Jean HUCK

Abonné·e de Mediapart

65 Billets

0 Édition

Billet de blog 12 avril 2013

Jean HUCK

Abonné·e de Mediapart

Voici venu le temps des Grands Barons

Jean HUCK

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J'aime beaucoup Mediapart: articles percutants, enquêtes bien menées, persistance portant ses fruits. Bref, l'outil de référence d'un simple blaireau comme moi.

Mais à lire les commentaires, il y a un léger défaut au coeur de son pari: les réactions émotionnelles. En cela cette publication partage le défaut majeur du capitalisme (ne sautez pas sur votre chaise, la suite vient) et de l'idée démocratique.

Ce défaut provient, à mon avis d'une vision mécaniste du monde issue de l'ivresse des débuts de la Révolution Scientifique (cf le discours de Laplace): comme dans le mouvement Brownien, les individus (atomes) réagissent uniformément aux affects extérieurs.

Le postulat (faux) de la démocratie aussi bien que du capitalisme estime que les intervenants (citoyens, acteurs économiques) sont tous parfaitement informés et tous également rationnels. La faille est évidente d'elle-même, dès qu'on débarrasse ces deux concepts des habillages fumeux dont on les a enrobés pour rendre le discours digeste.

M. Plenel et ses amis présentent à la réflexion des pistes, des indices susceptibles de concourir à la formation par leurs lecteurs d'un tableau plus exact de la réalité. Encore faut-il que les lecteurs aient une bonne connaissance du tableau et de plus de son existence. Ce qui, manifestement n'est pas le cas, et surtout pour moi qui n'ai au fond que des lueurs très imparfaites.

Le "cadre général".

Depuis la lointaine Sumer, il est resté invariable: nous vivons dans un monde de la Machtpolitik, le monde de la loi du plus fort. La force y prime le droit. La possession y vaut loi. Les Révolutions successives (on peut remonter aux Gracques si l'on veut) n'en sont pas. Une Révolution par définition "renverse" le cadre général. Ces Révolutions ne sont que le résultat de déplacements progressifs de puissance d'un groupe, "d'une classe" à l'autre.Lénine les appelait à juste raison des "révolutions bourgeoises".

Devenu de force respectable, un groupe se "fait une place au soleil" aux dépens, en principe, des autres groupes dominants. C'est la théorie. dans la pratique, il y a certes quelques évictions ici ou là (Loyalistes des Etats Unis, émigrés de France). Il y a surtout conformation des nouveaux venus aux us et coutumes des "anciens". Le parvenu adopte le mode de vie, et les préjugés de la classe dirigeante.

Les deux mondes.

Liberté, Egalité, Fraternité sont des oripeaux dont on a revêtu l'accession de la bourgeoisie, le Tiers Etat, aux "affaires". Sauf pendant les très courtes périodes de la domination Jacobine (la Terreur) ou des permiers mois de la révolution soviétique "à la Lénine", le peuple, le Quart Etat, n'a jamais eu "sa place" dans le système. La réalité c'est qu'il y a deux mondes au sein des sociétés humaines. Ces deux mondes ressortent chacun d'une idéologie distincte.

Le monde des dieux.

Il ne s'agit pas là de théologie. Le mot "dieu" dérive du sanscrit dev, qui signifie "force", "puissance". C'est le monde non pas des puissants, mais "des forts", ceux qui peuvent imposer leur volonté aux autres. La Loi, c'est moi. Ce n'est ni une affaire d'hérédité, ni une affaire de "classe", c'est une posture individuelle. Les "forts" peuvent émerger absolument de toutes les strates des sociétés.

Ce n'est pas non plus une question d'intelligence à proprement parler, ni de "ruse": c'est une question de dureté intérieure, morale et bien évidemment égocentrique. Le "fort" éliminera sans remords son plus proche s'il le juge nécessaire, ou plus prosaïquement bénéfique pour lui.

Aux origines de nos concepts de démocratie, la Grèce Antique. Sauf aux tous débuts de l'hellénisation (la Grèce de Périclès a été envahie par les Doriens, les Achéens, etc... tout comme la France est une Gaule envahie par les Francs), le citoyen Grec ne travaille pas. Le travail per se est assuré par deux groupes: les "métèques", les étrangers autorisés à s'installer en Hellade généralement pour faire du commerce, mais qui n'ont aucun droit, et les esclaves fondement indispensable de la prospérité grecque.

L'esclave ne coûte que de quoi le nourrir, le vêtir (chichement) et le loger (rudimentairement): le minimum vital  qui lui permet d'être productif. Amusant, le parallèle avec le "minimum vital" des années 60.....

Les Grecs ne sont égaux qu'entre eux; les "autres" n'ont aucun droit.

