Ces deux personnalités, en principe aux confins opposés du paysage politique français, révèlent en réalité des points communs intimes qui prêtent à insinuer la connivence. Cette affirmation qui peut paraître abusive et fortuite repose néanmoins sur des prises de positions, des déclarations concordantes qui ne supportent plus les artifices de la coïncidence ou de l'interprétation excessive.
Tous les deux, grisés par l'intérêt médiatique qu'ils suscitent, utilisent à dessein des éléments de langage pour « faire le buzz », se distinguer et entretenir leur profil disruptif, l'incarnation « franchouillarde ». Toutes proportions gardées ces deux « ch'tis » ne nourrissent pas les mêmes ambitions. Le premier, disciple du Sarko nettoyeur des racailles de quartiers, s'applique à marcher sur les pas de son mentor qui passe désormais plus de temps dans les palais de justice que dans son QG parisien. Le second, peut-être moins ambitieux mais tout autant exalté, se pose en rassembleur émérite de toute la « gôôôche », quitte à assumer des dérives insensées.
Ils se connaissent, vont même jusqu'à avouer « s'apprécier », partagent les mêmes positions sur un certain nombre de sujets clivants : le soutien aux forces de l'ordre, l'éloge de la valeur travail, la lutte contre le « wokisme », la relance de la filière nucléaire, la défense de la chasse, de la corrida...
Mais ce qui scelle plus que tout cette alliance de circonstance c'est leur obsession commune d'atomiser la Nouvelle Union Populaire de gauche née au lendemain de la dernière présidentielle et de crucifier « le maître à penser » Jean-Luc Mélenchon. Pour ce faire, ils font preuve d'un tel acharnement mutuel que l'on peut s'interroger sur le fondement même d'une complicité concertée. Cette mission, ils l'exercent presque à plein temps tant elle recouvre une grande part de leur expression médiatique.
Cette obstination, nourrie par une logorrhée rance, ridicule, pathétique, partagée par ces deux acteurs opportunistes, fait sans aucun doute le jeu de l'extrême droite, renforçant sa légitimisation. Que Gérald Darmanin, expert affabulateur, s'en accommode, cela ne me surprend pas. C'est davantage la perfidie de Fabien Roussel qui me scandalise, m'écoeure. Si le gardien de la place Beauvau ne s'embarrasse pas d'amalgames caricaturaux en assimilant la NUPES à « l'ultra-gauche », à « l'écoterrorisme », au « chaos révolutionnaire », le « boss » du PCF, à sa façon, n'est pas moins virulent, moins dédaigneux. Il ne s'associe à aucune prise de parole commune, ne participe à aucune réunion réunissant les dirigeant(e)s des composantes de la NUPES, s'agace sciemment dans les médias du « leadership » de Mélenchon et ne loupe pas une occasion pour bien marquer sa différence. En assistant aux rassemblements des syndicats policiers avec des représentants du RN, en opposant « la France des allocs et du RSA » à « celle qui travaille », en se présentant comme « le meilleur allié des chefs d'entreprises » dans un séminaire du patronat, en répondant favorablement à l'invitation de la FNSEA pour son dernier congrès, en tendant ostensiblement la main à la frange social-libérale du PS, Cazeneuve-Delga, qui préfère Macron à Mélenchon. Cette gauche de gouvernement « responsable » qui penchait vers « la déchéance de nationalité », le démantèlement de la « loi travail » et les premières violences policières pour l'imposer, les aides publiques démesurées sans contreparties aux grandes entreprises, l'allongement de la durée de cotisation avec la réforme des retraites Touraine.
Non, décidément Fabien Roussel est impardonnable. Comment peut-il s'impliquer avec autant d'ardeur dans cette entreprise de diabolisation de la NUPES qui tourne franchement au ridicule ? A moins de considérer que le centre de gravité de « la Gauche » penche désormais trop vers « le radical » et qu'il faut le ramener vers le centre. Ce serait là, officiellement, un tournant idéologique majeur pour le PCF. Pour autant, il est vrai que les choix électoralistes du parti communistes français nous témoignent régulièrement qu'il n'hésite pas à opérer des « grands écarts » improbables afin de récolter un maximum d'élu(e)s. Ou alors c'est simplement la traduction d'un combat d'arrière-garde de vaniteux « mal léché » qui ne poursuit aucune stratégie politique raisonnée et qui « bordélise » ouvertement le débat à l'intérieur de la NUPES. Cette posture assumée d'un incorrigible « Judas » risque de mal se terminer, tant elle profite avec évidence à tous les pourfendeurs de cette union populaire de gauche et qu'elle désespère un électorat à la recherche d'une alternative « écosocialiste »solide.
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