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Billet de blog 13 novembre 2023

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Un "juif d'honneur" s'il vous plaît

Lecture faite de la tribune mondaine Taguieff & Szlamovicz, je me suis dit (même si on ne peut plus rien dire) qu'il existait au moins un "juif d'honneur" : P. A. Taguieff = PAT.

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Lecture faite de la tribune mondaine Taguieff & Szlamovicz (1), je me suis dit (même si on ne peut plus rien dire) qu'il existait au moins un "juif d'honneur" : P. A. Taguieff = PAT.

Depuis que l'État-nation du peuple juif a son « Führer » - non, pas le fameux Bibi, mais l'entité que Barnavi appelle « Hamas juif » -, on cherche en vain dans le langage courant l'expression "juif d'honneur". Or, je veux croire que ce qualificatif a une existence officielle, quoique occultée. Aucun certificat de judaïsme ou de judéité ne sera jamais délivré: le syntagme "juif d'honneur" n'a d'emploi que dans les milieux autorisés de l'Etat-nation du peuple juif pour désigner des non-juifs qui, en raison de leur position intellectuelle et de leur mérite particulier au sein du "monde gentil", sont considérés comme juifs. L'Ami gentil !

Passée son excellente analyse des Protocoles des Sages de Sion. Faux et usages d'un faux, t. I, Introduction à l'étude des « Protocoles » : un faux et ses usages dans le siècle ; (dir.) t. II Études et documents, PAT s'est mis sérieusement à délirer... dans le dé-lire. Bibliographie impressionnante de néo-réactionnaire mélioriste, jusqu'à... cette tribune mondaine qui fait exploser sa petite titulature: « historien des idées nazies ».

Là, sous nos yeux, nous avons en compressé tous les éléments de langage du "Hamas juif ". Soit une idéologie froide basée sur l'existence d'un conflit civilisationnel qui opposerait l'Occident déclinant et le monde islamique envahissant - pauvre Spengler qui ne méritait pas ça ! Tactiquement rangé dans le camp occidental, l'État-nation du peuple juif serait donc en première ligne pour "nous" défendre contre l'islamisme, justifiant ainsi le soutien inconditionnel des US et de l'UE à l'État dit juif. De tous ces EDL rebattus suinte une islamophobie pathétique qui n'a peur de rien !

PAT aurait sans doute pu finir sa vie intellectuelle de façon plus digne, sans appeler dans cette tribune à la haine contre les Palestiniens... qui n'existent plus, joignant sa voix de gentil négationniste à celles du "Hamas juif ". Rappelons avec Aristote ce qui distingue la haine du mépris : la première tue, la seconde blesse. (2). On constate que même "sacré" (77 ans), l'âge ne rend pas PAT imperméable à la démesure et ne met pas fin à ce mauvais goût d'être applaudi par les Sionistes furieux, fiers négationnistes du peuple palestinien.

Le fameux Indignez-vous! lui était tombé des mains. On a connu alors les outrances de PAT à l'endroit de Stéphane Hessel, engagé comme on sait en faveur des droits des Palestiniens. Petit florilège : la qualité d’ancien déporté de Stéphane Hessel serait une « imposture ». À Buchenwald, affirmait Taguieff, « sa connaissance de la langue allemande lui a rapidement permis d’obtenir un emploi dans la hiérarchie des gardes-chiourmes du camp » . (...) 130 000 juifs allemands, selon l’historien Raoul Hilberg, sont morts dans les camps, malgré leur connaissance de la langue allemande. (3) Même sur Facebook, PAT se sera lâché: « Quand un serpent venimeux est doté de bonne conscience, comme le nommé Hessel, il est compréhensible qu’on ait envie de lui écraser la tête. » (4) Qui hait bien ne méprise plus.

En France mondaine, pareil articulet de pure propagande ne semble pas déconsidérer PAT et son comparse, universitaires émérites ou pas. En Israël, une tribune qui ne pointerait pas « l'existence des Palestiniens » ne pourrait pas être publiée par un universitaire. Mais eux, les Considérables, semblent ne pas comprendre que si les massacres commis par le Hamas sont aussi injustifiables que ceux commis par "l'armée la plus morale du monde", ils n'en sont pas moins explicables. Seulement, le mode explicatif obligerait ces deux publicistes à adopter une vision politique du conflit israélo-palestinien - ce qui n'est clairement pas leur problème. Un tel niveau d’inepties et de mauvaise foi est ahurissant et reflète au niveau académique l’influence retorse du sionisme religieux, autiste et auto-empathique.

