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Billet de blog 30 juin 2013

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Le XXIe siècle sera PEUREUX ou ne sera pas

J'ai utilisé un synonyme approximatif d'une citation (que d'aucuns disent apocryphe) de Malraux "le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas", et au fond, pour les zélateurs des trois religions révélées, "craindre Dieu" n'est-il pas LE Commandement?

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

J'ai utilisé un synonyme approximatif d'une citation (que d'aucuns disent apocryphe) de Malraux "le XXIe siècle sera religieux ou ne sera pas", et au fond, pour les zélateurs des trois religions révélées, "craindre Dieu" n'est-il pas LE Commandement?

Mediapartien assidu, grand lecteur des commentaires, je n'ai pu que m'apercevoir des ravages opérés par un enseignement orienté (je me refuse à parler d'éducation, ce sont les familles qui éduquent, le corps enseignant... enseigne), axé principalement sur une "fable moraliste" et sur la superficialité. Le premier devoir, pour réfléchir, me semble être de reculer, non pour mieux sauter, mais pour tenter d'apercevoir l'ensemble de la question.

Ainsi des "printemps arabes" salués comme des "explosions démocratiques" et dont plusieurs s'étonnent de voir les soubresauts qu'ils entraînent. Le mot "démocratique" est approprié en ce que cette démocratie moderne, née au XVIIIe siècle , est une invention des classes moyennes inférieures: petite noblesse, bas clergé, artisans et commerçants, bref le Tiers Etat. Elle eut un prédécesseur exactement semblable avec Cromwell, au sujet d'un impôt que voulait lever Charles 1er....... Sans oublier les Révolutionnaires Américains des treize colonies d'Amérique du Nord, tous "bourgeois" ou yeomen; les classes supérieures restèrent fidèles au roi George, et émigrèrent ensuite pour la plupart au Canada.

Quand nous parlons de Révolution, il faut bien voir de quoi il s'agit:

- il y a mécontentement conjoint des classes populaires et des classes moyennes inférieures, pour des motifs diamétralement opposés, même s'ils présentent une ressemblance superficielle. Les classes populaires désirent de meilleures conditions de vie. Les classes moyennes inférieures désirent "entrer dans la cour des grands"; c'est à dire jouir des mêmes avantages que les classes supérieures.

- pour qu'un soulèvement réussisse, il faut que les classes supérieures aient perdu une part de leur pouvoir de coercition, crûment de leur bras armé, Armée et Police. C'est par exemple ce qui s'est passé en Tunisie et en Egypte.

- APRES l'éviction plus ou moins violente des "corrompus" en place, vient le temps des troubles. Les classes inférieures attendaient une révision du cadre de vie prenant en compte leurs besoins les plus criants. Les classes moyennes inférieures, elles, pensent avoir atteint leur but: s'insérer dans les classes supérieures à l'intérieur du cadre antérieur aux évènements. Pour le Tiers Etat, il n'est pas question de bouleverser les institutions, mais bien d'avoir accès aux commandes... et aux bénéfices. Là encore, la Tunisie et l'Egypte sont des exemples parlants; nous pourrions y joindre Thermidor, la République de Weimar, ou celle de Kerensky.

Les manuels d'Histoire auraient sérieusement besoin d'être revus.......

Donc: LA PEUR.

C'est une arme immémoriale, qui a été assez récemment systématisée sous des formes originales.

Passons rapidement sur les thèses dites "conspirationnistes" : l'ennemi sournois tapi dans l'ombre tramant des plans machiavéliques. Ces thèses butent sur un point précis, une trivialité qu'elles oublient fort opportunément, et que je résumerai par une boutade: "Il n'y a pas d'imbéciles parmi les cardinaux". Les classes supérieures sont des milieux, c'est le moins qu'on puisse dire, difficiles d'accès. Pour y parvenir, il faut être littéralement "hors du commun", surtout en matière de conscience, de morale et d'éthique. Requin, loup ou lion, il ne peut y avoir QU'UN mâle Alpha. Ce qui signifie simplement qu'un "maître plan" suivi par tous, ou une majorité relève du quasi-impossible: ce sont des individualistes forcenés.

Ce qui n'empêche pas les alliances de circonstance, la plus évidente étant le fameux Pacte Germano-Soviétique d'Août 1939.

Passée la peur des totalitarismes, vers les années 50, ceux que je nommerai "les Puissants", que Dwight Dean Eisenhower nommait "le complexe militaro-industriel"auxquels se sont joints les "banksters" récemment avaient un problème: la prochaine saturation des marchés d'équipement domestique. Oubliez le Tiers et/ou le Quart Mondes: pour ces gens-là, c'est "Terra Nullius", des terres VIDES D'HUMAINS (les indigènes ne sont PAS humains pour eux): des ressources animales, végétales et minières; point.

