Si l'on ne s'attarde pas à l'évènementiel, et qu'on envisage le "temps long", ce qui paraît de prime abord absurde devient cohérent.
Les opérations en Irak, en Libye et sans doute prochainement en Syrie, pris isolément, n'offrent pas grand sens au vulgum pecus que je suis. En revanche, si l'on considère qu'il s'agit d'une séquence, le tableau s'éclaire et quelques perspectives apparaissent.
Trois mots viennent immédiatement à l'esprit lorsqu'on regarde une carte du Moyen Orient: pétrole, gaz et eau. Energie et alimentation. Trois composantes pour le moment incontournables pour la vitalité des sociétés humaines telles que nous les connaissons. La première idée, celle qui vient le plus communément à l'esprit est: les USA veulent s'emparer de TOUTES les ressources pétrolières et gazières qui ne sont pas aux mains de la Russie. Ce raisonnement semble vraisemblable et même raisonnable: l'accroissement de la voracité des USA eux-mêmes en ressources fondamentales incline à penser que c'est la solution.
Il en existe une autre, fondée sur la stratégie, telle qu'évoquée dans le billet précédent: la prévision de l'évolution du monde dans les 20, 30, ou même 50 ans à venir (les "plans" du Japon, par exemple, sont à 50 ans).
Dès 1971, des bureaux de prospective US faisaient de sombres prédictions sur l'avenir du monde: l'émergence économique de régions de plus en plus nombreuses dans le monde allait avoir des conséquences funestes sur les besoins essentiels des USA dans tous les domaines. En clair, en gros et crûment: si le voisin mange "LA pomme", il n'y en aura pas pour moi. La solution préconsiée par Henry Kissinger dans ces années-là était la diminution du taux de naissances dans les pays du Tiers Monde par (sans doute) le planning familial.
La disparition de l'ennemi public N°1, le leader de "l'Axe du Mal", l'URSS qui servit longtemps de prétexte commode pour tenir "le Monde Libre" en lisières serrées, pire: la conversion de la Chine en un etat-Nation "mixte" (Communiste avec une ouverture vers le capitalisme), etr "l'anarchie" qui s'ensuivit forçèrent Washington à modifier ses stratégies traditionnelles.
L'anarchie, car la disparition quasi-instantannée de la "menace soviétique" eu pour effet immédiat d'affaiblir gravement les alliances économiques et militaires nouées depuis la fin des années 40. Et l'on vit ça et là des velléités d'indépendance, tempérées il est vrai et bien timides, se faire jour: le concept d'Europe-puissance, la naissance d'un Marché Commun Sud-Américain, les prsies de distance des pays de l'ASEAN sur le plan économique. Toute la stratégie US fondée dès les années 50 pour "protéger les intérêts des USA" (LA constante géostratégique et géopolitique US, qui ne varie pas) menaçait de s'effondrer.
Donc, Washington eut recours aux "economic hitmen" ces "conseillers" dont la mission était de maintenir, en noyant nombre d'Etats-Nations sous les dettes, la suprématie des USA. Cela réussit à merveille en Russie sous l'ère Eltsine: en quelques années, l'économie ex-soviétique, grâce aux "conseils" éclairés, s'effondra et entraîna une misère noire de 20 ans. Cela réussit aussi dans le Tiers Monde où nombre de pays furent littéralement ruinés, je pense à l'Argentine.
Une tactique plus affinée fut nécessaire pour les partenaires de l'OTAN: cette fois, l'instrument fut la crise financière, qui remplit allègrement son rôle.
Le résultat net est lisible tous les jours: la plupart des économies du monde sont suspendues à l'état de l'économie US. Les USA sont "le moteur immobile" du monde. Ce qui ne laisse que peu de marges de manoeuvre (voire pas du tout) aux "partenaires" de Washington dans quelque domaine que ce soit.
Un seul bémol à cette magnifique partition: la Chine.
Qu'entend-on par "la Chine"? Et, après analyse se révèle une surprise de taille: la Chine, c'est l'ensemble des Chinois dans le monde. Ce n'est pas seulement la Chine continentale, mais toutes les communautés chinoise, dont les fameux "Chinatowns". Or cette diaspora possède un poids économique considérable: je pense, à vue de nez, comme ça, que son "P.I.B." est au moins égal à celui de la Chine continentale, sinon supérieur. Car les communautés chinoises tiennent en mains les économies notamment de Singapour et de l'Indonésie, fait peu publié et encore moins commenté dans les media. Et ces communautés ont rallié Beijing dès que furent effacées les traces des errements les plus flagrants du Maoïsme: les Chinois sont profondément "patriotes" au sens strict du terme: attachées, rivés à la terre des ancêtres.
Et notamment Beijing, mais aussi Singapour résistèrent victorieusement aux divers "economic hitmen" qui leur furent délégués, notamment les "experts" du FMI et leurs alléchantes offres de soutiens financiers. Singapour se remit très vite et sans dégâts apparents de la fameuse crise de 1977 qui frappa le Sud Est Asiatique.
Cette "Grande Chine" est LE mastodonte économique du monde, elle en est LE mastodonte démographique, et est en passe d'en devenir LE mastodonte militaire. Et cette région essentiellement agricole s'industrialise à une vitesse phénoménale.
Elle n'est pas seule dans ce cas: deux autres mastodontes se profilent à l'horizon, l'Inde et le Brésil. Et là nous retrouvons le problème évoqué dès 1971: les besoins de ces trois "émergents" en ressources stratégiques, qui vont raréfier dangereusement celles que Washington juge nécessaires à son maintien de leader mondial.
Les trois "émergents" ont des besoins féroces en énergie, pur développer leur base industrielle. Mis à part le nucléaire, qui dit "énergie" dit essentiellement gaz et pétrole. Le jeu pour Washington n'es PAS de s'approprier toutes les ressources énergétiques de la planète, mais d'en réduire l'accès à ces trois dangereux "énergivores", pour freiner leur industrialisation et par là freiner leurs besoins en ressources autres qu'énergétiques.
Et c'est là, précisément que le Moyen Orient entre en jeu.