Comment trouver la paix quand on affirme que la solution à deux États est « déjà effective », quand la constitution qualifie Israël d’Etat juif aux termes de la réforme de 2018, quand on qualifie la Cisjordanie occupée de « Judée-Samarie » (employant ainsi les bons mots de l'extrémisme religieux), quand on nie la responsabilité dans ce conflit de la gouvernance politique qui active la colonisation? Affirmer un droit d'appropriation d'Israël sur la Jordanie et féliciter Bibi & Co. d'y renoncer, c'est un peu comme féliciter la Macronie de ne pas réclamer Barcelone, Amsterdam ou Rome qui étaient des marches en Napoléonie. Franchement, PAT & Co. cherchent la guerre sans fin.

D'autant, selon eux, qu'Israël n'est ni un état colonial ni une nation d'apartheid. PAT & Co. devraient alors se demander ce que l'État-nation du peuple juif attend pour accorder la citoyenneté israélienne pleine et entière ("juive" en un mot) à ceux que l'Etat ne doit plus nommer « Palestiniens »? A moins que PAT & Co. préconisent sans le dire une Nouvelle Nakba pour réaliser la Solution finale du problème "palestinien". Autre option pour ces négationnistes (comme l’a proposée un ministre ultranationaliste) : utiliser l’arme atomique contre Gaza et... trouver déjà à le justifier.

Mais tout se passe comme si PAT voulait nous faire croire que cette tribune avait été écrite par un Lorànt Deutsch antisémite ou islamo-gauchiste, perversement capable de discréditer l'État-nation du peuple juif. Le als ob comique du n'importe qui pas moi ! En fait, cette tribune est substituante et implique la tactique rédactionnelle de lemonde. Car plutôt que de faire monter du fonds universitaire des articles de fond pour nous faire oublier les SPo aroniens servis depuis 1973, lemonde laisse maintenant cette intelligentsia assommante se démonétiser et se ridiculiser. Est-ce que cette rhétorique SPo va vraiment finir par se dissoudre ? Parce que cette tribune aurait pu être écrite par n'importe quel Hamassien juif, je me suis dit qu’il serait intéressant de lire en regard une tribune signée par un universitaire de renom mais écrite par un responsable du Hamas. Chiche lemonde?

Au fond, cet article de foire se montre fièrement faussé par des équivalences à l'emporte-pièce et de mauvaise foi : entre juifs et Israéliens ou entre juifs et gouvernement israélien. En entretenant ces confusions, PAT & Co. ne peuvent que contribuer à importer le conflit israélo-palestinien. Et fi de la guerre mondaine Israël-Hamas! Mieux ou pire : on sait le mouvement « La paix maintenant » à la ramasse maintenant, et grâce à PAT & Co., on voit bien un mouvement s'établir : « Maintenant la paix ». Oui, « ils » ont déjà tout, ceux qu'on ne peut plus nommer Palestiniens.

Pour autant, le "juif d'honneur" PAT ne sera pas plus honoré par l'État-nation du peuple juif qui doit d'abord neutraliser le "juif de déshonneur" - un Norman Finkelstein par exemple. (5)

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(1) La tribune mondaine : https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/09/jean-szlamowicz-et-pierre-andre-taguieff-israel-est-une-nation-agressee-depuis-son-origine-par-des-pays-qui-veulent-sa-destruction-et-l-annihilation-de-la-souverainete-juive_6199213_3232.html

Jean Szlamowicz et Pierre-André Taguieff : « Israël est une nation agressée depuis son origine par des pays qui veulent sa destruction et l’annihilation de la souveraineté juive »

TRIBUNE 09.11.2023

Dans une tribune au « Monde », les deux universitaires s’indignent de l’argumentation selon laquelle la politique conduite par Israël serait la cause de l’agression commise par le Hamas le 7 octobre, car, disent-ils, « cette accusation est la même, sempiternellement, quel que soit le gouvernement ».

Après les massacres sadiques perpétrés par le Hamas en Israël le 7 octobre, les discours se sont mis à nouveau en place pour fustiger la victime et la transformer en bourreau. La compassion n’aura pas duré longtemps.

Pourtant, le fanatisme sauvage qui a animé les assassins du Hamas est un cataclysme qui aurait dû ébranler les antisionistes routiniers. Quand on torture les parents devant leurs enfants avant de les brûler vifs et qu’on massacre des nourrissons, on n’est plus dans le champ politique. Oser travestir cela en résistance légitime révèle une abjection particulière de l’idéologie antisioniste et met au jour son vrai visage.

Depuis le reproche théologique faisant d’eux les meurtriers de Jésus jusqu’au diagnostic de tare raciale, en passant par l’accusation de meurtre rituel et d’empoisonnement des puits, les juifs sont la cible persistante d’une diffamation ontologique. Tel est le lot éternel des juifs : on trouve toujours de bonnes raisons de s’en prendre à eux. Cet inextinguible appétit d’animosité judéophobe s’incarne aujourd’hui dans une désapprobation politique principielle qui voue Israël au dénigrement. Le socle de l’accusation envers Israël tient en vérité à peu de choses, si ce n’est à son rabâchement qui a fini par en diaboliser la seule évocation.