Le saturation des marchés, c'est bien entendu celle qui allait sévir chez les "civilisés" européens ou descendants d'européens: le Monde Occidental, et le Bloc Soviétique. Du côté de l'Est, à cause de la folie destructrice du IIIe Reich, l'équipement domestique était très en retard, mais le rythme du rattrapage laissait prévoir qu'à la fin du siècle, l'Est aurait rattrapé l'Ouest.

Ah! Ah! "la fin du siècle", nous y voilà! L'idée était là, en germe: la fin du millénaire qui, comme chacun croit savoir "engendre des peurs" (faux: la fameuse peur de l'An Mil est passée inaperçue à l'époque, ce n'est qu'au XVe siècle qu'on commença à en parler).

En attendant, le Puissants allaient devoir affronter la fameuse loi des rendements décroissants, et voir diminuer leurs dividendes. Ce qui est proprement intolérable. Pour maintenir un taux de profit "acceptable", force serait d'augmenter les prix... mauvaise pioche, par le passé cela avait suscité d'assez désagréables jacqueries et plus récemment des révolutions avec un tas de nouveaux riches à la clé. Problème.....

Solution! La FIN du siècle... Attendez, attendez, j'ai là quelque part quelque chose d'intéressant..... ah! voilà! "Le Club de Rome", vous connaissez? Des gens de toutes disciplines qui annoncent la raréfaction des ressources. Tout y passe: le pétrole, l'eau, les minerais, TOUT. Vous ne voyez pas? L'offre et la demande! Si TOUT va devenir plus rare, TOUT va devenir plus cher! La voilà, notre augmentation!

Le Club de Rome n'avait pas tout à fait tort... mais il n'avait pas raison non plus. Il fondait ses calculs sur la base des connaissances de l'époque. Or ces connaissances en ressources étaient singulièrement déficientes: on a depuis découvert PLUS de pétrole qu'on ne l'avait fait avant 1950, et le reste à l'avenant. Ce qui est réel c'est que le temps des extractions à bas prix touchait à sa fin. Et qu'un risque réel existait: que les consommateurs exigent des solutions de substitution. Pétrole trop cher? essayons autre chose.... Et là, cela devenait parfaitement intolérable, pensez! des investissements (gigantesques) s'avérant improductifs. D'autant que les Etats de l'époque n'auraient pas suivi ni mis la main à la poche.

J'ai un souvenir assez savoureux d'un Représentant Démocrate du Texas, un certain Lyndon Baines Johnson s'inquiétant de l'avancement d'une loi sur la DEPLETION: une compensation pour les pétroliers au fur et à mesure que le pétrole qu'ils extrayaient DIMINUAIT. "Il y a moins de pétrole sous mes puits, aidez moi". Fabuleux, non?

C'était -littéralement- l'idée du siècle. Mais il fallait y aller savamment.

Le premier banc d'essai fut la peur de l'holocauste atomique: les dirigeants, tant US que Soviétiques 'étaient parfaitement renseignés sur les dangers d'un échange nucléaire. Nous savons maintenant qu'il n'en fut jamais au grand jamais question ni d'un côté ni de l'autre. Mac Arthur, l'idole des Etasuniens, fut saqué comme un malpropre pour avoir envisagé l'usage de l'arme atomique en Corée. De même, Eisenhower refusa sèchement une "suggestion" des Français d'utiliser cette arme pour dégager Dien Bien Phu. Et en coulisses, Moscou et Washington passèrent un temps fou à mettre au placard leurs va-t'en guerre. Mais les populations, elles, furent inondées d'avis de précaution et furent tétanisées par la peur. Pour la bonne règle: une exception, les missiles de Cuba, une bourde que Khrouchtchev paya très cher.

Le deuxième fut la faim dans le monde. Oui, je sais, c'est un drame quotidien, et une honte pour nous, gens du Nord riche. Mais ce que l'on ne dit pas, c'est que c'est moins une question de production que d'acheminement, de répartition. A peu de choses près, le monde produit de quoi nourrir la totalité de la population de cette planète; on peut, on doit envisager des améliorations, mais l'essentiel est déjà là: on PEUT AUJOURD'HUI nourrir le monde ENTIER. Le problème: est-ce que ce sont des êtres humains? Cette forme de racisme est bien plus répandue qu'on ne le craint,surtout dans les hautes sphères (qui considèrent déjà le vulgum pecus bien de chez nous comme sous-humain, ou à peu près: un peu moins que leur chien, un peu plus qu'un esclave). En mettant l'accent sur un problème de production, c'est à l'inconscient, au cerveau reptilien de leurs électeurs qu'ils s'attaquent: NOUS ALLONS MANQUER DE PAIN.

