Paradoxalement, des sionistes (juifs ou pas) mettent à profit l'imitation chère à Tarde (1) pour déconstruire le "génocide gazaoui" – et partant déculpabiliser.
Selon eux, les palestinistes (palestiniens ou pas) ne sont au fond que des somnambules hypnotisés. Rien ne viendrait directement d'eux-mêmes car ils seraient entièrement et constamment re-liés... aux sionistes. Pour avancer ils seraient obligés d'inventer. Pour inventer ils seraient obligés d’imiter les sionistes. Tout ça pour rendre leur pauvre vie sociale supportable.
S'il est vrai que le palestiniste reçoit du sioniste des idées régulatrices ou des représentations mythiques qu’il s’approprie lorsqu’il les juge bonnes pour lui, faut-il encore qu'il les remanie ou les transforme. Le palestiniste génial est donc celui qui peut réagencer certains flux imitatifs qu'il juge pertinents, de manière à en créer un nouveau. Soit une recréation qui ne serait pas une simple récréation.
Le "génocide gazaoui" est la recréation que les sionistes n'attendaient pas.
Formée de convictions spirituelles et matérielles, cette recréation se propage... par imitation, si bien que l’éloignement spatial n’a aucune importance. La recréation se mondialisant, tout le monde déteste les génocidaires sionistes ! Cette imitation qui agit à distance crée une cohésion mentale par contagion entre des individus séparés physiquement. C’est ce qui explique que les populaires du "Sud global" et du "Nord gauchisant" deviennent un public palestiniste, bien différent de la foule informe et violente pointée par les LeBon d'aujourd'hui.
Mais le sioniste croit avoir le droit de se défendre comme la Sionie. En réduisant le génocide gazaoui à un acte de langage antisémite, il jette une première pierre dans la mare de sang palestinien et entame la déconstruction du génocide. Il peut en effet compter sur le théâtre "merdiatique" (médias et réseaux des milliardaires) pour corriger le langage palestiniste et sioniser une opinion publique indifférente. Voici ses trois coups pour un lever de rideau – rouge évidemment :
1. L'ancien ambassadeur de France en Israël Éric Danon, 26 mars 2025 :
« Ma conviction, c’est qu’il n’y a pas de génocide mais une nécessité absolue pour les islamistes et les propalestiniens de dire qu’il y a génocide. (...) ils en ont besoin pour parachever une identité palestinienne mimétique de celle des Juifs. Ils leur manquaient quelque chose pour être à égalité avec les Juifs… il leur manquait un génocide. Enfin, ils tiennent le récit d’un génocide, même s’il n’existe pas. Et vous verrez qu’ils pousseront cela pour dire un jour : “Nous avons autant que les juifs le droit d’avoir un État dans cette région.” Puis vous aurez l’étape suivante qui sera encore plus redoutable quand ils diront : “C’est nous le peuple de Dieu. Ce ne sont pas les Juifs.” » (2)
2. L'acteur Yvan Attal, 30 mars 2025 :
« Depuis 1948, le peuple palestinien s’est construit en miroir d’Israël, et ils ont voulu se réapproprier notre histoire, ils ont envie d’être nous. Même notre Shoah, ils nous l’envient. Ils veulent absolument un génocide, mais pourquoi ? Parce qu’ils pensent, ils pensent que le monde nous a donné Israël après la Shoah donc après un vrai génocide, donc ils se disent on va émouvoir le monde en disant que nous aussi on est victimes d’un génocide et on va nous donner des territoires. » (3)
3. Le vaticaniste Melloni, 25 octobre 2025 :
« L’objectif [du Hamas] n’était pas de commettre un acte terroriste — même très sanglant. L’objectif était de produire une « Shoah en miniature ». L’objectif était de faire subir, en terre d’Israël à des jeunes, laïques et dansants, à des habitants de kibboutz « pacifistes », à des soldats et soldates de conscription qui avaient donné quelques signaux d’alarme ignorés dans le brouhaha du bizutage de caserne, tout ce qui avait été infligé pendant la Seconde Guerre mondiale à leurs grands-parents et arrière-grands-parents en Ukraine et en Pologne, en France et en Croatie, en Italie ou en Allemagne.
Le 7 octobre n’était pas un acte de terrorisme commis par des terroristes. Ce n’était pas un acte de résistance — cette attaque n’avait rien à voir avec l’État palestinien. Ce n’était pas non plus un geste « spectaculaire » à la Ben Laden. C’était l’acte par excellence d’un État sui generis qui allait accomplir sa finalité statutaire et étatique avec ses propres soldats : tuer, brûler, violer, mutiler et — enfin et surtout — déporter. Déporter pour tuer ; tuer pour déporter. (...) Mais lorsque le Hamas planifie et réalise les plans du 7 octobre, il ne mène pas une « guerre » comme tant d’autres. Il mène « cette » guerre : l’extermination.
Ne pouvant commettre un « génocide » de dimensions nazies, il a dû se limiter à sa miniaturisation : mais comme un maquettiste obsessionnel qui collectionne les trains électriques, il a tout reconstruit au millimètre près. La rafle maison par maison, les portes enfoncées, les exécutions sommaires gratuites à la vue de tous, la déportation effectuée par « sélection », la captivité et, en tout état de cause, la mort d’un nombre aussi élevé que possible de « pièces », comme aurait dit Heinrich Himmler. Tout, le 7 octobre, a été préparé et déployé pour dire qu’Israël n’avait pas de voisin hostile ni d’ennemi puissant, mais qu’il avait à ses côtés un bourreau auquel il ne pouvait échapper. » (4)
Oui, les négationnistes du génocide gazaoui s'imitent bien, et ce n'est pas une singerie.
Notes:
(1) Gabriel Tarde, Les lois de l'imitation. Présentation de Bruno Karsenti, 1993
(2) https://orientxxi.info/paris-une-soiree-republicaine-contre-les-musulmans-et-les-palestiniens,8144
(3) https://lmsi.net/41-secondes
(4) https://legrandcontinent.eu/fr/2025/10/26/le-nouvel-antisemitisme/