Hypothèse pathétique, slogan à la ramasse, fable populiste, ce syntagme Mélenchon PM ? À n’en pas douter, c’est un signal fort qui dérange en se montrant, mais pas encore un signe qui fait sens. Peut-on lui en trouver un, si on entend par Mélenchon PM une "idée régulatrice" (Kant) impliquant le discours du "comme si" ?
Il s’agirait donc de mettre en œuvre une stratégie de l'illusion, toujours nécessaire à l’action populaire, et plus précisément à son engagement. On conviendra alors que l'imagination de l’UP & Co. est le véritable maitre d'œuvre de cette idée régulatrice, et qu’il n’y a pas vraiment de maître d’ouvrage. Oui, la raison pratique de l’UP & Co. n’est qu’une puissance d'imagination - qu’elle vise une Fédération ou une Coalition de ladite Gauche.
Sous quelle condition affective l’idée régulatrice Mélenchon PM peut-elle agréger l’imagination politicienne des Trembleurs, des Rageurs et des Abstentifs qui se sont reconnus "à gauche" lors des élections présidentielles ? Voici un tableau sommaire des affectés :
1. Les Trembleurs
a) les ayant-voté Mélenchon par efficacité ou stratégie, mais qui ont tremblé devant la montée sondagière et merdiatique de la "petite bête". Cette variété de castors compte 3 millions d’individus qui pourraient s’engager avec l’idée "claire" Mélenchon PM.
b) les castors anti-méluchiens qui ont voté Jadot, Roussel ou Hidalgo par vraie-fausse conviction et qui ont tremblé au second tour pour Macron. On en compte en gros 2,5 millions qui regimbent plus ou moins devant l’idée "hégémonique" Mélenchon PM.
(en se rasant on se souviendra que ces 5,5 millions de Trembleurs ont sauvé le Fascisateur des griffes de la Fascisante : sans eux, Macron était sur le fil du rasoir !)
2. Les Rageurs
a) les ayant-voté Mélenchon qui ont voté Le Pen au second tour par rage ou détestation à l’endroit de Macron. Soit 1,5 million de castors anti-macroniens prêts à soutenir l’idée "forte" Mélenchon PM.
b) les "fâchés pas fachos" qui ont voté Le Pen aux deux tours pour jouir au mieux de leur rage "anti-système". Sur ces 7 millions de rageurs, combien se défouleraient (par défaut bien sûr) avec l’idée "folle" Mélenchon PM ? Une fraction marginale suffirait au basculement de certaines circos populaires.
3. Les Abstentifs
a) les ayant-voté Mélenchon qui se sont bien gardés de plébisciter le « déjà-élu ». Soit 3,2 millions d’Absents attentifs, constituant de fait l’avant-garde de l’Union populaire !
b) les abstentionnistes populaires et/ou jeunes apparemment voués à leur petite vie "entrepreneuriale" et qui font comme si leur vie politique n’existait plus. Si on oublie les 4 millions de non-inscrits, on compte jusqu’à 12 millions d’individualités qui pourraient quand même être affectées par cette idée populiste à la fois claire et distincte, forte et folle, réglée et révolutionnaire.
Mais voilà, quand on frotte l’idée Mélenchon PM à la sociologie électorale (1), il faut vite en rabattre : seules 165 circos seraient gagnables par l’UP & Co. - bien loin d’une majorité à l’Assemblée Nationale. Néanmoins, cette minorité pourrait empêcher Macron de jouer comme il l’a fait avec ses playmobils. Seule condition, mais de taille : l’extrême droite parlementaire doit devenir assez forte ! (2)
Par provision, je conclus que ce coup de génie Mélenchon PM peut constituer à terme l'idée populaire d'une autre politique - une politique des limites au néolibéralisme autoritaire. Cet "affichage" Mélenchon PM permettrait ainsi à l’UP & Co. de s'accomplir dans son désir de dépasser la très présente expérience illibérale du néolibéralisme. Évidemment, son action doit emprunter un dangereux chemin de crête politicienne tout en proposant aux populaires une aventure positivement imaginaire.
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(1) https://aoc.media/opinion/2022/04/27/legislatives-la-gauche-peut-elle-prendre-le-pouvoir/
(2) Le scénario 4 de Alessio Motta :

Scénario 4 : Mobilisation populaire élevée + union des gauches
Abstention d’environ 50 % en moyenne nationale + accords entre partis de gauche (200 triangulaires)
Le scénario 4 repose sur le même niveau de mobilisation électorale que le 3, mais avec une union des gauches, configuration qui s’avère plausible au vu des négociations actuelles. Son principal avantage est de priver clairement LREM de la majorité absolue et d’espérer donner un pouvoir fort à la gauche à l’Assemblée au point, certainement, de peser sur l’orientation politique du pays. Il a un inconvénient de poids : en raison d’un grand nombre de triangulaires, configuration favorable à l’extrême droite, ce scénario peut permettre au RN d’atteindre un nombre très élevé de sièges. Cela créerait un danger quant aux jeux d’alliances choisis par LREM, pour peu qu’une frange du RN décide de soutenir une partie de la politique économique du président.
Dans le cas où le premier tour des législatives semble nous conduire vers le scénario 4, l’entre-deux-tours devra être le moment d’une réflexion profonde sur un sujet difficile à aborder dans le contexte politique actuel : celui d’un compromis entre gauche et LREM pour rétablir la tradition des décennies passées dite du « barrage républicain ». Celle-ci consiste, lorsqu’il y a une triangulaire et un risque que le RN l’emporte, à ce que le parti le moins bien placé, entre celui de gauche et LREM, se désiste pour empêcher la victoire du candidat RN. Cette option permettrait à LREM de regagner des sièges tout en restant loin de la majorité absolue. Mais surtout, elle renforcerait la gauche au point de lui offrir, avec un tiers de l’assemblée, une force suffisante pour faire une clé de bras à LREM et peser sur les politiques futures et sur la composition du gouvernement (scénario 4 bis).

Scénario 4 bis : Scénario 4 + barrages anti-RN
Abstention d’environ 50 % en moyenne nationale + accords entre partis de gauche + accords de désistement gauche-LREM pour les 200 cas de triangulaire avec le RN
On peut bien entendu tabler sur une forte mobilisation de l’électorat de gauche uniquement, pour espérer décrocher la majorité et gouverner, et le travail de terrain des militants de gauche dans les semaines qui viennent sera tourné vers ce but. Mais il y a de fortes chances qu’il ne soit pas atteint. Par conséquent, tout en luttant pour que les prochaines échéances électorales soient nettement plus favorables à la gauche, il faudra jouer l’alliance en tenant compte finement des projections et de chaque situation locale, de façon à tirer profit d’une assemblée tripartite dans laquelle aucun des trois pôles ne disposerait d’une majorité absolue. Dans une telle configuration, La France insoumise (LFI) et ses alliés potentiels pourront imposer des mesures politiques et sociales de gauche. Et dans une Assemblée coupée en trois où tout se négocie pour avancer, ils pourront obliger les députés LREM à prendre parti : qui parmi eux acceptera de débloquer la situation politique en votant pour la hausse du SMIC ? Qui préfèrera négocier des lois identitaires avec l’extrême droite ? Voilà de quoi fissurer la pseudo-alliance « en même temps » sur laquelle repose la réussite électorale d’Emmanuel Macron depuis cinq ans.