Là, il comprend la mortifère matière qui grève le peuple d’en-bas. Ici, on explique les choses politiques : elles ne cessent de devenir autres depuis quarante ans, au point de n’être plus. De fait, le peuple d’en-bas pleure quand le Herrenvolk jouit de sa démocratie (1). Aussi, en se portant au ciel des idées qui sauvent, Mélenchon s’implique pour faire exister les idées populistes par et dans un discours « à gauche » et non plus « de gauche ».
(Qu’on m’entende bien : "le ciel des idées qui sauvent" est une Hypothèse platonicienne laissée à la sagacité de celui qui peut la tester - Mélenchon évidemment)
Il est improbable que Mélenchon réussisse à mobiliser le peuple d’en-bas, aux fins de qualification présidentielle. Mille mauvaises raisons s’y opposent , en autres la sondocratie (2). Malgré le volontarisme de la FI, les présidentielles risquent fort de se jouer à guichets fermés - fermés aux prolétaires et au "centre atomisé invisible" de Todd. C’est donc aux petits bourgeois CPIS de la gauche vélo (rapide à l’Union-ni-programme-ni-projet) que Mélenchon doit s’adresser. Mezza voce : que ces demi-bourgeois prennent leurs responsabilités pour faire gagner « le meilleur à gauche », attendu que Moi, Mélenchon, je vais prendre les miennes !
On sait maintenant que ladite primaire populaire ne peut plus être la couveuse du Bon Prétendant. Pour autant, si primaire il y a fin janvier et qu’elle désigne Taubira, Mélenchon aura tout lieu de s’en féliciter : les prétendants « à gauche » sont enfin au complet ! Peu importe ici que niche à gauche une certaine droite ou une droite certaine, car on a comme une planche de salut (préconisée naguère par Sandrine Rousseau) pour découvrir le Bon Prétendant : un Tour de table « à gauche » en février !
Faut-il le dire : les tenants de la gauche vélo ne seront jamais convaincus par un bon programme (L’AEC) ou persuadés par une intention sincère ou contraints par une nécessité politicienne (le votutile à gauche). Pourquoi devraient-ils voter pour le candidat le mieux placé « à gauche », si ladite gauche fait rire/pleurer ou s’ils sont incapables d’imaginer une rupture continuée ? N’oublions pas que si ces CPIS sont d’abord des "clients de patron" ayant une certaine conscience de leur déclassement, ils font vite la bête comme Bégaudeau l’a montré dans Histoire de ta bêtise. En revanche, ils peuvent être "responsabilisés" par une Bonne Tambouille.
Pour ce Tour de table « à gauche », tout sera sur la table : sondagite aiguë, abstentivité de l’électorat et surtout Stimmung crépusculaire. Évidemment, n’importe quel.le pipole de cette gauche d’en-haut table sur son Renseignement, de sorte que le Tour de table peut durer… sans fin. Alors, qui ou quoi pour déplacer cette table et empêcher le cercle vicieux, sinon un spectre?
Cessons de disputer, calculons! dirait encore Leibniz. Oui, ça tombe bien… car il est à cette table un Grand Calculateur : Mélenchon faisant enfin "le pari de la Dormition". Qu’est-ce à dire ou plutôt à faire ?
En situation favorable dans les sondages et par des indices politiciens divers et variés, Mélenchon ne peut pas faire un Bon Troisième. En 2017, un électeur Mélenchon sur deux avait opté pour le votutile et donné une quatrième place. Visiblement, c’est cet électorat-là qui ne répond plus à l’appel de l’Utilité, préférant un retour aux sources écolococo. Aussi Mélenchon est-il sondé à moins de 15 points, toutes règles conditionnées. Bien sûr, ses thuriféraires imaginent qu’il va décoller… Convenons plus sérieusement qu’il est bien en pole-position à gauche et qu’il pourrait le demeurer, sauf accident.
Oui, mais qui ne craindrait pas l’alliance réversible de l’extrême-centre & de l’extrême-droite ? Inutile de déprécier leurs configurations (de Jadot à Pécresse, de Ciotti à Zemmour) pour se rassurer, mieux vaut savoir que l’être parle au devoir-être - ne déplaise à Hume. Il y va maintenant d’une nécessité qui pousse à l’obligation : en petite forme, Mélenchon doit se mettre en retrait… au ciel des idées qui sauvent. Fi du panache, c’est du calcul déontique ! Soit un retrait qui oblige ladite gauche.
Ainsi, Mélenchon passerait le témoin « P » à Ruffin, seul acteur présentable à même de rassembler la gauche d’en-haut, de Taubira à Roussel, voire Poutou, si la pression fascisante est suffisante. Ecce homo : Ruffin est un "populiste littéraire" dépris de laclau-populisme. Dès lors, il est facile de concevoir la Dormition : gracieusement, Mélenchon accorderait nombre sinécures parlementaires à la gauche vélo en vue d’une cohabitation « à gauche ». Oui, on peut déjà commander une statue de Commandeur !
Que Ruffin gagne ou perde, l’essentiel serait sauf. Une certaine idée de la gauche ne disparaîtrait pas du paysage parlementaire, syndical et… populaire. Ainsi, d’un calcul leibnizien et d’une hypothèse platonicienne, Mélenchon peut donner envie aux petits bourgeois gauchisants - et partant aux abstentifs populaires.
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(1) La Herrenvolk democracy ou "démocratie pour le peuple des seigneurs" est notre horizon depuis 1789. Herrenvolk signifie que le peuple des seigneurs est une finalité, pas seulement un statut ou un être.
(2) https://melenchon.fr/2022/01/11/la-strategie-du-desespoir/