Le troisième fut "la Santé". Vaste programme..... Les progrès - très réels - de la Médecine avaient été tels que l'entreprise s'avérait risquée et peu prometteuse. Erreur! Erreur fatale pour ceux qui n'empruntèrent pas la diligence à temps. On n'allait parler "maladie" qu'incidemment, presque de façon routinière; il y avait encore d'énormes progrès à faire et les recherches s'avéraient ardues.. et coûteuses. Non! on allait parler de "pleine forme", de "vie saine", presque d'éternelle jeunesse et d'immortalité. Avec de temps à autre des "alertes", notamment sur le cancer, fléau bien réel. Au passage, le drame du SIDA tomba à point nommé (mes excuses pour les victimes de cette terrible maladie, mais ici il est question de BENEFICES engendrés par "la lutte", qui ne sont pas là où on les soupçonne).

Et puis, il y eut le terrorisme. Comme anxiogène, à part les serial killers (des artisans, des gagne-petit en matière de peur), on n'a encore pas trouvé mieux. Pensez: DES INDIVIDUS (PAS des Etats) INSAISISSABLES prêts à répandre la mort, la peste, le choléra et la terreur. si après ça le vulgaire ne se cadenasse pas chez lui en claquant des dents, il y a de quoi désespérer.

Réfléchissons: avec la "fin" des ressources naturelles, alimentaires, minières, etc... PLUS une "forme" défaillante, PLUS ces terribles maladies qui rôdent (elles existent, bien sûr, c'est du REEL, mais là nous parlons de notre IMAGINAIRE), PLUS ces prix qui augmentent tout le temps, PLUS ces terroristes qui tuent à l'aveugle. Résultat, les marchés sont peut-être saturés (et il y a un très  réel affaissement de la demande mondiale, pas uniquement dû à la Crise), mais nos neurones sont sur-saturés par la PEUR. Et cela génère un besoin de PROTECTION sous-jacent même chez le plus sceptique (je ne fais pas exception: je dois me faire violence pour continuer à essayer de voir ce qui est REEL dans ce théâtre d'ombres).

Et cela est alimenté par une disposition très simple envers "la Science": de l'aveu même des scientifiques "il faut prévoir des catastrophes pour obtenir des crédits". Aveu terrible, aveu en profondeur: la Science devient une presse à scandales. La compétence des scientifiques n'est pas en cause, mais pour continuer leur travail, ils DOIVENT prédire des catastrophes. Ces catastrophes EXISTENT, mais elles ont toujours existé (ce n'est pas une raison pour me faire dire qu'il ne faut rien faire; je pense l'exact opposé. Mais on TRIE les menaces).

Et enfin ,le bouquet, le glaçage et la cerise sur le gâteau: le changement climatique. Pour situer exactement ce faux débat, je rappellerai une évidence: depuis près de trois millions d'années environ (je n'ai pas les chiffres exacts en tête) notre bonne vieille Terre est sous le régime d'une glaciation quasi permanente. Il existe des périodes dites "interglaciaires", de réchauffement, qui durent entre 15 et 20 000 ans. Après quoi la Terre se recouvre encore de glace. La dernière période glaciaire a pris fin il y a environ 15000 ans, et il ne faut pas être grand clerc pour incliner à penser que "normalement" NOTRE période interglaciaire est elle-même sur le point de prendre fin. Sauf inconnue, il va bien y avoir un "changement climatique", mais peut-être pas dans le sens où nous l'attendons. De toute façon, réchauffement ou refroidissement, les perturbations météorologiques engendrées par les changements de paramètres seront sans doute énormes et dévastatrices pour nous.

Pourquoi introduire le changement climatique dans la stratégie de la peur?

Parce que depuis le XIXe siècle, un changement fondamental a eu lieu dans les sociétés "civilisées": nous sommes passés d'un cycle de production, d'une ère de "bâtisseurs d'empires", barons du rail, maîtres des forges, à un cycle de prédation, raiders, traders, en fait des charognards qui ne se nourrissent que de cadavres. Et qui, parce qu'ils sont de plus en plus nombreux et avides, en sont venus à multiplier les "cadavres".... qu'ils confient à d'autres le soin de tuer. Le changement climatique est une OPPORTUNITE d'abord parce qu'il contribue à affaiblir les entreprises "traditionnelles", ensuite parce que jouant largement sur l'inconscient, il favorise l'irruption de "médecines miracles" pour beaucoup extrêmement profitables (les terres rares par exemple). L'ennuyeux, c'est qu'ils ne produisent rien; non que je sois productiviste, mais l'humanité s'en est toujours plus ou moins tirée par l'innovation, qui est que je sache, une production, non?

A+

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