Comme il m'est impossible de prévoir le moment de la fin (écrirait encore Chateaubriand), je vais m'expliquer par cette thèse: en gros, l'intention d'un terroriste, c'est son action. Mais bien sûr, c'est une façon très grossière de parler. Cependant, il est bon de l'exprimer comme antidote à la thèse absurde, soutenue parfois, selon laquelle l'action qu'un terroriste a l'intention de faire n'est connue que par la description de son objectif mortifère. Une telle description nous renverrait vite à la morale, du moins au cadre de la philosophie morale. Or, nous voulons, vous et moi, une description... descriptive de l'action terroriste - à même de sidérer son agent.
Le terroriste daechien étant médiatiquement connu, imaginons-le dans un lieu où il est sûr d'être tué. A proximité immédiate se trouve un bar plein de jeunes of Paris. Le terroriste choisit le bon moment et le bon emplacement pour débouler (sic) avec sa charge explosive. Pourquoi cet ici & maintenant? Tout endroit à cette heure ayant telle caractéristique convient, et cet endroit à cette heure possède cette caractéristique. Pourquoi se charger d'une charge explosive? C'est le moyen le plus efficace de tuer un maximum de jeunes of Paris. Pourquoi les tuer? Il convient à un terroriste qui doit mourir de passer sa dernière heure à exterminer des jeunes of Paris, en se disant: "je suis un terroriste, c'est ma dernière heure, voici des jeunes of Paris."
En posant ex cathedra sa raison d'agir "il convient à un terroriste qui doit mourir de passer sa dernière heure à exterminer des jeunes of Paris", j'aurais atteint un terme dans cet ordre de raisons qu'Arisote avait qualifiées de pratiques. Mieux encore, j'aurais atteint le point de départ fondamental où l'on ne peut pas aller plus loin - et il faut savoir s'arrêter pour agir! Si bonne chaire, vous conviendrez que la question pourquoi être un terroriste? ne s'inscrit pas dans la suite de cette série questionnante: elle s'adresse directement à l'une des prémisses particulières: "Voici des jeunes of Paris." - et cela suffit.
Vous pourriez alors soulever cette objection: s'il convient effectivement à un terroriste d'exterminer des jeunes of Paris, il y a quand même un sacrement terroriste de la mort, et c'est son accomplissement qui conviendrait plutôt à un terroriste qui va mourir. Et s'il en prend le temps rituel, nous pourrions peut-être le sidérer... Autre objection plus dirimante: oui, cela convient à un terroriste de faire exploser sa charge, mais il lui convient aussi (en tant qu'être humain normalement constitué) de faire telle ou telle autre chose - en tous cas, rien ne l'oblige à l'extermination, même si cela lui convient parfaitement. On peut être un "vrai" terroriste et s'abandonner à de douces et tendres pensées sidérantes... Pour vous, il est clair que si l'une de ces considérations avaient prise sur ce terroriste, le raisonnement pratique échouerait, bien que la vérité de la prémisse générale "les terroristes font toujours ce qu'ils disent" ne fût pas niée (même de son point de vue) et qu'aucune erreur "objective" dans son calcul pratique ne fût relevée. La sidération du terroriste reposerait donc sur un bon raisonnement aristotélicien.
Pourtant, son syllogisme pratique n'est pas du tout de nature éthique ou contre-éthique. Comprenez que l'extermination voulue est à distance de l'action immédiate, puisque cette action immédiate est calculée comme le moyen de faire la chose voulue. Or, cette "volonté" peut être à distance de manières fort diverses: "se faire exploser" est une description plus large de ce que ce terroriste est en train de faire là, déboulant dans ce bar plein de jeunes of Paris. Par provision, retenez que le raisonnement pratique du terroriste est un raisonnement dont la conclusion est une action. Il n'a vraiment que faire d'une vérité portant sur ce qu'il faudrait faire: en posant des prémisses pratiques (générales et particulières), il tire la conclusion en agissant - mourir pour faire mourir.
Arrivés à ce point, nous entrevoyons chez ce terroriste une caractéristique de désirabilité qui met un terme à la question pratique pourquoi faire ça? Hobbes croyait qu'on ne pouvait pas trouver de plaisir dans la pure cruauté, mais seulement dans la souffrance d'autrui. En vérité, il avait tort de penser que la cruauté doit avoir un but, alors qu'elle a toujours un sens. On peut donc imaginer un terroriste daechien parodiant Chateaubriand: "Il ne me reste plus qu'à m'asseoir au bord de la fosse: après quoi je descendrai hardiment, le croissant de lune à la main, dans l'éternité".
Monsieur le Premier ministre, le terroriste prêt à mourir n'est toujours pas sidéré, mais un autre mémoire est possible... Pour ne rien celer, j'ai l'intention d'en composer trois encore.