La « solution à deux Etats » déjà réalisée

Or, Israël n’est pas un « Etat d’apartheid » : c’est une nation parmi les plus multiculturelles qui existent, et où des partis pro-arabes peuvent siéger au Parlement.

Israël n’est pas « colonial » ou « impérialiste » : c’est un confetti territorial grand comme deux fois l’Ile-de-France, cerné par des puissances hostiles qui veulent sa disparition. Le foyer national juif promis en 1917 (déclaration Balfour) et par la SDN en 1920 (traité de San Remo) avait une étendue bien plus importante. La Grande-Bretagne a profité de son mandat pour en retrancher une partie et créer la Jordanie : la « solution à deux Etats » a donc déjà été réalisée et le camp islamique ne présente jamais la Jordanie comme un « occupant ».

D’ailleurs, la Cisjordanie/Judée-Samarie, occupée par la Jordanie (1948-1967), n’était pas non plus l’objet d’une revendication nationale « palestinienne ». Quand Gaza était aux mains de l’Egypte (1948-1967), on ne l’accusait pas non plus d’occupation et d’expansionnisme : ces accusations ne valent que pour la présence juive.

Israël est une nation agressée depuis son origine – en 1948, 1967, 1973 – par des pays qui veulent sa destruction et l’annihilation de la souveraineté juive. Le 7 octobre nous a montré la réalité sanglante de ce projet, animé par une haine radicale, dénué de contenu politique, sans la moindre ambition positive pour les populations arabes. On peut imaginer ce qui se passerait en cas de défaite militaire d’Israël à l’échelle nationale.

Hypocrisie

Ce n’est pas la politique d’Israël qui serait la cause de son agression, car cette accusation est la même, sempiternellement, quel que soit le gouvernement. Des pogroms ont toujours eu lieu dans le monde arabo-musulman (notamment à Hébron, en 1929) et leur travestissement en cause politique n’est qu’une hypocrisie. Parler de résistance ou de liberté pour présenter le camp arabo-musulman comme victime d’une injustice est un déni de la réalité idéologique et culturelle.

Yasser Arafat (1929-2004) lui-même, par exemple lors de son discours à la mosquée de Johannesburg en mai 1994, prenait soin de rappeler que les négociations de paix avec Israël étaient de même nature que le traité d’Houdaybiya conclu, en 628, par Mahomet avec les autorités mecquoises [ces dernières, hostiles à la prédication de Mahomet, autorisaient le prophète de l’islam et ses fidèles à se rendre en pèlerinage à La Mecque] : une stratégie pour assoupir l’ennemi et l’attaquer au moment opportun. Comment concevoir la paix avec un tel ennemi ?

Le complotisme faisant d’Israël le responsable de son agression est une théorie à rapprocher de la thèse négationniste de Mahmoud Abbas, soutenue à l’université de Moscou, qui, tout en atténuant l’importance de la Shoah, en attribuait la responsabilité aux juifs.

Le discours antisioniste accuse Israël d’être un Etat sécuritaire mais exonère les assassins massacrant des enfants : cette dynamique d’atténuation des crimes arabes et d’exagération des manquements israéliens aboutit à un renversement total.

Le « oui, mais »

A Harvard ou à Cornell [universités américaines], on s’en prend physiquement aux juifs. En France, on marque les maisons des juifs. Dans le métro parisien, on y chante « Nique les juifs » sans que personne se lève pour intervenir. Quand il y a une manifestation, ce n’est pas pour soutenir les juifs massacrés par le Hamas, c’est pour appeler à étendre la lutte contre les juifs.

Comme pour Charlie Hebdo ou Samuel Paty, on parvient, in fine, à trouver que l’islamophobie est la responsable de ces crimes. Si on condamne donc les exactions djihadistes, c’est pour les justifier dans la foulée : le « oui, mais » ne sert plus à construire des nuances, mais à dissimuler lâchement une apologie du terrorisme.

Ce sont ces faux-fuyants et cette mauvaise foi qu’il faut désormais démasquer. Car nous sommes tous responsables de laisser s’étendre la contagion des discours trouvant sans cesse des détours et des atermoiements pour excuser l’hostilité islamiste. Sans un sursaut moral, l’animosité s’incarnera dans des passages à l’acte qui deviendront collectifs et se déchaîneront ici, en France, sur les juifs et sur les autres – et même sur les tièdes qui auront permis que prolifèrent le mensonge, l’indifférence et la haine.

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(2) Aristote, Rhétorique, II-4

(3) https://www.politis.fr/articles/2010/10/lu-vu-entendu-11972/

(4) https://www.lejdd.fr/Societe/Mrap-Un-coup-de-poignard-a-tous-les-militants-de-la-paix-228082-3105137

(5) Norman Finkelstein https://www.youtube.com/watch?v=4PIpkgow-0Q&t=10s

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