Je viens de terminer le dernier livre de ROBERTO SAVIANO. « Zérozérozéro » est une plongée dans le monde de la cocaïne dont on ne sort pas indemne. J'ai le souvenir précis de Roberto sur une Motocyclette dans les ruelles de Naples alors qu’il faisait des papiers dans le Matin de Naples. Aujourd'hui son dernier opus est dédié aux 38 000 heures de protections faites par son escorte et malheureusement aux heures à venir. Saviano nous donne son existence pour nous informer, nous expliquer, nous faire comprendre. Personne ne pourra plus dire qu'il ne savait pas. Saviano explique que quand nous regardons de la coke nous voyons de la poudre. Saviano regarde à travers la cocaïne et il voit notre monde. Reagan et Gorbatchev sont moins responsables de la chute du mur de Berlin qu'El Magico qui a partagé le monde à l'instar d'Alexandre le grand et fait pleuvoir des millions de dollars.
Bien sûr que deux pièces sur huit de ma maison sont financées par les narcodollars qui doivent blanchir. Sans l'argent de la drogue personne ne pourrait se payer des terrains à deux mille euros le mètre carré .En leasing le moteur Hybrid de ma Lexus est lui aussi financé par l'argent de la cocaïne qui devient, grâce à ma ponctualité, de l'argent propre. Suis-je moins responsable que ceux qui se blanchissent le tarin pour supporter une société qu’ils contribuent à terminer ?
Saviano nous conte, avec un talent d'orateur napolitain, les victimes expiatoires de cette guerre qui ne porte pas de nom. En fermant « Zérozérozéro » je suis aussi convaincu que notre monde occidental ne serait pas le même si la drogue était purement et simplement légalisée. L'argent de la cocaïne est partout, c'est devenu notre environnement plus sûrement que les chênes et les peupliers.
Si des millions de personnes ont trouvé du temps pour manifester contre le droit aux homosexuels de divorcer, aucun dirigeant en exercice ne se suicidera en proposant la légalisation et le contrôle de l'État sur ce poison qui ronge les fondements de nos démocraties. Et pourtant de Clinton à Dreyfus en passant par des hauts dignitaires français la question est posée. Cette guerre est perdue et on la continue car notre société ne saurait pas fonctionner sans elle.
Lorsque ce livre sortira en français je me précipiterais en librairie pour en acheter dix que j'offrirais, que je lirais encore et encore. Avec « Gomorra » Saviano avait mis la barre très haute. Son nouveau livre a, en plus du fond, la forme que n'avait pas Gomorra. Saviano est un écrivain, un auteur de talent, un narrateur de génie qui nous livre un récit digne de ses ancêtres du nom de Dante Alighieri. « Zérozérozéro » est sa divine comédie, son chef-d'œuvre ou l'on retrouve les portes du paradis, closes, des humains en recherche du sens et l'enfer que nous avons créé.
Merci Monsieur Saviano. Merci Roberto. Merci.