Cette revue des deux impérialismes dominant en Europe ne prétend pas désigner "le Bien" et "le Mal", mais simplement se veut un essai de description de l'état d'esprit des deux hegemon actuels.
L'effondrement du bloc Soviétique a provisoirement désigné Washington et ses alliés comme "vainqueurs" de la première manche de l'affrontement "Rimland" contre "Heartland", qui a été nommée "Guerre Froide". Mais ce n'est QUE la première manche.
Il a fallu deux manches pour entraver provisoirement l'essai hégémonique de l'Allemagne Wilhelmienne puis nazie; force est de reconnaître la puissance d'apprentissage de cet Etat-Nation. L'Allemagne, devenue "hegemon en second" a réussi le tour de force de détruire la Yougoslavie, point d'appui essentiel des slaves en Europe du Sud, avec la bénédiction du reste de l'Europe.
Le Général Gallois expliquait naguère dans un entretien son étonnement dès les années 70-80 lorsqu'il s'est rendu compte que certains cercles dirigeants allemands désiraient détruire cette Yougoslavie, issue du Traité de Versailles (1920!) qui leur avait causé tant de soucis lors de la 2e Guerre Mondiale.
Cette réflexion peut aussi s'appliquer aux rapports Washington-Moscou: se souvenant de la Guere Froide, Washington voudrait réduire la Russie au périmètre de l'ancienne Moscovie. Rossia delenda est.....
Ligotée dans l'OTAN (sous commandement US depuis sa création), l'Europe de l'Ouest n'a que peu de marge de manoeuvre. L'extension à l'Est, saluée en son temps, qui a incorporé dans l'Union Européenne des Etats-Nations naguère sous occupation russe (soviétique, mais russe grand teint) l'a poussée vers les extrêmes. Moscou vu de Bruxelles n'est pas un allié, mais un partenaire forcé. Et Bruxelles vu de Moscou n'est qu'un porte-avions US incoulable. Vous parlez d'une tectonique des plaques.......
Dans cette configuration, l'Ukraine était vue comme une carte "jouable" sans grand risque: enjeu stratégique majeur pour Moscou, voir plus haut, elle ne représente presque rien stratégiquement pour les USA, car ils peuvent déplacer à leur gré un autre pion sur la périphérie de la Russie. Le jeu semblait donc en devoir la chandelle, jusqu'au "contre" Russe: la Crimée. Crimée dont les velléités de rattachement à la Russie, si elles se concrétisaient et SI elles étaient avalisées, pourraient ouvrir la porte à d'autres "défections" ukrainiennes. Ce qui ferait perdre la face aux USA et à l'Europe, en démontrant les capacités manoeuvrières russes, déjà démontrées en Géorgie.
Oh non! nous autres Européens n'avons aucune raison de craindre que notre confort douillet soit abranlé par une guerre "militaire" entre OTAN et Russie. "Mourir pour Kiev", apparemment n'est pas dans les cartons. Le retrait US d'Afghanistan et d'Irak, les prévisions budgétaires US pour 2015 signalent un désengagement de Washington et du Pentagone des théâtres Moyen Orient et Europe, tout en opérant un recentrage vers le Pacifique, et la Chine. Ouais, ça, c'est ce qu'on lit...... "L'Armée de Terre US moins nombreuse, 450 000 personnels en tout, au même niveau qu'en 1940". Tu parles, Charles!
On oublie de signaler qu'en 1940, le reste de la population US n'avait pas suivi d'entraînement militaire. Ce qui explique en grande partie les délais de réaction US et la date de ses contre-offensives: il faut entraîner les recrues. La rapidité de la réaction US à l'invasion de la Corée du Sud en 1950 s'explique par le fait que des millions de civils US venaient juste de quittéer les forces armées 5 ans auparavant; il a suffi de rappeler les réservistes, et Washington a eu des unités "toutes prêtes à l'emploi".
Ce qui va être le cas demain, sous une autre forme. Depuis la fin de la Guerre du Vietnam, les forces armées US se composent de professionnels et de "Gardes Nationales", soldats à temps partiel. Pour ce qui est des professionnels, les droits à la retraite sont sensibles à partir de 20 ans de carrière avec un maximum aux alentours de 30 ans. Engagé à 18 ans, cela vous fait quelqu'un à l'âge de 38-40 ans parfaitement formé... et capable de faire bonne figure dans un conflit: des "cadres rêvés".
Il y a déjà des armées "privées", dont Blackwater est l'archétype. Blackwater fut utilisé intensivement en Irak, appoint non négligeable aux forces US engagées là-bas, et de surcroît ses pertes n'étaient pas comptabilisées dans les pertes US..... Tout bénef. Blackwater fut expulsé d'Irak pour cause d'excès en tous genres. Mais n'a pas disparu, simplement ils ont changé de nom.
Nous voilà revenus au temps des condottiere, au temps des mercenaires. Les Etats n'auront plus à se justifier lors d'interventions dans des pays tiers: ce seront des mercenaires qui se chargeront du travail. Des Généraux US en retraite ont aidé l'Etat Major Croate dans la planification de l'invasion anti-serbe de la Bosnie et de la Krajina. Notons bien que des hommes en tenue de combat, mais sans insigne, "aident" les milices en Crimée....
L'Ukraine, prochaine Yougoslavie? SI les Occidentaux veulent vraiment en découdre avec Moscou, et le SI est ENORME, ce sera une Yougoslavie-bis. Mais ce ne sera PAS une guerre "conventionnelle" OTAN-Russie, qui ne permettrait pas l'intervention de l'ONU. Intervention dont nous avons vu les effets en Yougoslavie et au Kossovo. Des "combattants de la Liberté" d'un côté, des "méchants" de l'autre, vus de Paris. Sauf que ces Brigades Internationales-là seront grassement payées par des ONG d'un nouveau genre. Que voulez-vous, on a les volontaires de la Liberté qu'on peut.....