le terroriste sait où se trouveront ses membres parce qu'il les aura mis là (volontairement). C'est donc par une connaissance empirique qui ne s'appuie pas sur des évidences empiriques que le terroriste peut être là et sidéré.
3. Pour une bonne pratique de la relation intentionnelle, vous ne réduirez pas l'intention terroriste aux ressources d'une science algorithmique. Quand le contre-terrorisme prétend incorporer l'intention terroriste "dans" des algorithmes normatifs, il oublie volontiers que l'intention explicitée n'est qu'un concept psychologique qui traite (sans aucun dualisme) d'un état d'esprit à contenu propositionnel. Même le terroriste en question est un sujet dont l'intention n'a de relation qu'avec les autres concepts de "l'esprit" (croyance, désir, etc.). Certes, vous pouvez faire construire des modèles numériques de force de croyance sur la base de préférences exprimées en faveur d'une action terroriste, mais vous devrez veiller à ne pas laisser réduire l'intention à des concepts physiques. Car sans cette inter-relation "psychologique", le contre-terrorisme n'aurait pas de modèles bien compris et "économiques", à même de passer d'une distinction simple à complexe pour sidérer un terroriste.
4. Pour une compréhension de la compréhension terroriste, vous devrez aussi être "humain". Comprendre un terroriste prêt à mourir - seul un autre humain (et non un humain autre) peut le comprendre de manière empirique. Car notre compréhension du terrorisme (ses esprits faibles comme ses esprits forts) et notre propre compréhension sont mutuellement dépendantes. Apprendre à savoir ce que les terroristes pensent, croient, etc. n'est pas seulement une addition complexe à notre connaissance du monde, mais c'est au contraire une part essentielle de ce monde. Comprendre, c'est donc sidérer au mieux.
Monsieur le Premier ministre, ce fumier de plantes sidérales ne demandera jamais qu'un bon coup de pioche.