Voici un homo strategicus qui se méfie de la Théorie des jeux: Mélenchon dans sa Note de blog du 3 octobre. À juste titre, dirait-on, puisque la théorie chère aux épigones de von Neumann & Morgenstern a construit une fiction: le stratège purement amoral... Moral à n'en pas douter, le stratège Mélenchon ne pratiquerait alors ni l'ordonnancement de ses préférences politiques, ni la psychologisation de Montebourg, son premier adversaire? Videre videor...
Certes, si une théorie des jeux politiciens était entièrement connue, il n'y aurait rien à jouer: les Primaires et les Présidentielles ne passionneraient plus les bourgeois et les demi-bourgeois. À cette heure, ils ont pourtant la "certitude morale" du finale: Juppé élu pour avoir écarté Le Pen au second tour et éliminé "la gauche" au premier... Comme cette connaissance est un postulat auto-réalisateur, Mélenchon ne peut pas ne pas voir que ce sont ces anticipateurs-là qui feront l'élection. Et comment pourrait-il ne pas voir que le corps électoral 2017 est déjà établi... par l'exclusion des populaires? Il sait bien qu'il a perdu "la bataille estivale de l'inscription" et que la mobilisation des jeunes populaires aurait demandé une ligne franchement laclau-populiste... Vu la recomposition impossible du corps électoral, Mélenchon va devoir faire avec.
Si notre stratège a bien vu le "votutile" plomber légèrement ses prétentions en 2012, voit-il venir le spectre du Che plombant lourdement son ascension jlm.2017 ? Pourtant, rien ne servirait de déconstruire la théorie utilitariste des jeux pour oublier le votutile: il est comme le viatique des bourgeois et demi-bourgeois. Et ces pronostiqueurs auront d'entrée de jeu gagné (Juppé vs Le Pen), si Mélenchon ne voit pas qu'il devra se retirer au profit de Montebourg - un retrait au bon moment et qui ne serait pas une retraite honteuse.
Il me semble que Mélenchon voit tout ça... Or, il se voit aussi n'être pas vu! N'être pas vu?... Mais qui ne voit Mélenchon travailler à la perte de Montebourg et à la victoire de Valls? Décourager la gauche radicale de voter à la primaire BAP serait bien le minimum syndical pour faire moral, s'il n'y avait - videre videor - ce message subliminal à l'adresse des 140.000 clicœurs: voter "révolutionnaire" (comme disait le PC) pour faire gagner Valls! Amoral ou immoral notre stratège?... Ce sera sans moi, petit clicœur devant l'Écran.
Pour autant, Mélenchon a bien raison de vouloir faire monter sa côte sondagière avant... la victoire hivernale de Montebourg. Négocier son retrait sans une bonne retraite serait déroger au jeu.