Peut-on rendre utile le "vote utile" en prenant parti pour la France Insoumise?
On connaît la définition de Sycophante: le vote utile est un vote tactique (dès le premier tour) censé promouvoir le meilleur de son camp au second tour. Savoir bien ranger les prétendants de son camp en regard des autres camps est donc le problème des Votutiliens. Or, quand on veut évaluer la pertinence de ce vote, on ne doit pas oublier le tour décisif de ces élections: les législatives. Pour voir loin et pas seulement devant, je propose d'intégrer le vote utile au vote-outil, un vote qui prend parti mais surpasse le vote d'adhésion tout en le conservant... Ce faisant, j'annonce que je supporte la France Insoumise plutôt que Mélenchon - on comprendra pourquoi.
Tout comme l'outil permet d'obtenir ce qui n'est pas donné comme tel par et dans la nature, le vote-outil permet d'obtenir ce qui n'est jamais donné dans notre nature à nous: la politique française, ce monde historico-social dominé par "la droite" depuis Thermidor, sauf exceptions. Pour l'heure et du côté de la France Insoumise, ce vote-outil ne viserait pas tant la victoire aux présidentielles qu'une victoire possible aux législatives. Soit un rattrapage en beauté ou, quand on est charitable, une victoire apocalyptique!
Pour ces élections à trois coups, le vote-outil se manifesterait ainsi: 1. au premier tour des présidentielles, un vote d'adhésion ou normé: "selon mes idées et/ou mes intérêts" 2. au second tour, un vote opérateur: "selon mon meilleur pire" 3. au premier tour des législatives, un vote normé amélioré: "selon la force des alliances". Soit un vote on ne peut plus rationnel, mais bien peu raisonnable aux yeux du Votutilien. Alors, voyons comment ça peut fonctionner en situation concrète.
Premier tour des présidentielles: Mélenchon vs Hamon.
L'argumentaire du vote utile, tactique dès le premier tour, est en train de se retourner contre Hamon. Les derniers sondages (quoi qu'on pense de leur performativité) montrent que "l'argument du plus pesant" joue désormais en faveur de Mélenchon. Notons en passant qu'un 14/10 impressionne davantage l'électorat volatil(e) de Hamon que l'électorat tête-dure de Mélenchon. On peut donc imaginer un Mélenchon en sorpasso et un Hamon en marche... vers les "5 points Defferre". Et si on voit comment Macron pompe les zélites du ps et les clientèles qui vont avec, le doute sur la pesée n'est plus permis.
Le second argument du vote utile, "l'argument du plus central", tombe également à plat. Si Mélenchon devait affronter Le Pen au second tour, on imagine mal les macroniens voter Le Pen. Certes, ils pourraient s'abstenir massivement, comme l'électorat bourgeois de Fillon, mais tout serait encore jouable si Mélenchon remobilisait les abstentionnistes populaires, perdus par le ps. Un Hamon au second tour (si c'est encore pensable!) ne ferait pas mieux que Mélenchon, car bien incapable de mobiliser les populaires... Maintenant, si Mélenchon devait affronter Macron au second tour, là aussi, rien ne serait déjà joué: un certain électorat populaire de Le Pen pourrait se reporter sur Mélenchon. Quant au mot d'ordre Plutôt Macron que Mélenchon, s'il mobilise les derniers électeurs de Hamon et les gauchistes anti-méluchiens, que cela soit dit! (Soyons naïfs)
Pour ce premier tour, on voit déjà un vote d'adhésion fort dans l'électorat FI, comme une affirmation première: Au diable le vote utile! Je vote Mélenchon, selon mes idées et/ou mes intérêts. Et c'est tant mieux si Mélenchon devient le meilleur "à gauche" pour accéder au second tour.
Second tour des présidentielles: si Mélenchon ne parvenait pas à surpasser Le Pen ou Macron.
À cette heure, Le Pen serait plus facile à surpasser. Elle semble un peu rediabolisée par un Mainstream qui l'avait dédiabolisée, assez "affairée" par une justice tardive, passablement démobilisée et gelée par une certaine abstention populaire. Macron, lui, paraît insurpassable en raison du soutien de l'oligarchie financière, des merdias qui vont avec, du ps hollando-vallsiste, de l'appareil d'État (police, parquet, HATVP) qui empêchent ou ralentissent le "suivi bio" de Macron.
Si Mélenchon ne parvenait pas au Sorpasso finaliste, se trouvant éliminé pour un second tour, alors se poserait la question du "vote opérateur": évaluer le meilleur pire - la peste Le Pen ou le choléra Macron? Il va sans dire que cette question ne se pose pas si les projections du premier tour donnent du 60/40 pour Macron... ou pour Le Pen. Quel Insoumis se salirait les mains inutilement? Par contre, si c'est encore jouable - ce que ne croient pas les sondages actuels -, un certain électorat FI (dont je suis) serait prêt au vote opérateur: le bulletin Le Pen pour faire barrage au pire ennemi du salariat, du peuple souverain et de la France Insoumise - le bien-nommé Mc Ron ! Ne déplaise aux esprits débiles de la ps-analyse (sans confusion possible avec les esprits forts de la psychanalyse), ce vote opérateur n'a rien d'une errance rouge-brun: il sait très bien où il va!
On peut donc imaginer que Le Pen a de bonnes chances d'agréger un vote FI (minoritaire), un vote Fillon (poujadiste), un vote DPA, un vote Asselineau, et surtout les abstentionnistes populaires qui n'avaient pas voté au premier tour, mais qui auraient bien envie de se faire plaisir en trumpant le système. Ça peut faire du monde - nettement plus que les 40 points donnés par les sondages - et nul besoin d'événements extravagants, du genre "relation gay entre Macron & Fillon sur fond d'attentats terroristes dits tabous"...
Aussi, je veux croire que Mélenchon appellerait au vote ni-ni. Toutefois, comme il ne pourrait montrer effrontément son meilleur ennemi (Le Pen), il garderait au mieux sa "pensée de derrière" (Pascal). Oui, seul le vote-opérateur Le Pen pourrait préserver les chances de la FI aux législatives!
Premier tour des législatives: une alliance FI & Hamon/Jadot & Gauchistes est-elle possible?
Si victoire il y avait de Macron sur Le Pen, il est clair que la France Insoumise serait mal barrée, et le salariat cher à l'État social plus encore. Car Hamon & Jadot, qui auront appelé au vote Macron, seront payés en députation... Et dans ces quadrangulaires, on peut imaginer que l'alliance macronique ramassera l'essentiel des circonscriptions.
Toute autre serait la victoire de Le Pen: le "gros affect" de son élection affecterait assez Hamon & Jadot pour les obliger à une alliance de raison avec la France Insoumise. De même pour les Gauchistes, fussent-ils anti-méluchiens primaires... Soit une alliance qui pourrait résister à une Le Pen présidente, voire gagner dans le cadre quadrangulaire. C'est pourquoi le départ que j'ai fait entre Mélenchon et la France Insoumise n'est pas idéologique mais opératoire: un Mélenchon perdant n'est pas une FI perdue! Bien loin d'être une Catastrophe, l'élection de Le Pen pourrait être comme une Apocalypse - un nouveau ciel et une nouvelle terre dans la résistance de rue et/ou la victoire parlementaire, pourquoi pas?
En conclusion, ou plutôt morale: si le vote-outil à trois temps est en mesure de casser la logique ps du vote utile, il faut en prendre la mesure à temps.