Même chose dans la Rome Antique, sauf une "amélioration": la systématisation du butin, puis du tribut par la conquête militaire. La prospérité de Rome dépend désormais de son empire outre-Latium. Et je dis bien "outre-Latium", le reste de l'Italie paie aussi tribut. Sinon, le cadre reste grec: étrangers tolérés, et surtout esclaves demeurant les moteurs favoris de "la croissance" comme on eût pu le dire.

Il y a donc deux strates: les Maîtres et "les autres". Rappelons que le Pater Familias a droit de vie et de mort sur TOUS, y compris sa femme et ses enfants, sans avoir à rendre de comptes. Tiens! la "gestion de bon père de famille"... j'espère que ça ne sort pas du Droit Romain. Autre petite translation de sens: les élus stipendient leurs électeurs à conditionque ceux-ci produisent des héritiers mâles qui donc voteront pour sa "gens", son clan; on appelle ces stipendiés des "prolétaires", "faiseurs d'enfants".

Et nous pourrions ainsi, au fil de 1000 ou 1200 pages remonter l'Histoire jusqu'aujourd'hui, le schéma reste le même. D'un côté les Maîtres, de l'autre, de préférence les esclaves (les métèques ont parfois des prétentions déraisonnables à une égalité de traitement). Le servage n'est qu'une "amélioration" de l'esclavage.... pour le Maître qui n'a plus à se soucier d'entretenir ses gens: ceux-ci sont "LIBRES" (démerden Sie sich, Sie sind Frei...). Tout bénef, la Liberté....

Bon, la Révolution Industrielle, et la Révolution Françouaise où très brièvement les "damnés de la Terre" font entendre leur voix. Mais tout ça rentre vitre dans l'ordre, le Tiers Etat affermit son emprise sur des masses pétries d'émotions (et non de connaissances) et un peu trop enclines à guillotiner ou à saboter.

Car là se trouve bien la ligne de partage des eaux: le Maître (ou l'aspirant-Maître) s'efforce de SAVOIR, l'hilote moderne se laisse guider par ses émotions. Le torero et son chiffon rouge devant un taureau émotif......

D'où un essai de mainise sur les media, qui ne sont désormais autorisés qu'à la diffusion d'émotionnel. Même les plus nobles causes l'emploient. L'émotionnel chasse la réflexion, ce que disait crûment, mais véridiquement naguère M. Le Lay.

Le temps présent est peut-être celui de l'irruption dans la sphère des Maîtres de nouveaux groupes; je ne sais pas. Ce que je vois, par contre, c'est que les Maîtres actuels, vous savez bien: les Bilderberg, la Trilatérale, et consorts voient leur édifice (qui comprend bien sûr les fameux paradis fiscaux dont la plupart ont été mis en place par les Etats riches eux-mêmes) fortement secoué.

Ils avaient pensé, il y a trente ans, avoir gagné disons un siècle de tranquillité. Ce fut le fameux discours de George Bush Sr. sur "le Nouvel Ordre Mondial". Il est étonnant qu'à l'époque pas un seul journaliste à ma connaissance n'ait fait le rapprochement avec le titre d'un ouvrage signé dans les années 30 par Henry Ford Sr qui s'intitulait...... "Le Nouvel Ordre Mondial", ouvertement antisémite et pro-nazi. Le père de George Bush Sr, le grand père de Dobyou était d'ailleurs un proche d'Henry Ford. Dites, ça laisse rêveur, non?

Et bien entendu, ce "Nouvel Ordre Mondial", l'ultra-libéralisme (encore une dérive sémantique utilisant la confusion entre "libre-échange" et "liberal" qui en Anglo-Saxon désigne le Centre-Gauche) ou plus précisément le néo-conservatisme, définit comme clé de voûte de la doxa des Maîtes: la Loi, c'est moi. C'est le coeur de l'attrait de cette doctrine pour les aspirants: être en-dehors des Lois, au-dessus du commun (la Common Law), inatteignable, intouchable; la TOUTE PUISSANCE quoi.

Mais, comme pour l'Ancien Régime, il y a un hic: la Cour, les vassaux, les vavasseurs (arrière-vassaux), tout ce petit monde de prébendiers, de pétitionnaires qui lui aussi se veut "ignorer la Loi" (sens juridique de "nul n'est sensé ignorer la Loi": nul n'est sensé ne pas en tenir compte, et non pas "ne pas la connaître entièrement"). N'ayant ni la force, ni les moyens de la force, ces affidés se font de tempps à autre prendre la main dans le sac, ce qui est un inconvénient.

Je viens d'apprendre que la fameuse institution des journalistes indépendants à l'origine de l'Offshoreleaks était "soutenue" par ... George Soros, le Grand Requin blanc de la spéculation. Je serais un de ces journalistes, je me méfierais......

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.