Les malheureux qui auraient par mégarde lu mon dernier billet ont dû se gratter la tête: "qu'est ce qu'il veut dire?".
Je l'ai relu, "Qu'est ce que c'est que ce galimatias?" Mille excuses, pour une fois j'ai voulu faire court, et le résultat est moins que satisfaisant, bien moins; je dirai "NUL".
Avec votre permission, je vais reprendre le canevas et tenter de mieux faire cette fois. Mais ce sera un peu plus long......
1) Je me suis donné des airs de Munichois en plaidant pour une entente avec le plus fort du moment. Il y a quand même une différence notable: à Munich, nous Français avons livré un pays ami, la Tchéoslovaquie que nous avions aidée à émerger après le Traité de Versailles (1919) sur les ruines de l'Autriche-Hongrie, en vertu du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. La Crimée n'est pas "un pays ami", elle ne l'a été qu'en tant que partie de la Russie.
Argument retournable contre son auteur: l'Allemagne Nazie a "réuni" les Sudètes au Reich sur une base ethnique, ce que vient de faire Moscou. Et la Tchécoslovaquie du temps était alliée militairement à la France, autre miroir de ce qui a lieu aujourd'hui, l'Ukraine manifestant des velléités de s'allier à l'U.E. et pourquoi pas à l'OTAN. Qui a dit que tout ça serait simple à démêler?
Donc, dans l'ensemble, mon attitude paraît bien être une capitulation devant un coup de force. Dont acte, mais je ne me dédis pas. Car je pense qu'il y a d'autres arguments, tirés de l'Histoire longue; pas si "longue" que ça, vous allez voir.
2) Mon dada.
Je pense avoir observé un phénomène tout à fait remarquable à l'étude du "long XIXe siècle" et du "court XXe siècle". A ce sujet, je pense qu'Hobsbaum s'est trompé, le XXe siècle n'est pas fini, il continue de plus belle. Ce phénomène, faute de mieux, je le nomme "gel des évolutions". Il s'agit de l'évolution des inconscients (ou des subconscients, je ne suis pas freudien) des peuples, qui se situe sur des échelles qui ne sont pas comparables à l'évolution des individus.
Je vais essayer d'employer la meilleure image que j'ai trouvé pour tâcher de ma faire comprendre: imaginons que le mécanisme de l'adoption d'une idée par un idividu soit représentée par.... une cafetière électrique. L'individu, c'est la poudre de café, la société, c'est le filtre, et l'idée nouvelle, c'est l'eau. Le "café" qui arrive dans la tasse, c'est le résultat de l'imbibation du café par l'eau. Ce processus prend une minute ou deux.
Quand il s'agit d'un peuple, d'une nation, la poudre de café et le filtre deviennent monstrueusement grands; il faut imaginer (difficilement) un filtre contenant SOIXANTE MILLIONS de doses de café. MAIS avec toujours le même filet d'eau que dans la cafetière individuelle (UNE idée nouvelle)... La percolation prendra un temps infini.... incommensurable avec celle requise pour une seule tasse.
Donc, selon ce raisonnement, le corollaire est: la diffusion d'une idée dans le corps social prend infiniment plus de temps que lors de l'acceptation de cette idée par un individu, jusqu'à ne pas faire partie de la même échelle.
Complication supplémentaire: les "grains de poudre de café", les individus, ne sont pas "intellectuellement uniformes". L'innovation va rencontrer des résistances substantiellement différentes. Et les réactions peuvent être "étalées" dans le temps historique: certains vont, au contact de l'idée nouvelle, re-formuler des doctrines Louis-XIVe, d'autres des vues napoléoniennes, d'autres enfin des vues de type Révolution Française, d'autres enfin se rapprocher de "mentalités" plus modernes. Il n'y a rien là que de très naturel.
Une exception, les catastrophes: la Grande Peste, les Guerres de Religion, les Guerres Napoléoniennes, et surtout les deux Guerres Mondiales et leurs séquelles. Je pense avoir entrevu un phénomène bizarre, fugitif mais significatif: APRES ces catastrophes, un consensus semble se dégager pour "reprendre à zéro", pour redémarrer l'évolution politique et sociale en régressant à l'état antérieur au déclenchement de la catastrophe. En France, ce sera la Restauration après l'Empire (mais surtout après la Révolution qui avait amené l'Empire).
Ce phénomène de "remise à zéro" du compteur de l'évolution des sociétés me paraît expliquer beaucoup de phénomènes que nous avons pu observer dans le monde depuis 50 ans. Ce n'est PAS une "explication du Monde", ce que je propose est une sorte d'instrument de mesure, un outil de compréhension.
A suivre.