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Billet de blog 16 juillet 2015

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Les petits chefs français

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Le mal français

Il y a des phrases et des concepts que  beaucoup hésitent à formuler à haute voix. Pourtant la pratique est unanime : Celui qui veut licencier des employés ou faire exploser une équipe engage un chef français.

À l’heure ou beaucoup se demandent pourquoi l’économie française ne démarre pas, en suisse, on peut observer les dégâts de la gouvernance de français engagés à des postes élevés.

Qu’on ne se méprenne pas ; je ne dis pas que le fait d’être français rend incompétent et méchant. Il ne s’agit ni de race ni de peuple, juste d’une culture et d’une idée des rapports professionnels.

Dans une équipe qui tourne il suffit de nommer un dirigeant français pour que les rapports et l’efficacité change, diminue, et que certains employés démissionnent. Les psychiatres le savent, certains chefs d’entreprises en abusent, les politiciens les utilisent.

Les consultations pour burnout sont majoritairement demandées par des subalternes qui n’arrivent plus à gérer l’autoritarisme aveugle d’un chef français. Le propriétaire d’une entreprise qui veut licencier massivement engage un chef qu’il est allé chercher dans l’hexagone pour qu’il n’ait plus à licencier un bon tiers de ses employés. Maintenant, quand un service de l’état prend trop de puissance et de place, quand aucun changement n’est possible tant la cohésion du groupe est forte, le politicien qui a décidé de faire des réformes va chercher un dirigeant français pour détruire la cohésion du groupe.

Curieusement, bosser avec des français est souvent un l plaisir, tant qu’ils sont sur un pied d’égalité. Ils sont généralement bien formé e éduqué.

La question est que ce passe t’il alors lorsqu’ils deviennent chefs d’un service ou d’une unité ?  au contraire d’un suisse ou d’un allemand, le français va immédiatement cliver les rapports et prendre beaucoup de temps pour imposer une hiérarchie qu’il est seul à comprendre. D’en haut il exige que chacun soit sur l’échelon établis d’en bas il n’a de cesse que de faire tomber celui qui est en haut. Dans une structure ou tout le monde est au même niveau il est parfait.

Sa conception même des rapports de travail est un frein à la productivité et à l’efficacité. Un supérieur limitera un employé qui prendrait des initiatives même quand elles sont un plus pour l’entreprise et ne supportera pas que des subalternes prennent des décisions sans qu’il en soit informé et qu’il ait donné son feu vert.

Dans une usine de machine techniquement très compliqué, les employés du montage décident de venir bosser un samedi pour désengorger le service. Le chef suisse laissera faire et n’aura aucun problème à laisser les ouvriers prendre des mercredis après midi pour aller voir jouer fiston au fils. Dans le service d’à côté, le chef français exigera d’être prévenu et imposera de donner son feu vert. Il essaiera de le mettre par écrit et en fera un point de règlement. Ses subalternes ne prendront plus d’initiatives et se contenteront de faire le strict minimum, que la chaîne de production fonctionne ou pas.

Les exemples sont nombreux et assez connu. Les journalistes n’ont plus peurs d’en faire des une. Écrire « Au secoure mon chef est français » n’est plus tabou. Le gag le plus répandu est : un chef français dit à sont équipe : «  Il semblerait qu’en débit de ma position hiérarchiquement plus élevée je n’ai aucune solutions stratégique à vous proposer. Un employé suisse lève timidement la main et dit : «  Vous n’avez donc aucune idée de ce que nous devons faire ? Oui répond le français, « mais je le dis mieux que vous ».

Le code du travail helvétique fait une quinzaine de pages et il est assez courant d’arriver à cinquante ans, d’avoir travaillé toute sa vie sans n’avoir jamais signé un contrat de travail. J’ai eu jusqu’à 20 employés sans n’avoir jamais fait signé un contrat de travail et sans que personne ne me le demande jamais.

Il faut certainement des lois et des contrats. Il parait curieux que des millions de personnes descendent dans la rue contre le mariage pour tous et que personne ne manifeste pour un contrat unique alors que l’on passe plus de temps avec son patron qu’avec sa femme et ses enfants. L’idée même d’un CDI ou d’un CDD est un concept que le suisse ne peut comprendre. Cela ferait des différences entre employés que nous trouverions ingérables. Au mieux je conçois d’engager une personne pour une mission. Lui demander de faire un job pour un montant x lui laissant la gestion de son temps et de ses charges sociales est le maximum envisageable. En clair, prendre un indépendant pour un boulot qui ne serait pas pérenne est moralement acceptable. Engagé une personne pour trois mois alors que son collègue n’a pas de date de fin à son contrat rend impossible la création d’une équipe ou de lien entre les travailleurs. Un suisse ne saurait le faire. C’est une question de point de vue et de façon de regarder une situation. Le temps de travail ou le salaire minimum est du même acabit. L’année passée les suisses ont refusés le salaire minimum pourtant d’un montant proche des 2500 euros.  La raison est assez simple. Il me parait évident que celui qui aurait besoin d’un employé le paie en fonction de ce qu’il estime être juste ou juste en dessous du prix qui lui ferait faire le travail. Si demain un salaire minimum décidé pour tout le pays devait être mis en place, c’est le premier montant qui viendrait à l’esprit des dirigeants lesquels ne tiendraient plus du tout compte de la réalité du coût de la ville dans laquelle ils vivent. Par exemple un médecin qui prendrait une secrétaire la paie de façon à vivre dans la zone ou elle vit. Une loi ferait qu’il proposerait immédiatement le salaire minimum. Ce montant permet certainement de vivre à Bulle ou dans la Suisse centrale, mais certainement pas à Genève ou à Zurich. Il en va de même pour le temps de travail. La loi me donne un maximum au-delà duquel l’employé peut mettre un hola. Dans la plupart des cas le x heures par semaine est trop contraignant. Lors d’un job je laissais mes employés gérer leurs temps de travail. Ils préféraient faire cinquante heures d’affilée et ne pas venir bosser une semaine plutôt que de faire 40 heures et de s’arrêter en dépit du bon sens. Pour avoir pu constater les différences, je laissais les membres de mon équipe organiser leurs temps de travail ne leurs demandant qu’une seule chose : qu’il soit fait. Au même poste un français gérait tout. Début et fin de journée, pause repas et jours de congés, heures des réunions fixées à l’avance alors qu’ils n’avaient rien à se dire. À confronter les deux vécus des employés c’est le jour et la nuit. D’un côté ça a été une mission harassante et barbante, avec comme point d’orgue des noms d’oiseaux et empoignade alors que mes collaborateurs en parlait comme d’une colo ce que bien sûr mon collègue français m’a reproché.

Je n’ai jamais compris en quoi le besoin de contrôler en dessous et d’haïr en dessus pouvait être gratifiant. Je ne me lèverais pas le matin pour aller bosser avec un état d’esprit pareil.

C’est bien une différence d’état d’esprit et de culture d’entreprise qui fait la différence entre nos deux peuples ayant la même langue.

Le tout a été résumé par un politique important auquel des manifestants reprochaient d’avoir engagé un patron qui avait mis le service sans dessus dessous.

Pressé par les journalistes et certainement un peu effrayé devant les réceptionnistes en colère il a déclaré : «  Mais arrêté de me demander pourquoi j’ai mis un français à ce poste de direction la réponse est dans votre question. »

Sources : Voir L’Hebdo semaine du 25 juin 2015. 

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